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Elections américaines: le guide de la soirée électorale

Elections américaines: le guide de la soirée électorale

Nous y sommes enfin. Après une campagne particulièrement éprouvante, historique par bien des aspects et choquante par d’autres, les américains se rendent aux urnes aujourd’hui.

A quelques heures du résultat, je voudrais éclairer les points suivants :

Pourquoi Trump peut-il encore gagner

Comment fonctionne la soirée électorale (et où/ comment la suivre)

Quand et comment connaîtrons-nous le vainqueur

La course au Sénat


1) Rétrospective post débats

Deux semaines se sont écoulées depuis le dernier débat. La performance solide d’Hillary Clinton et les dérapages de son adversaire lui avait assuré un puissant « momentum » la propulsant plus que jamais en tête des sondages, le baromètre du New York Times la pointant à 93% de chance de victoire (14 contre 1 !).

Et puis, il y a dix jours, nouveau scandale : le directeur du FBI décide de ré-ouvrir l’enquête sur les emails du serveur de Clinton suite à la découverte d’un ordinateur portable contenant une partie de la correspondance de Clinton du temps où elle était au gouvernement. Bien qu’aucune preuve de faute ou de délit ait été trouvée, ce qui a été confirmé hier par le directeur du FBI, ces nouvelles associées au scandale des emails ont permis à Trump de refaire surface. 

Logiquement, la poussée de Clinton devait s’essouffler par simple effet « mécanique », mais ce nouvel épisode dans le dossier des emails a fait les gros titres pendant des jours et des jours, aidant à oublier les propres problèmes de Donald Trump et fournissant du pain bénit  à sa narration de candidat antisystème qui combat les puissants de ce monde. 

Malgré tout, Clinton reste grande favorite avec entre 3.5 et 4% d’avance dans les sondages nationaux (après avoir culminé à 8.5%) et une marge correcte au niveau des différents Etats clés (le NYT la donnant vainqueur à 85%). Elle a bénéficié dans les derniers jours de l’appui de nombreuses stars comme le meilleur joueur de basket de ces dix dernières années, Lebron James, qui a fait campagne avec  elle dans sa ville de Cleveland (Ohio) dimanche, et des artistes comme Bruce Springsteen, Jay-Z et Bionce qui l’ont invitée lors de concerts gratuits. 



2) La participation
Elle  s’annonce  historiquement forte, ce qui peut paraitre paradoxale pour une élection où les deux candidats sont historiquement bas dans les sondages d’opinion. Nous sommes donc en présence d’une dynamique « tout sauf X ».

Deux signes contradictoires rendent toutes certitudes difficiles à exprimer. 

1) Trump a fait le pari de mobiliser l’électorat blanc, non diplômé et masculin. Il s’agit d’un électorat encore nombreux, surtout dans les Etats clés de l’Ohio (OH), Pennsylvania (PA), North Carolina (NC), New Hampshire (NH) et Michigan (MI)… et qui, d’habitude, ne se déplace pas pour aller voter. C’est le même type d’électorat qui avait surpris les sondeurs britanniques en faisant gagner le Brexit en juin. 

Or, il semblerait que ces électeurs se déplacent en masse aujourd’hui !

De plus, l’électorat noir, qui avait fait gagner Obama en allant voter dans des proportions plus élevées que la moyenne historique, semble moins se mobiliser pour Hillary.

2) De l’autre côté, les hispaniques semblent voter en nombre record, et à plus de 80% pour Hillary (les propos racistes de Donald Trump y étant probablement pour quelque chose).

Les proportions de votants de chaque démographie, et leur localisation dans les différents Etats peuvent donc faire basculer de nombreux « swing state » et créer la surprise vis-à-vis des sondages.
Pour y voir plus clair, faisons intervenir une carte électorale publiée le 3 novembre par le centre politique de l’Université de Virginie : 




Lecture : le chiffre indique le nombre de délégués fournit par chaque Etat (sachant que le candidat qui finit premier dans un Etat remporte tous les délégués), la couleur indique les chances de victoire de chaque candidat : de rouge foncé (absolument certain d’être à Trump) à orange (penche plutôt du côté Trump) et de bleu clair (plutôt Hillary ) à bleu foncé (certain Hillary). En jaune, les 50-50. 

Chaque site internet présente une carte un peu différente, mais dans tous les cas il semble qu’Hillary l’emporte car elle peut se permettre de perdre plusieurs Etats disputés alors que Trump doit tous les gagner pour refaire son retard.

Mais si les sondages se trompent (et certains Etats bleu clairs n’ont que 2.5% d’avance dans les sondages, c’est-à-dire dans la marge d’erreur), nous pourrions assister à une victoire surprise de Trump, par une marge faible.

