Elections Américaines: stupeur et tremblement

Elections Américaines: stupeur et tremblement

Elections Américaines: stupeur et tremblement


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La campagne fait rage depuis des mois et vient d’entrer dans sa dernière ligne droite. Au programme : trois débats télévisés et une quarantaine de jours de campagne avant le grand soir du 8 novembre. Ce lundi, pas moins de 100 millions de téléspectateurs sont attendus pour le premier débat télévisé.
Et pour cause. L’enjeu est de taille, que ce soit pour les américains ou les citoyens du monde. Comme nous allons le voir, les candidats sont loin de faire l’unanimité et présentent tous deux des risques non négligeables.
Je vous propose de revenir sur le déroulement de la campagne tel que je l’ai vécu (le comment) avant de détailler quelques éléments clés des « programmes » des candidats et d’avancer certains explications (le pourquoi) et enseignements divers. J’ai divisé ce texte en paragraphes afin de rendre la lecture plus facile aux moins patients.


Introduction : la douche froide :
A un peu moins d’un mois du jour j, Donald Trump remonte dans les sondages et semble peu à peu combler son retard. Le simple fait qu’un raciste et populiste sans aucune expérience politique soit encore dans la course à la présidence des Etats-Unis est une véritable douche froide, une mauvaise blague à laquelle de nombreuses personnes, Démocrates comme Républicains, ont du mal à croire.
Il est utile de rappeler que le milliardaire et candidat républicain a fait campagne en aliénant tous les groupes sociaux culturels des Etats-Unis (noirs, musulmans, hispaniques, femmes, journalistes, intellectuels) à l’exception d’un seul : la classe ouvrière blanche. Il s’est contredit un nombre incalculable de fois, a fait des allers-retours sur de nombreuses positions critiques et a prononcé des phrases incroyablement choquantes (allant jusqu’à inciter ses partisans à assassiner Hillary Clinton).
Comment en est-on arrivé là ?
Première partie : chronologie de la campagne présidentielle