A l’inverse, si les sondages ont systématiquement vu juste, Clinton l’emportera haut la main.
Notons tout de même que d’après les simulations les plus optimistes pour les démocrates, Hillary gagnerait moins largement qu’Obama en 2012. Cela en dit beaucoup sur cette élection.


  • Comment fonctionne la soirée électorale

Du fait du décalage horaire entre les trois zones des USA (Eastern Time (Paris -5), CET (Paris -6)  et Pacific time (Paris -8), les résultats de chaque Etat tombent en vagues décalées (décidément les américains sont doués pour assurer le spectacle). Ainsi les premières estimations de la côte est tomberont avant la fermeture des bureaux de votes de la côte ouest, et tandis que le décompte officiel affinera les résultats des estimations à l’est, les premières estimations de sorties d’urnes tomberont au centre et puis à l’ouest. De quoi passer une soirée pleine de rebondissement et de suspens… surtout que les premiers résultats publiés ne sont pas toujours représentatifs (par exemple, les premières estimations de la Floride sur estiment historiquement les votes démocrates car ces électeurs ont tendance à voter plus massivement dans les jours qui précèdent l’élection – une procédure légale dans un tiers des Etats environ). 

Pour référence, voici la dernière carte publié par l’université de Virginie, où les auteurs se sont imposé l’obligation de choisir un vainqueur dans chaque Etat.


On voit que les Etats décisifs sont presque tous situés à l’est du Pays. En particulier, il est pratiquement impossible pour Trump de gagner s’il perd la Floride, et mathématiquement impossible s’il perd la Floride et un autre de ces Etats clés : OH, NC, PA, MI (Michigan). 

A ces cinqs Etats capitaux (incertitude + grand nombres de délégués) s’ajoutent cinq autres états contestés : les seconds districts du Maine (ME – 2) et du Nebraska (NE-2), plus le New Hampshire (NH – 4), l’Iowa (IA-6) et le Nevada (NV-6). Les autres états ne devraient pas produire de surprise du fait des écarts importants dans les sondages (l’Utah et l’Arizona semblent avoir définitivement basculé hors de portée de Clinton). 

Si vous voulez suivre l’élection, youtube diffuse en direct les chaines de télévisions américaines.

Armez-vous d’une carte et  d’une calculette pour suivre le suspens en temps réel et faire vos propres estimations !


  • Quand connaitrons-nous le vainqueur ?

Les bureaux de votes ferment à 19h locale, soit à Minuit heure française (pour la côte est). C’est l’heure à laquelle les premiers résultats tomberont. Si les sondages ont vu juste, Hillary aura ~3% d’avance en FL et NC, et vous pourrez aller vous coucher en connaissance de cause. Si par contre ces Etats sont plus serrés, ou favorables à Donald Trump , alors non seulement l’élection restera jouable, mais en plus cela pourrait signifier une erreur systématique des sondeurs et de ce fait un accroissement dramatique des chances de Donald Trump.

De nombreux autres estimations comme New York, le Maine ou le MD arriveront en même temps et montreront fort logiquement Clinton en tête avec une marge confortable, mais ne vous y trompez pas. Seuls les Etats clés sont importants, cf les deux cartes précédentes. La marge de victoire dans un Etat n’a absolument aucun effet, et il est tout à fait possible de remporter le plus grand nombre de votes sans être élu (cf Al Gore vs Bush).

Un article du New York Time permet de voir les heures de fermeture des Etats et les délégués correspondant. Selon eux, ont pourrait avoir une réponse définitive au plus tôt à 2h du matin dans le cas d’une victoire d’Hillary (avec une forte conviction dès 1h du matin) et pour la victoire de Trump seulement vers 3h du matin (heure de Paris). 

Pour une explication plus didactique et incluant la course au Sénat, un excellent site spécialiste des pronostics sportifs et politiques donne les clés heure par heure ici.

Donc début de réponse à minuit trente : si la Floride est largement bleu, Clinton aura course quasi-gagnée, si elle est rouge, la nuit sera longue !

  • Et le Sénat ?

Le résultat le plus important ne sera pas forcément celui que l’on croit. Un tiers des sièges du sénat sont en jeu (environ), et les estimations donnent un match très serré. L’estimation la plus fiable prédit une parité totale : 50 sièges démocrates, 50 sièges républicains. Dans ce cas, c’est le vice-président qui tranche, soit un Démocrate si Clinton gagne et un Républicain si Trump l’emporte. Or, la chambre des députés étant à majorité républicaine, il peut se passer les cas de figure suivant :
1. Trump gagne mais les Démocrates gagnent le sénat (51-49  ou plus): le sénat pourra bloquer les principales mesures de Trump.
2. Trump gagne et les Démocrates perdent le sénat (50-50 ou 49-51 ou plus) : Trump et les républicains pourront gouverner sans aucun contre pouvoir démocrate.
3. Clinton gagne et les Démocrates gagnent le Sénat (50-50 ou +) : Clinton peut faire passer certaines lois mais la chambre des députés républicaines peut encore bloquer la plupart de ses mesures de politique intérieure. 
4. Clinton gagne et les Démocrates perdent le Sénat (49-51 ou plus) : Clinton ne peut pas gouverner (sauf politique extérieure), c’est le cas de figure d’Obama actuellement.
On le voit, dans les faits, et surtout en matière de politique intérieure, la course au Sénat est presque aussi importante que la présidentielle elle-même. Et les américains votent pour les deux en même temps (ainsi que d’autres élections locales).

Rendez-vous dans les jours qui viennent pour le debriefing complet !