1)     Primaires démocrates
Les primaires démocrates mériteraient certainement qu’on s’y attarde, mais mon manque de connaissances sur le sujet me pousse à les résumer en quelques lignes.
L’appareil politique du parti ayant choisi depuis longtemps Hillary Clinton comme candidat favori, seul le vieux Bernie Sanders, unique sénateur américain à oser se déclarer socialiste (un terme péjoratif aux Etats-Unis) challengea l’ancienne première dame. Plaidant pour une augmentation significative du salaire minimum, des taxes élevées sur les riches et la classe moyenne supérieure, le contrôle de Wall Street et l’éducation et la santé gratuite pour tous, il provoqua une vague d’enthousiasme sans précédent à travers la jeunesse américaine éduquée. Tandis qu’Hillary faisait campagne dans les salons des puissants, engrangeant des millions de dollars de donation de la part des grandes entreprises et lobbys, Bernie battait des records de financement grâce aux petits donateurs individuels. Un vent de révolte soufflait contre « l’establishment ». Cela força Hillary à adopter certains points du programme de Bernie Sanders et de faire campagne plus à gauche. Finalement, l’intellectuel socialiste Sanders ne parvint pas à convaincre les noirs et hispaniques de voter pour lui et dû s’incliner après une campagne bien plus serrée que prévu. Il semble que ce soit plus par peur de Trump que par adhésion à sa campagne que les électeurs démocrates aient choisi Hillary Clinton. Sélectionner le meilleur candidat pour battre l’adversaire, stratégie vouée à la défaite ? 
2)      Primaires républicaines
Les choses sont bien plus comiques à droite. Ayant pris note des deux dernières claques infligées par Obama à John Mac Cain (2004) et Mit Romney (2008), le parti républicain avait sorti un rapport recommandant de chercher à séduire les classes populaires et les minorités (femmes et gens de couleur). Pour ce faire, ils avaient ouvert au maximum la primaire, même si tout le monde s’attendait à voir triompher le candidat de l’establishment : Jeb Bush (frère de l’infâme W). Seul hic : un magnat de l’immobilier, milliardaire ayant la fâcheuse tendance à coller son nom sur tout ce qu’il fabrique (des steaks aux hôtels 5 étoiles), producteur de Miss Univers, Miss America et présentateur du TV show « the aprentice » décida de se présenter également.
Donald Trump plaçait les Républicains devant un choix cornélien : le laisser participer à la primaire au risque d’embarrasser le parti, ou lui en refuser l’accès et courir le risque qu’il se présente comme candidat indépendant à la présidentielle (ce qui aurait ruiné les chances de victoire républicaine). Persuadé que sa candidature allait imploser en quelques semaines, il fut décidé de le laisser participer à la primaire, et donc aux 12 débats télévisés.
Son entrée dans la course débuta par un discours remarqué dans lequel  il traita les mexicains sans distinctions de « violeurs et bandits » et promit de construire un mur en béton de 2000 km de long entre le Mexique et les Etats Unis pour les empêcher d’envahir le pays. Quant aux 11 millions d’immigrés illégaux déjà présents sur le sol américain, il promit de les déporter tous.
Ces déclarations provoquèrent un tollé et les médias commencèrent à se battre pour l’interviewer. Pendant les débats télévisés, il élimina un à un ses concurrents en utilisant une arme particulièrement puissante : la moquerie. Jeb Bush fut affublé du surnom « mou » (low energy Jeb), dont la mollesse de la réponse le condamna immédiatement. A la seule femme candidate, il dit en plein débat « vous êtes bien trop moche pour être présidente »… et ainsi de suite. A chaque sortie, plus de publicité dans les médias et de controverse dans la presse. Les humoristes se frottent les mains, repassant les clips où il apparait comme un imbécile « je connais des tas de mots, en fait, j’ai les meilleurs mots », où il pose devant 200 Trump Steack pour prouver que non, ses entreprises ne font pas faillite… je vous en passe.
Profitant de son statut de milliardaire (« je sais comment marche l’économie ») et de « gagnant », il caracole en tête des sondages. Les autres candidats jettent l’éponge un à un. Lorsque les élections dans les premiers états débutent, il termine en tête avec 25 % des voix. Divisés, les opposants républicains se tirent dans les pattes. Lui continue de s’illustrer par de nouveaux scandales : il explique en direct qu’une journaliste présente sur le plateau lui a manqué de respect, « sûrement parce qu’elle devait saigner de son truc, vous savez ? », refuse de participer à un débat organisé par Fox News parce que la fameuse journaliste incriminée anime la soirée, promet de faire payer son fameux mur par le Mexique et lors d’un débat mémorable, accuse l’ex président mexicain de « manquer de respect ». « Je n’ai jamais utilisé le F word, il est irrespectueux, et vous savez quoi, non seulement je vais construire le mur et faire en sorte que le Mexique paye les travaux, mais en plus le mur vient de grandir d’un bon mètre ». Tonnerre d’applaudissements dans le public. Car les débats télévisés républicains, diffusés devant une audience, tournent vite à la comédie.
Lors des deux derniers mois des primaires, les adversaires de Trump sont encore trop nombreux et trop clivants pour espérer l’emporter. Un chirurgien retraité qui invoque Dieu à chaque intervention, l’ultraconservateur sénateur du Texas Ted Cruz, le jeune loup cubain et sénateur de Floride Rubio et le modéré et parfait inconnu sénateur de l’Ohio. A l’exception du dernier, personne ne semble contester Trump sur sa politique de déportation de 10 millions d’immigrés et ne l’attaque de front sur son mur. Les candidats veulent tous réduire les taxes sur les 1% les plus riches et supprimer Obamacare, la réforme de santé qui a fourni l’accès aux soins à 20 millions d’américains, pour la remplacer par « something great » se contente d’expliquer Donald Trump.
Les attaques des républicains sont timides car, pour caricaturer, Trump se contente de dire tout haut ce que le parti républicain s’est efforcé de sous-entendre depuis des années :  rejeter tous les maux de la société sur les immigrants, les gens de couleur et les démocrates. Du coup, au lieu de lui reprocher ardemment de vouloir bannir l’accès au sol américain à tous les musulmans (mesure aussi anticonstitutionnelle qu’inapplicable – comment reconnaitre un musulman d’un laïc ?  ) ils l’attaquent sur le fait qu’il n’est pas un vrai conservateur. Trump remet en cause le libre-échange, veut imposer des droits de douane pour se protéger des « chinois et des mexicains qui volent les emplois américains », refuse de soutenir Israël (il se dit neutre), et se moque ouvertement de John Mac Cain, héros de la guerre du Vietnam ayant subi la torture, en déclarant : « les vrais héros ne se font pas capturer ».
Alors qu’il creuse l’écart dans la course aux délégués, les élites du parti républicain se réveillent et tirent le signal d’alarme. Mit Romney fait un discours argumenté qui vise à démonter la candidature de Trump. Celui-ci le balaye d’un commentaire : « Romney a perdu contre Obama, c’est un looser ». Les donateurs du parti financent des campagnes de publicité anti-Trump et les médias commencent enfin à s’appliquer à démonter chaque mensonge de Trump et souligner ses incohérences. Des choses que les démocrates savaient depuis longtemps sont mises à jour par la presse et discutées lors des débats : Trump fait fabriquer ses produits en chine et emploie des travailleurs immigrés. Son empire serait factice, nombre de ses affaires auraient fait faillite (les SteackTrump) ou bien seraient des arnaques (procès contre la Trump University). Pourtant, ses électeurs républicains n’en ont cure. Parce que aucun des trois derniers opposants ne se décide à lâcher la course à temps, Trump rafle la plupart des Etats où il finit souvent premier, mais jamais avec plus de 40% des votes.
La campagne atteint un plus bas lorsque Trump, en plein débat télévisé, affirme en avoir une grosse. Quelques minutes avant de promouvoir l’usage de la torture.