Compte rendu: troisième débat des elections americaines

Compte rendu: troisième débat des elections americaines

Faites vos jeux… 
Las Vegas, temple du jeu, cité de tous les vices où le spectacle est roi, semblait toute indiquée pour accueillir la dernière partie de poker menteur avant le jour J des élections.
Avant d’analyser le débat, rappelons les derniers développements de la campagne présidentielle.
Le second débat avait eu lieu dans un contexte électrique, quelques jours après la divulgation de la fameuse vidéo où Donald Trump se vantait d’utiliser son statut de milliardaire célèbre pour forcer les femmes, y compris mariés, à coucher avec lui. « I can do anything, I grab them by the pussy » (je peux faire ce que je veux, je les attrapes par la chatte).
Le débat qui s’en était suivit ne fut qu’une suite d’attaques, souvent puéril, que j’ai décrit dans mon article précédent. La question en suspend concernait l’impact de ce débat sur la campagne de Donald Trump et sa chute dans les sondages.
La réponse semble clair : la chute de Trump s’est ralentie suite au débat, probablement parce que sa base électorale ne s’est pas émue du scandale provoqué par la vidéo et s’est trouvée énergisée par les attaques portées par leur champion vis-à-vis d’Hillary. J’en veux pour preuve les discussions entretenues avec mes collègues républicains, parlant de « propos de vestiaires » que la plupart des hommes tiennent de temps en temps entre eux, et fustigeant Clinton la criminelle qui « devrait être en prison ».
Néanmoins, le groupe d’électeur « indécis » diminue de plus en plus et tant à se ranger du côté de Clinton, ce qui explique la chute ralentie mais constante de Trump dans les sondages (on y reviendra).
Dans les jours qui ont suivi le débat, plusieurs femmes ont accusé publiquement Trump d’agression sexuelle. Ces accusations ont occupé une place centrale dans le champ médiatique, les supporters de Trump parlant de mensonges diffamant, s’étonnant que ces accusations portant sur des faits vieux de plusieurs années ressurgissent comme par hasard au terme de la campagne, tandis que les  féministes les justifiaient en s’appuyant sur les difficultés auxquelles les femmes victimes d’agression sexuelles doivent faire face lorsqu’elles décident de prendre la parole.
Plus que les faits (potentiellement grave), c’est la façon qu’a eu Trump de les combattre (allant jusqu’à dire « non mais vous les avez regardées ? ) qui a entretenu le ressenti négatif à son égard.
Pendant ce temps, la campagne de Clinton, particulièrement bien huilée, a concentré ses attaques sur Trump et ses propos dégradant. Michelle Obama s’est impliquée personnellement, délivrant un discours particulièrement émouvantdans le New Hampshire qui m’a véritablement touché. Elle se place du point de vue d’une mère et pose la question « quel individu voulons-nous à la tête du pays pour donner l’exemple à nos enfants ». Elle cite un garcon de six ans ayant dit à sa mère en regardant la télévision « celui-là ne sera pas président, il a traité quelqu’un de « cochonne » à la télé » (piggy, un terme utilisé par Donald Trump lorsqu’il parlait d’une actrice). Michelle Obama apporte ainsi un argument particulièrement pertinent qui dépasse les polémiques et replace dans le débat des questions qui, en d’autres circonstances, seraient jugées comme peu importantes en politique.
De son côté, et alors que ses soutiens s’effritent de plus en plus, Trump a commencé à s’en prendre ouvertement au système. Taxant le système médiatique de  vendu (n’est-ce pas pourtant lui qui  se vantait publiquement de le manipuler à son avantage il y a six mois ?) et soutenant que les votes eux-mêmes étaient truqués, allant jusqu’à accuser les bureaux de vote de faire voter des morts (dans certains Etats, le vote par procuration est déjà ouvert). Ces accusations entretiennent la théorie d’un complot du système contre les américains, avec un certain succès auprès des électeurs radicalisés qui pourraient, à termes, créer des problèmes sérieux dans la société américaine.
Cette vision est encouragée par un climat particulier.  Les emails du directeur de campagne d’Hillary, obtenus illégalement par Wikileaks suite au piratage orchestré par le Kremlin, n’aident pas à inspirer confiance au public. Hillary continue d’apparaitre comme une politicienne sans scrupules. Surtout après les révélations récentes  du New York Times concernant un officier du FBI ayant fait preuve de complaisance lors de l’investigation du scandale des emails de Clinton.
Nous avons donc d’un côté Trump, se plaçant comme victime d’un système impitoyable qui chercherait à le trainer dans la boue, à détruire sa famille et priver les américains de leur libertés (je le paraphrase à peine), et de l’autre Clinton, seule candidate capable d’endosser les fonctions présidentielles et unique rempart contre l’indécence et la barbarie de Donald Trump (selon Michelle Obama).
Côtes et probabilités
Le fameux baromètre du New York Times reflète la lente mais continue glissade de Donald Trump, désormais donné perdant à 9 contre 1 (92 % de chance de victoire pour Hillary).
L’impressionnante remontée de cette dernière (qui pointait à 65% ou 2 contre 1 la vieille du premier débat) reflète des sondages de plus en plus accablants pour le milliardaire républicain. Sur le plan national, il est donné en moyenne à 8 points de retard, un véritable  gouffre à trois semaine des élections et alors que certains Etats enregistrent des bulletins de vote depuis déjà quinze jours. Mais c’est principalement dans la course aux grands électeurs (pour rappel, les élections américaines s’effectuent au suffrage indirect, ce qui importe au final c’est de remporter les Etats) que Clinton à l’avantage. Les fameux swing states lui prêtent presque tous une légère avance (de 1 à 4%) alors que certains bastions républicains sont menacés de basculer côté démocrate.
L’Uta, pays des mormons et de la morale, en fait partie. Les conséquences de la fameuse vidéo qui a conduit l’Eglise mormone à soutenir un troisième candidat. Du jamais vu.
Plus proche de moi, un sondage publié mardi par l’Université de Houston pointe Clinton à seulement 3% derrière Trump dans l’Etat du Texas. Obama avait perdu cet Etat par 13%, Bush l’avait gagné avec 24% d’avance. Le Texas sur le point de basculer démocrate, du jamais vu depuis 1986 !
Rien n’est encore joué, les sondages peuvent se tromper et de nombreux Etats sont encore dans un mouchoir de poche. Mais certains signes portent à croire que l’on pourrait assister à une large  victoire d’Hillary Clinton.
Le parti Républicain semble avoir d’ores et déjà concédé l’élection, reportant ses efforts sur les élections parlementaires (qui ont lieu le même jour, simultanément), tandis que la campagne de Clinton oriente ses ressources vers des Etats auparavant jugés imprenables (comme l’Arizona) afin d’essayer de faire basculer le sénateur en place.
La théorie qui voudrait que les électeurs de Trump se mobilisent d’avantages que ceux d’Hillary est en train de s’inverser. Les Démocrates, de plus en plus horrifiés par les propos de Trump, risquent de se rendre plus massivement aux urnes que les électeurs Républicains désabusés. Avec comme dommage collatéral possible la perte de la majorité au sénat pour les Républicains.
Dans ce contexte, le débat de Las Vegas s’annonçait comme la dernière chance de Trump. A priori, Clinton n’avait qu’à éviter toute gaffe majeur pour s’assurer de la victoire finale. Chris Wallace, le journaliste vedette de la très controversée chaine de télévision ultraconservatrice Fox News, allait  jouer le rôle d’arbitre de ce dernier face à face. 
Rien ne va plus.
Pour couronner cette campagne surréelle, je me suis de nouveau rendu dans le bar/patio où j’avais regardé le second débat. Une foule encore plus compacte, jeune et Démocrate s’était rassemblée dans le gigantesque patio. De nombreuses jeunes filles venues avec leurs chiens ont passé le plus clair du débat à prendre des selfies et parler de leurs animaux de compagnie respectif, ce qui provoqua un certain bruit de fond et rendit inaudible une partie des propos de Trump lors des premiers échanges. Les encouragements de la foule et applaudissement ont masqués certains points critiques.
Mon impression initiale pourrait se résumer en une victoire sans appel d’Hillary, mais bien conscient de la nature biaisé de mon ressentis, je me suis forcé à lire la retranscription complète du débat le lendemain. Ce qui suit constitue donc mon point de vue à la lumière de ces deux expériences.
Un mot sur l’audience et le modérateur
Lors des principaux débats des primaires, en particulier du côté républicain, l’audience présente sur le plateau télévisé pouvait participer, sous la forme d’applaudissement ou de cris. Ce qui donnait lieu à des effets comiques, et avait permis à Trump  de désarmer voir ridiculiser ses opposants en s’appuyant sur les réactions du public.
Lors des débats présidentiels, l’audience est sommée de rester silencieuse. A chaque débat, les modérateurs ont commencé par rappeler cette règle d’or, règle qui fut néanmoins transgressée à plusieurs occasions. Cette soirée ne fit pas exception, le modérateur intervenant à trois reprises pour rappeler les spectateurs à l’ordre. Ce qui prouve bien la contradiction stupide qui consiste à inviter une audience tout en lui interdisant de participer.
Le modérateur jouait gros : sa crédibilité vis-à-vis de sa profession (les journalistes de Fox News étant rarement pris au sérieux) et celle de sa chaine. Force est de constater qu’il s’en est très bien sortis. En particulier, il a interrogé les candidats de façon impitoyable, faits à l’appui et rappelant systématiquement à l’ordre les candidats lorsqu’ils tentaient d’éluder une question. Mon principal reproche concerne les thèmes choisit. Rien sur le réchauffement climatique et l’environnement, rien sur la santé. Malgré tout, sa prestation a surement contribué à la qualité supérieure de ce débat.
Place au débat…
1)      La cour suprême et la constitution
Un sujet vaste et ennuyeux mais capital : aux Etats-Unis, la cour suprême, garante de la constitution, est formée de 9 juges nommés à vie par le président et le sénat. Historiquement, cette cour a toujours été à majorité républicaine,  mais depuis la mort du juge républicain Mr Scola, il y a un siège vacant qui sera remplacé par le vainqueur de la présidentielle. Si Clinton l’emporte, la cour suprême passera potentiellement  à  5 démocrates pour 4 républicains, ce qui permettrait, en premier lieu, de faire passer le plan anti réchauffement climatique ambitieux proposé par Obama et rebuté par le congrès républicain. Une affaire qui nous concerne tous, donc,
Dans ce contexte, les candidats devaient exprimer leurs positions vis-à-vis de la constitution, de la cour suprême puis sur deux sujets sur lesquels la cour suprême a eu à trancher dans le passé récent : les lois sur le contrôle des armes à feux et sur le droit à l’avortement.
Personnellement, j’ai trouvé Trump brouillon et simpliste, Clinton excellente. Sur l’avortement, elle a prononcé deux tirades particulièrement convaincantes, se portant en héraut du droit des femmes et témoignant d’une réelle empathie envers les mères contraintes à l’avortement, tout en matraquant l’idée (chère aux républicains) que l’Etat Fédéral n’avait aucun droit d’intervenir dans la décision aussi intime.
Les cris de joie de l’assistance (du bar, pas de la TV), en particulier des jeunes femmes, fut assez émouvant.
Cependant, sur les armes à feux et la cours suprême en général, Trump a pu articuler très clairement sa positon conservatrice, conduisant les observateurs à penser qu’il avait débuté le débat en force.