Tout semblait disqualifier Donald à l’investiture Républicaine : des mariages multiples avec des mannequins russes, un machisme vulgaire, ses interventions clownesques, ses insultes envers les vétérans, les femmes et les minorités. Le refus d’adopter la doctrine économique républicaine, de soutenir Israël ou de divulguer ses fiches d’impositions. Et pourtant, Donald Trump n’est que la conséquence logique d’un parti ayant passé la dernière décennie à attiser la haine raciale envers Obama, la peur de l’immigré et le mépris des faits au détriment des émotions et préjugés. 
Trump ayant gagné les primaires à la loyale, la seule porte de sortie pour le parti Républicain revenait à imposer un second candidat lors d’une convention fermée. Perdre avec honneur la présidentielle ou se ranger derrière Trump ?
Les ténors du parti républicains hésitent. Ceux qui jouent leur réélection aux législatives se rangent derrière Trump, y compris le pauvre sénateur Mac Cain, trainé dans la boue et contraint à ravaler sa fierté pour conserver ses chances de réélection. Ceux qui n’ont rien à perdre refusent d’apporter leur soutien. C’est le cas des Bush, Romney et bon nombre d’intellectuels républicains.
Alors que les conventions des deux partis approchent, les finalistes sont connus et les écarts aux sondages semblent clairs : Hillary possède 8 à 10 points d’avance.
3)      La campagne présidentielle
a) La convention républicaine
Trump a désormais une base de fidèles électeurs à la démographie clairement identifiée : des hommes blancs sans diplôme universitaire. Trump parvient à 40% d’intention de vote (Hillary 48%, les indépendants 12%) grâce aux soutiens de certains républicains modérés qui rejettent Hillary (nous y reviendrons).
Débute alors la convention républicaine, un meeting de 5 jours ayant pour but d’investir le candidat et de rassembler les forces du parti. Seulement voilà, le parti plus que jamais divisé ne suit pas, la plupart des cadres et figures historiques boycottent la convention.
Sur l’estrade, Trump agite le spectre de la peur en invoquant l’augmentation du crime et du risque terroriste. Il fustige les politiques de libre échange qui ont dévasté l’industrie américaine. Rien de nouveau en réalité : un message musclé et autoritaire, la stigmatisation des immigrés et, seule nouveauté, du libre échange et de la corruption à Washington (deux éléments sur lesquels il s’est ironiquement appuyé pour bâtir son empire).
En se plaçant comme candidat antisystème, n’ayant jamais fait de politique, et en fustigeant les politiciens et les médias « tous corrompus et au service des lobbies » son message fait mouche. Qu’importe qu’il ait lui-même encouragé ou profité de tout ce qu’il dénonce pendant toute sa vie de milliardaire. Son cynisme le conduit jusqu’à admettre publiquement (interview fox news) que ses sorties médiatiques sont des stratégies visant à exploiter les médias pour gagner en popularité et couverture médiatique.
Et pourtant, en sortie de convention, les sondages le donne au coude à coude avec Clinton, voir un point devant.
b)  La convention démocrate
Hillary traine de nombreux boulets. Son nom, qui donne l’impression de faire partie d’une dynastie. Les discours et conseils facturés plusieurs dizaines de milliers de dollars aux grandes banques de Wall Street dans les années 2000, son soutien à la guerre en Irak, le fait que les grandes entreprises américaines font parti des principaux contributeurs financiers de sa campagne… Bernie Sanders avait pu lui tenir tête si longtemps car elle représente le Système, alors que Bernie tout comme Trump sont des « outsiders ». Enfin, elle paye les conséquences du scandale des emails. Du temps de son mandat de ministre des affaires étrangères, elle avait utilisé un compte email privé pour traiter des emails relevant de sa fonction. Un peu comme si vous utilisez gmail pour le boulot. Ce qui pose problème lorsque vos emails sont classés secret défense. Une bourde qu’elle paye cher, des milliers d’heures de publicité négative dans les médias américains. Sa gestion de cette crise (déni, nouvelle révélation des enquêteurs, etc…) a contribué à détériorer le peu de confiance que les américains plaçaient en sa personne.
Devant la désunion, le populisme et le racisme affichés lors de la convention républicaine, les démocrates se devaient de montrer leur union et leur compassion. Peu de place accordé au programme et beaucoup à diffuser un message clair : Hillary est quelqu’un de bien, la seule alternative à la haine de Trump. Les discours du Vice-président des Etats Unis et surtout de Michelle Obama furent salués jusqu’au camp républicain. Le tournant fut l’intervention d’un père musulman ayant perdu son fils combattant dans l’armée américaine pendant la guerre en Irak. Intervention durant laquelle il interpelle Trump directement (suite aux propos antimusulmans de ce dernier).
A la sortie de la convention, Hillary creuse de nouveau l’écart dans les sondages.
c)   Trump en chute libre, sauvé par les médias ?
Trump accumule les bourdes : sa réponse au père du militaire musulman est effroyable « moi aussi je me suis sacrifié pour le pays en bâtissant un empire hôtelier » et « vous avez vu comment sa femme est restée derrière lui sans parler, ça ne me surprend pas ». Le journaliste lui répond que la mère du soldat pleurait en continu et n’aurait pas pu prendre la parole. Et dans les jours qui suivent plusieurs sénateurs républicains appellent carrément à voter Hillary.
Second scandale : les hackers russes dévoilent des emails des démocrates, et Trump les remercie et les invite à continuer implicitement  (des propos le rendant en théorie coupable de trahison). Il ne cache pas son admiration pour Vladimir Poutine et se réjouit de son intervention dans les élections américaines. Davantage d’élus  républicains quittent le navire.
Et finalement, devant une assemblée de partisans des armes à feu, il incite implicitement la foule à assassiner madame Clinton.
Trump plonge dans les sondages (-10% d’écart) et perd de plus en plus de soutien. Sa campagne est sur le point d’imploser, mais finalement sa chute dans les sondages s’arrête et l’écart se stabilise, avant de diminuer de nouveau petit à petit.
Première explication : les gens ont la mémoire courte et deux semaines sans bourde supplémentaire (si on excepte le fameux discours adressé aux noirs : « vous vivez dans les pires quartiers, vos enfants vont dans les pires écoles et vous avez le plus gros taux de chômage du pays, qu’avez-vous à perdre à voter pour moi ? ») l’aident à  rebondir légèrement.
Seconde explication : les médias s’efforcent de vendre un match serré, et sous couvert de neutralité traitent les candidats de façon « égale ». De ce fait, le scandale des emails de Clinton est ressorti à chaque fois que Trump fait une déclaration scandaleuse, le refus de ce dernier à divulguer ses feuilles d’impôts est comparé aux secrets des emails d’Hillary Clinton, le prétendu manque de confiance qu’elle inspire est mis en parallèle avec les auto contradictions de Trump. Clinton change d’avis sur le traité de libre-échange avec l’Europe (passant de très favorable à mesurée), le milliardaire fait volte-face deux fois dans la même journée sur la question des 11 millions de déportations (non on déportera pas, en fait si on déportera) et les télévisions nous expliquent que les deux candidats sont au même plan. Donald profère un mensonge aisément vérifiable, Hillary exagère un peu le chiffre du chômage, et les médias traitent les deux informations comme d’identiques affabulations. Hillary avoue souffrir d’une pneumonie et tout le monde remet en cause son honnêteté, tandis que Trump refuse toujours de dévoiler ses fameuses déclarations d’impôts (qui pourraient contenir les preuves de ses liens avec le pouvoir Russe, la non existence de sa fortune ou d’autres choses toutes aussi explosives politiquement). Deux poids, deux mesures…
Résultat : à six semaines de l’élection, les candidats sont au coude à coude dans les sondages…


Soyons honnêtes, la campagne 2016 relève plus de la comédie dramatique que d’un débat démocratique. Pour y voir plus clair, examinons rapidement les programmes.
Celui du candidat républicain ne brille ni par sa clarté ni par ses détails, et fluctue en fonction des interventions.
Pour Trump, la priorité est la lutte contre l’immigration et l’insécurité. En plus du fameux mur et de la déportation des immigrés illégaux (auquel personne ne croit), il promet de gonfler les budgets militaires et de sécurité, envisage de légaliser la torture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et d’interdire aux immigrants de certains pays de confession musulmane le droit d’entrée sur le sol américain.
Du point de vue de l’économie, il veut mettre en place une baisse massive des impôts sur toute les couches de la population (ce qui revient à favoriser les riches et les ultra riches), ce qui aurait pour conséquence de réduire significativement le budget de l’Etat. Contrairement à ses amis républicains, il veut conserver les programmes d’aides sociaux, à l’exception d’Obama care (qu’il remplacera par quelque chose de génial, sans préciser quoi).
Il veut renégocier tous les accords commerciaux (jugés défavorables !) et mettre en place des barrières douanières (en clair, faire du protectionnisme). On peut argumenter qu’une telle politique conduirait à une escalade de protectionnisme dans le monde entier dont les américains seraient les premières victimes, mais sur ce point le débat est ouvert.
Sur l’environnement, il se dit « peu convaincu » du danger du réchauffement climatique ou de l’influence humaine et de manière générale est opposé aux régulations visant à protéger l’environnement ou à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, sur le plan international, il semble partisan du non-interventionnisme, à l’exception du cas d’ISIS qu’il promet de détruire avec la plus grande brutalité (mais à priori sans envoyer de troupes au sol). Les pays qui comptent sur les Etats-Unis pour assurer leur protection (ie tous les pays occidentaux et asiatiques à l’exception de la Corée du Nord, de la Chine et de la Russie) devront payer la protection de l’armée américaine.
La complexité des relations internationales et du droit américain lui échappe complètement et l’a conduit à revenir sur de nombreux propos et propositions, mais dans les grandes lignes son programme se tient, à une exception près. L’augmentation des dépenses (militaires et sécuritaires principalement) combinée à la baisse massive des impôts créerait un déficit budgétaire sans précédent (plusieurs dizaines de % de PIB par an).
On peut conclure en disant que Trump s’inscrit dans les grandes lignes du parti républicain, à l’exception de la remise en cause du libre-échange, de l’interventionnisme militaire et des programmes sociaux. Sa charge contre les immigrés et la nature de ses propos, ainsi que sa complète inexpérience sont par contre des faits entièrement nouveaux.
Hillary Clinton, elle, se place dans la continuation de la politique d’Obama. Avec comme grand axe la lutte contre les inégalités (augmentation des impôts sur les 3% les plus riches, augmentation du salaire minimum, augmentation de la couverture santé), le réchauffement climatique (continuation de la politique d’Obama). Là où elle se différentie réellement du président sortant, c’est dans le domaine de la régulation financière (liens plus étroits présumés avec Wall Street) et sa plus grande propension à faire usage de la force pour résoudre les conflits (elle s’était opposée à l’approche diplomatique d’Obama sur plusieurs dossiers).
Ses positions libérales la conduisent à favoriser le libre échange (bien qu’elle ait reculé sur le traité transatlantique). Pour le reste, il y a très peu de différence entre ses opinions et la politique d’Obama. Elle favorise l’intervention de l’Etat dans l’économie pour réguler certaines industries (la santé) et promet de favoriser les énergies renouvelables via des subventions, tandis que Trump fait plus confiance au marché.  Elle propose de légaliser les sans-papiers et de favoriser leur insertion. Elle refuse de discriminer les réfugiés et immigrants en fonction de leur religion ou de leurs origines.