2)     L’immigration
Clinton passe à l’offensive, attaque Trump personnellement (« vous n’avez pas osez parler de votre mur lors de votre visite au président mexicain ») et au niveau des idées avec la proposition de déportation massive d’immigrés, parlant de bus et de trains remplis de gens arrachés par les forces de l’ordre dans les écoles et les entreprises avant de conclure que cette vision ne correspondait pas à l’identité de l’Amérique. Elle marque des points mais Trump ne se défile pas, et rétorque que Clinton va régulariser tous les sans-papiers, ce qui va encourager une immigration massive. Clinton lui répond que les immigrés clandestins qui travaillent contribuent à la pression négative sur les salaires des américains, avant de souligner avec brio que Trump a construit ses tours avec de la main d’œuvre clandestine. Trump tic mais ne fléchit pas.  Il balance la phrase ayant fuité de Wikileaks où Clinton parle de son rêve d’un monde sans frontière.
Les choses s’enveniment. Le modérateur en profite pour interroger Clinton sur cette phrase. Elle bascule rapidement sur la Russie qui est responsable des piratages informatiques et que Trump a encouragé au lieu de la condamner. Elle presse Donald Trump de dénoncer les actions russes. Son revirement est parfait. Trump le lui dit clairement : «  joli pivot, mais je veux revenir à son rêve de monde sans frontière ». Ironique car ce type de manœuvre constitue la marque de fabrique du milliardaire (il s’en servira à deux reprises plus tard dans le débat). Il ne lâche rien, attaque Clinton sur les frontières et l’immigration massive, et en rajoute en l’accusant de nouveau d’avoir encouragé les traités de libre échange qui auraient démantelé l’industrie américaine.
Le débat s’échauffe, on s’interrompt… Le modérateur finit par revenir sur la Russie.
Trump : « Poutine n’a aucun respect pour elle »
Clinton : « c’est sûr qu’il préférerait avoir une marionnette comme président des USA »
Trump : « Pas de marionette. C’est toi la marionette ».
Pour la première fois, Trump perd son calme et commet une faute après ce splendide coup droit expédié par Clinton. Quelques minutes plus tard, il interrompt une réponse de Clinton par son désormais célèbre « Wrong » qu’il faut avoir entendu pour comprendre à quel point il provoque l’hilarité des spectateurs (en tout cas, des démocrates autour de moi).
3)      L’économie
Sur ce sujet, Trump est plus à l’aise et parvient à conserver son calme. Aidé par la vision légèrement conservatrice du modérateur qui, par exemple,  présente le plan de relance d’Obama comme un raté. Clinton part avec un handicap lorsqu’elle doit expliquer (avec raison selon les économistes) que le plan de relance a sauvé l’économie américaine.
Le milliardaire  bénéficie d’une tache plus simple.  Il fustige efficacement les traités de libre-échange et les augmentations d’impôts de Clinton. Le modérateur n’est pas tendre avec lui pour autant, taxant son projet d’irréaliste.
Dans l’échange qui suit, Clinton est de nouveau mise à mal sur ses anciennes positions vis-à-vis du traité de libre-échange NAFTA et du traité en cours de négociation avec l’Europe qu’elle a d’abord soutenu (comme en témoigne les emails de Wikileaks) avant de le condamner (suite à la campagne des primaires contre Bernie Sanders). Elle ressort de cet échange affaiblie.
Trump lui fait tout de même un cadeau en l’attaquant de nouveau sur son bilan après trente ans de politique. Hillary Clinton délivre une réponse qu’elle avait dû lire (comme moi) sur un blog démocrate une semaine auparavant, mais néanmoins redoutable :
« Dans les années 70, je me suis battue contre la discrimination des  enfants issues des minorités  à l’école, pendant que Donald était traduit en justice pour discrimination raciale dans son entreprise. Dans les années 80, je me suis battu pour les réformes scolaires en Arkansas, pendant qu’il empruntait 14 millions de dollars à son père. Dans les années 90, je suis allé à Pekin dire que les droit de l’Homme devait s’appliquer également aux femmes, et lui a insulté une miss Univers, la traitant de machine à bouffer… »
Trump interrompt : « give me a break »
“… et le jour où j’étais dans la salle d’opération à superviser la capture d’Oussama Ben Laden, il animait l’emission de téle réalité « the apprentice ». Alors oui, je serais heureuse de comparer nos trente dernières années. »
Ce coup d’éclat inverse la tendance du débat qui semblait, selon les analystes, sourire à Trump.
4)      La capacité à être président
Voici le tournant de la soirée.
Premier sujet abordé, les fameux propos sexistes de Donald Trump. Clinton, visiblement  inspirée par le discours de Michelle Obama, se lance dans une longue tirade émouvante qui raisonnera sans doute beaucoup dans le cœur de l’électorat féminin. De plus, elle apparait à cet instant vraiment sincère, ce qui va surement aider les indécis à accepter l’idée qu’elle devienne présidente.
Trump répond par sa phrase célèbre « no one has more respect for woman than I do” qui force le modérateur à intervenir pour rappeler au calme une audience emportée par un fou rire incontrôlable.
Plus loin, Trump renvoi un nouveau « wrong » au nez de  Clinton avant de se ressaisir, en faisant à son tour un joli pivot, renvoyant Clinton à ses emails.
Le scandale de la fondation Clinton  met Hillary de nouveau à mal, Trump s’engouffrant dans cette brèche pour faire des ponts remarquables avec la situation au proche orient. Le Donald reste dans la course, bien qu’il reconnaisse à demi-mots que sa propre fondation a utilisé de l’argent pour financer des procès. Clinton lui renvoi un punch en parlant de l’auto portrait de six mètres sur quatre que Donald avait acheté avec l’argent de sa fondation caritative, avec des termes bien choisit « I mean, who does that ! »