4eme partie : Pourquoi ce coude à coude
D’un côté une femme politique expérimentée incarnant le pouvoir de Wall Street et des multinationales, dont les convictions politiques restent floues et de l’autre un narcissique populiste, ouvertement manipulateur et sans aucune expérience politique.
Le fait que la première ne domine pas les sondages par une marge de 20 ou 30 points s’explique par différents facteurs.
1)      Trump possède une vraie base électorale : son message touche une certaine partie de l’Amérique, les racistes certes, mais également les désabusés, les antisystèmes, les laissés pour compte par des années de politique au service des multinationales qui voient en Trump leur chance d’exprimer un raz-le bol.


2)      La perception du public conditionné par l’ultra médiatisation et l’information continue : Bien que le niveau de crime aux Etats-Unis est à des niveaux historiquement bas, que le risque terroriste est faible, que le taux de chômage est au plus bas depuis la crise économique de 2008, que le prix de l’essence soit particulièrement bon marché, qu’il n’y a jamais eu aussi peu de conflits dans le monde, que le taux de crédit soit historiquement faible, que le taux de croissance de l’économie américaine soit au beau fixe et la bourse à des records historiques, la perception des américains est globalement négative. Il y a les faits tout d’abord : l’explosion des inégalités, la stagnation du revenu médian et moyen qui fait que la richesse nouvellement créée ne profite pas à tout le monde. Mais au-delà de ce problème de redistribution (que Trump veut aggraver alors qu’Hillary veut limiter), il y a la perception, fausse, que tout va mal. Cette perception est due au déchainement des médias (principalement des nouveaux médias d’ailleurs) qui tirent l’information vers le bas et contribuent à un climat négatif, alimentant la peur et la négativité.


3)      Le rôle des grands médias : En cherchant à tout prix à mettre les deux candidats sur un pied d’égalité, et en le faisant avec un angle négatif, les médias américains soucieux de vendre un match serré contribuent à la fois à minimiser les dérapages de Trump, à stigmatiser Hillary et surtout à entretenir un profond manque de crédibilité politique qui risque de conduire à un taux de participation historiquement bas.


4)      La médiocrité d’Hillary Clinton : même si son programme et son expérience devraient convaincre tous les modérés de voter pour elle, son image négative et son manque de charisme l’empêchent de créer une véritable adhésion. Une grande partie de cette réalité est imputable au travail de sape des médias.


5)      Le clivage démocrate-républicain : est particulièrement prononcé aux Etats-Unis, ce qui peu paraître surprenant à première vue mais se comprend lorsqu’on prend le temps d’analyser les systèmes de valeurs (conservateurs vs libéraux) qui sont représentés par chaque parti. Nombre de mes collègues déplorent sincèrement la candidature de Trump mais vont tout de même voter pour lui (ou s’abstenir et ne pas voter pour Hillary), par principe.


6)       Les minorités votent beaucoup moins massivement que les blancs, ce qui donne un avantage à Trump bien que logiquement son électorat soit plus restreint.
Nous avons donc d’un côté Trump qui rassemble un électorat particulièrement déterminé mais peu nombreux, auquel se rajoute un vote républicain de rejet d’Hillary. En face, Hillary peine à capitaliser sur le rejet de Trump au-delà du camp démocrate. Les deux candidats sont bien en dessous des 50% en termes de popularité, et pourtant l’un deux sera bientôt président.
5ème partie : Trump peut-il gagner ?
La réponse courte : absolument.
Les arguments :
1)      Du point de vue des sondages, qui valent ce qu’ils valent, l’écart se resserre à environ 3% en faveur d’Hillary sur les sondages nationaux. Mais les élections américaines fonctionnant au suffrage indirect, ce qui compte c’est de gagner des Etats. Chaque état donne un certain nombre de « grands électeurs », plus ou moins en fonction de sa population. Gagner la Californie  permet de s’assurer 55 votes (sur les 270 requis pour gagner l’élection) tandis que la Louisiane n’en apporte que 8 et l’Alaska 3. Certains états sont jugés imprenables pour les républicains (La Californie, New York et plus généralement les côtes Est-Ouest) tandis que d’autres sont des bastions historiques républicains (le Texas, les états du sud et du centre). D’autres ont tendance à basculer d’une élection à l’autre, se sont les fameux « Swing states » (Ohio (18 votes), Michigan (16), Floride (29), Caroline du Nord (15), Pennsylvanie (20). La clé est donc de remporter les swing states. Le New York Times, en se basant sur des modèles et des sondages, états par états, publie chaque jour une estimation du nombre de chances de chaque candidat. A la sortie de la convention démocrate, Hillary était donnée vainqueur à 88% soit près de 9 chances sur dix (9 contre 1). Les projections sont désormais de seulement 73%, soit seulement 3 fois plus que Trump (3 contre 1). Autrement dit les chances de Trump ont triplé en 1 mois.


2)      Du point de vue dynamique, on l’a vu, l’écart a tendance à se resserrer et de nombreux évènements insignifiants mais ultra-médiatisés (attentats, bavures policières sur des noirs, pneumonie d’Hillary) ont tendance à attiser les émotions et renforcer Trump.


3)      La clé des élections disputées est la mobilisation de l’électorat. Si l’électorat de Trump est clairement mobilisé, la grande interrogation concerne celui de Clinton. Il est plus difficile de se mobiliser et de mobiliser des gens qui votent « par défaut », surtout lorsqu’ils viennent de couches sociales défavorisées, que de motiver des gens particulièrement remontés comme le corps des électeurs de Trump.