Trump résiste, en remet une couche sur les scandales de Clinton et son incapacité à détruire ISIS et puis…
Les jeux sont faits !
Interrogé sur ses accusations concernant les élections potentiellement truquées, le modérateur lui demande s’il acceptera, en cas de défaite, de reconnaitre la victoire d’Hillary.
« On verra selon les circonstances » dit-il.
Hillary délivre une réponse particulièrement efficace « Je suis horrifié (…) à chaque fois que Donald perd, il accuse le jeu d’être truqué. C’était le cas quand il a perdu un Etat des primaires, quand son université a été jugé frauduleuse, et même quand il a perdu l’Amy Awards de la télé réalité »
« j’aurais dû la gagner » (l’amy awards) interrompt-il, sans parvenir à se maitriser…
Le modérateur,  incrédule, doit de nouveau reprendre l’audience parti en fou rire, avec de demander à Trump de confirmer sa position. Pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis un candidat met en doute la démocratie de son pays. On reviendra plus tard sur les conséquences multiples de ses propos.
Trump profite de l’audience qui vient d’applaudir la fin de la tirade de Clinton (nouveau rappel à l’ordre du modérateur) pour riposter avec une attaque redoutable :
 « et l’agent du FBI qui s’est entretenu avec Bill Clinton à l’arrière du jet privé de votre campagne, en plein scandale de vos emails… il faudrait en parler,  je veux dire, on a jamais vu ca ! »
L’audience applaudit de nouveau. Le modérateur reprend la main en développant une nouvelle question.
Trump s’essouffle, et demande (c’est un comble !) qu’on se focalise sur les questions politiques…
Ce segment entier est particulièrement intéressant, de loin le plus captivant du débat.
5)      La politique étrangère
Trump, visiblement mis à mal par les attaques de son adversaire, perd pied petit à petit. Il interrompt souvent Hillary, souffle à deux reprises le mot « wrong » au micro pendant que Clinton argumente des critiques à son encontre et peine à développer des réponses claires pour contrer les positions de cette dernière. Il essaye de reprendre pied en citant wikileaks :
  « John Podesta tient des propos très sévères à votre égard. Et Bernie Sander a dit que vous manquiez de discernement (« bad judgment ») »
« Et bien vous devriez demander à Bernie Sanders qui il supporte comme Président » répond-elle du tac au tac (Bernie Sanders fait campagne pour Clinton dans les swing state depuis plusieurs semaines).
6)      La dette
Le peu de temps restant pour traiter ce sujet ne laisse place qu’à quelques échanges, mais présente un dernier fait notable. Au sujet  de la sécurité sociale, Clinton explique qu’elle paye des impôts et que ses impôts vont devoir augmenter pour compenser la hausse des coûts de la sécurité sociale « ainsi que ceux de Donald, s’il ne parvient pas à échapper de nouveau à l’impôt » Trump l’interromp :  « such a nasty woman ». Hillary poursuit comme si de rien n’était. Trump semble avoir perdu son self contrôle, et cette remarque que l’on pourrait traduire par  « qu’elle horrible bonne femme » risque de lui coûter cher auprès de l’électorat féminin.
Conclusion du débat.
Chris Wallace ne manque pas d’humour, et improvise une dernière question. Il propose aux candidats d’expliquer en une minute pourquoi les américains devraient voter pour eux. Hillary Clinton clos sur un message positif, optimiste, rassembleur. Trump à l’inverse, mélange les propos alarmistes aux reproches adressés à son adversaire avant de conclure par « on ne peut pas avoir 4 ans de plus d’Obama, et avec elle, c’est ça qu’on aura ».
Petit hic, Obama est à 53% d’opinions favorables, le plaçant parmi les plus populaires présidents sortant de l’Histoire des Etats-Unis.
Les vainqueurs :
1)      Wallace
Le modérateur de Fox News a posé des questions difficiles, sans compromis et sans lâcher ses interlocuteurs. Il a tenu l’audience et la dynamique du débat, probablement aidé par un Donald Trump qui semblait vouloir parler des sujets de fonds, pour une fois.
2)      Clinton 
Si Trump a signé sa meilleure performance des trois débats (il partait de loin), Hillary Clinton semble avoir réalisé le triplé. Grace a quelques sorties brillantes résumées plus haut et par comparaison avec son adversaire qui a peu à peu perdu son calme, ne parvenant plus à articuler aussi efficacement sa pensé et  commentant de nombreuses erreurs de style, comme nous venons de le voir.
Les perdants :
1)      Trump
Le candidat républicain n’est pas parvenu à mettre sérieusement en difficulté son adversaire. Sa première demi-heure lui a permis d’affirmer des positions très conservatrices (sur les armes à feux et l’avortement notamment) qui devrait lui faire gagner quelques votes républicains, mais son refus de reconnaitre la victoire de son adversaire est un véritable coup de tonner qui devrait (normalement) refroidir les centristes et conservateurs d’habitude très attachés aux principes constitutionnels. Sans oublier le fait que cela va faire les gros titres pendant une semaine et alimenter des centaines d’heures de couverture médiatique négative à son égard, un mal dont sa campagne se serait bien passé !
2)      Le partis Républicains
Le GOP risque de devoir de nouveau s’expliquer sur les propos de Trump concernant l’élection, au risque de perdre toujours plus de terrain dans les élections sénatoriales. Ne pas condamner ses propos serait inexcusable aux yeux de la presse et du grand public, mais risque de couter les votes de certains supporters de Trump.
3)      L’Amérique
La position ambiguë de Trump et son potentiel refus de reconnaitre sa défaite risque de provoquer des tensions, que ce soit le jour du vote ou lors des semaines qui suivront. L’Amérique n’a pas fini de faire les frais de la candidature du Donald, quel que soit l’issue des élections.