4)      La campagne de Trump, aussi abjecte qu’elle puisse paraître, est surtout moderne. Il se vante d’un staff de seulement 50 personnes, prend quasiment aucun conseiller, improvise pratiquement tous ses discours et se contente d’un meeting politique par jour où viennent se précipiter les habitants de la ville choisie pour voir le showman. Il lève des fonds principalement par dons individuels sur son site internet (comme Bernie Sanders) et conduit une campagne efficace, exploitant à fond la couverture médiatique. Ses discours improvisés et ses interviews non préparés le conduisent à de nombreux dérapages qui amusent et font le buzz ou la polémique. A côté de ça, Clinton semble conduire une campagne avec un siècle de retard, passant la plupart de son temps à lever des fonds auprès des grandes fortunes en assistant à des diners privés, fonds utilisés par la suite pour des campagnes de publicité télévisé et sur les réseaux internet dont l’efficacité reste à démontrer.  Son staff de campagne de plus de 500 personnes et son nombre faramineux de conseillers fait penser à une gigantesque bureaucratie. Ses meetings politiques moins nombreux suivent souvent un script et un prompteur, ce qui contribue à rendre Hillary antipathique. Son coté intellectuel contraste fortement avec le franc-parler et la simplicité de Donald Trump, ancien animateur de télé-réalité. Il semblerait que les américains se retrouvent plus dans ce dernier.
Compte tenu de la tendance actuelle, les trois débats télévisés risquent d’être déterminants pour l’issue de l’élection. Quand on voit comment Trump a dominé ses adversaires pendant les débats républicains, les affublant de surnoms péjoratifs, boudant, utilisant l’humour pour répondre aux attaques (« vous avez traité les femmes avec qui vous avez des désaccords de « grosses truies, de chiennes, de trainées, d’animaux dégoûtants… » «non, non,  seulement Rosie O’Donnel») et sa façon de prendre à partie le public pour ridiculiser ses adversaires avaient fait mouche. Seulement, deux éléments diffèrent fondamentalement cette fois-ci :
1)      Le débat aura lieu sans public, il ne s’agira pas d’un concours de popularité devant une salle qui passe son temps à hurler des encouragements comme c’était le cas pour les débats républicains.


2)      Hillary Clinton a des divergences fondamentales en terme d’idéologie. Les républicains ne pouvaient attaquer Trump sur son programme car ils le partageaient essentiellement. Mais Hillary devrait pouvoir mettre Trump en difficulté sur des nombreux points : la baisse des taxes qu’il promet sur les riches, la suppression d’Obama care, sa politique d’immigration et surtout illustrer ses profonds manques de connaissance sur les sujets de politique extérieure.
Reste à savoir si l’américain moyen écoutera la raison plutôt que ses émotions. Clinton a fait le pari du premier, Trump a depuis longtemps compris le pouvoir du second.
Personnellement je suis de plus en plus convaincu par la victoire de Donald Trump, on verra LUNDI prochain lors du premier débat si j’ai raison.
5)      Faut-il avoir peur de la victoire de Trump ?
Hillary Clinton est prédictible, elle fera au mieux ce qu’elle a promis et au pire la politique voulue par les grands groupes d’influences américains. Trump est beaucoup plus imprédictible. Il se place constamment dans une logique Blanc ou Noir et d’opposition. Eux contre nous. Sa vision du monde est simpliste : il y a les winners et les loosers. Clinton, en plus de ses qualités d’écoute (cf note)  et d’appréhension des problèmes dans leur complexité, se place plus souvent dans une logique de coopération.
Les trois domaines de la politique américaine qui nous concernent directement sont l’Economie, le Climat et la Géopolitique.
Sur l’Economie, difficile de savoir qui du protectionnisme prôné par Trump (s’il le met réellement en place) ou du libéralisme de Clinton aura le plus d’impact sur l’Économie mondiale et Européenne. On peut tout de même remarquer que Clinton se place sur un plan de coopération, tandis que Trump voit l’économie comme une compétition.
Sur le climat, Clinton est fortement engagée à promouvoir les énergies renouvelables et poursuivre les accords de la COP21. Trump ne croit pas au réchauffement climatique.
Sur la géopolitique, enfin, il existe selon le Monde Diplomatique (numéro de septembre 2016) un véritable risque de conflit majeur. Les trois grandes puissances se livrent à une dangereuse course à l’armement (provoquée majoritairement par les Etats-Unis) et à des manœuvres d’intimidation (en Mer de Chine et à la frontière Europe-Russie).
Clinton est clairement embarquée dans cette politique de rapports de force et d’augmentation des tensions qu’Obama ne semble pas capable d’endiguer (les groupes d’influences à Washington et au Pentagone ont plus de pouvoir qu’on aimerait le croire). Elle a démontré par le passé sa tendance à faire appel à la force, en contradiction avec Obama. Néanmoins, Clinton reste une personne mesurée et analytique. Elle est déterminée à défendre les alliés des Etats-Unis et respecter les alliances et traités en place. Pour simplifier, Clinton peut nous conduire à la guerre, mais elle sera de notre coté.
Trump semble moins convaincu de la nécessité de tenir tête à la Russie et peu partisan de l’interventionnisme. Il semble moins enclin à poursuivre la logique actuelle, mais son inexpérience le rend potentiellement manipulable, par les militaires et pro-guerre américains comme par leurs alliés et ennemis. Son impulsivité et sa personnalité agressive peuvent agir comme une bombe à retardement. Dans un sens, il y a moins de chance qu’il poursuive la logique interventionniste américaine, mais en même temps, en cas de conflit Russo-Européen, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir compter sur son soutien. On pourrait donc se trouver dans une situation où Poutine (dont il n’a cessé de répéter son admiration) profite de la situation. Pour résumer, une présidence de Trump est imprédictible et peut tout aussi bien conduire à une certaine détente qu’à une catastrophe totale.
Dernier point, la victoire de Donald Trump signerait la victoire de l’émotion sur la raison, du populisme sur le débat démocratique et de la peur et la haine face à la coopération. La démocratie en général s’en sortirait profondément marquée. Ce qui me conduit au dernier point de ce long essai.


Conclusions
La campagne présidentielle américaine est riche d’enseignements, en particulier dans le cadre des élections Françaises à venir.
1)      Le rôle des médias est déterminant.
Lors de l’attentat de Nice en France, les chaines de télévision ont complètement perdu toute retenue ou décence, montrant des gens en train de mourir en direct, interviewant des rescapés en sang venant de voir leurs enfants mourir sous leurs yeux dans le mépris le plus total de tout bon sens journalistique. Dans un autre registre, Nicolas Sarkozy a été interviewé pendant deux heures sur France 2 jeudi dernier, dans un exercice de complaisance inouïe. Les journalistes lui laissant raconter tout et n’importe quoi, de quoi faire hurler de honte (ou de jalousie) un journaliste de fox news.  
De ce coté-là, il y a donc matière à s’inquiéter.
2)      La peur et la colère devant la raison et le calme
Il suffit de rappeler l’utilisation massive de la peur du terrorisme faite par la gauche et la décision de Nicolas Sarkozy d’orienter sa campagne uniquement sur les thèmes identitaires et sécuritaires, sans oublier de mentionner la victoire du Brexit et sa campagne sur l’immigration pour comprendre que les peuples européens n’ont rien à envier aux américains. L’hystérie ambiante semble complètement disproportionnée si on la met en parallèle avec le nombre d’attentats perpétués en France et leurs victimes, comparé à ce qu’on a pu connaitre dans les années 90.
Il sera particulièrement intéressant, dans ce cadre, de suivre l’affrontement Jupé- Sarkozy lors des primaires de la Droite.
3)      Le ras le bol vis-à-vis de l’establishment.
La popularité de Bernie Sanders et de Trump comme l’impopularité de Clinton et la victoire du Brexit pointent toutes vers une évidence : le peuple ne veut plus des Elites (et pour cause, il faut voir comment elles l’ont traité). Une candidature de Sarkozy et de Hollande en particulier devrait particulièrement faire le jeu des extrêmes (si tant est qu’on puisse encore classé Sarkozy hors des extrêmes).
Pour conclure, je pense personnellement qu’on est potentiellement à un tournant historique. Les fabuleuses avancées technologiques nous promettent monts et merveilles et les signes de coopération sur le plan international permettent de nourrir un certain espoir. Mais en même temps,  la montée de l’extrémisme dans toutes les démocraties, que ce soit en termes de résultats dans les urnes ou plus simplement d’acceptation de ses idées dans les débats publiques et ses conséquences dans les choix politiques des gouvernements, même de gauche, conjuguée avec une formidable  escalade du risque nucléaire avec le durcissement des rapports Russie-Occident et Sino-Américains laissent penser que le pire est possible. Du point de vue des libertés individuelles, de la sécurité intérieure et extérieure. Les années Obama avait remis au goût du jour la raison, la diplomatie, le principe de précaution, la défense des acquis sociaux et de l’environnement, malgré une forte opposition du sénat républicain. Va-t-on revenir dix ans en arrière, avec un fou au pouvoir de la première puissance mondiale ? Quand on voit qui sont les gens qui ont fait le pari de le soutenir, nous sommes en droit de trembler…


Début de réponse lundi soir !


Sources recommandés :
Les vidéos de Trump à voir : https://youtu.be/MvVfj0ov8k8 et https://youtu.be/9LR6EA91zLo
Le monde diplomatique sur la nouvelle guerre froide : http://www.monde-diplomatique.fr/2016/09/KLARE/56193
Sur la couverture des attentats de Nice par la télévision française : http://www.slate.fr/story/121065/attentat-nice-nuit-tele-francaise-sombre


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