Compte rendu : premier débat de la primaire de la droite et du centre

Compte rendu : premier débat de la primaire de la droite et du centre

La cage aux fauves
Apparemment je n’avais rien de mieux à faire Jeudi soir que d’écouter sur RTL en live le premier débat des primaires de la droite et du centre. Voici à chaud une analyse rapide pour ceux qui aurait raté ce grand moment de politique Française.

1) Le plateau
D’un côté trois journalistes dont je reviendrais sur la prestation, de l’autre sept candidats, ou devrais-je dire sept poids lourds de la politique Quelques présentations s’imposent.
Alain Juppé (42% d’intentions de vote), ancien premier ministre, ministre, député et maire de Bordeaux. Condamné dans l’affaire du financement occulte du RPR. Enarque ? Oui. Fun fact/ citation: « le meilleur d’entre nous »
Nicolas Sarkozy (28%), ancien président, ministre, député, maire de Neuilly, mis en examen ou cité dans 11 affaires judiciaires. Enarque ? Non. Fun fact / citation: « casses toi, pauvre con »
Bruno Lemaire (13%), ancien ministre de l’agriculture et député.  Enarque ?  Oui. Fun fact : Le Maire est le seul candidat à n’avoir jamais brigué un mandat de maire.
François Fillon (11%), ancien premier ministre, ministre (6 gouvernements), député, maire. Enarque ? Non. Citation : « je suis à la tête d’un Etat en faillite » lui-même, en 2002.
Nathalie Kosciusko Morizet (4%), ancienne ministre et seule femme candidate. Enarque ? Non, mais polytechnicienne. Fun fact : a.k.a NKM.
Jean-François Copé (2%), ancien maire, député, chef de l’UMP et secrétaire d’Etat,  cité dans l’affaire Bygmalion et responsable de malversation lors de l’élection à la présidence de l’UMP l’ayant poussé à démissionner. Enarque ? Oui. Fun fact : ses grands-parents sont Algériens et Roumains.
Jean Frédéric Poisson (2%), député du parti Chrétien-Démocrate, ancien maire. Enarque ? Non. Fun fact : le poisson, symbole chrétien, est présent dans sa forme symbolique sur l’affiche de sa campagne.
Trois remarques initiales :
            1)  Beaucoup d’expérience, peu de renouveau, un Poisson.
          2) Beaucoup d’affaires  (au moins 13), de mises en examen (au moins 12) et de non-lieu. 
        3) Les ambitions des candidats varient beaucoup. Certains sont clairement là pour récupérer un ministère, tandis que deux à quatre candidats peuvent prétendre à la victoire finale.  Cela signifie que les petits candidats ont intérêt à se démarquer. 


      2) Le format
Des questions personnalisées posées par les journalistes aux candidats, qui disposent de 60 secondes pour y répondre. Cela  pose la question de l’impartialité des modérateurs et de la simplification des réponses. Une minute, toutes les dix minutes, pour s’exprimer sur un sujet précis, cela rend le débat nécessairement compliqué.
Et cela c’est vérifié : Juppé se trouve à de nombreuses reprises « attaqué  de front» par les journalistes, comme d’autres candidats plus tard dans les débats, alors que certains se trouvent plus ou moins immunisés.
Plus dommageable, le temps de parole de 1 minute par tour rend toute réponse de fond très difficile. La multiplication des thèmes et des candidats rend le débat particulièrement brouillon. Difficile de s’y retrouver sans prendre des notes et faire des pauses. 


3) Les journalistes
Elizabeth Martichoux place efficacement les candidats devant leur « langue de bois », les reprenant à chaque fois qu’ils ne répondent pas à la question et appuyant avec justesse là où cela fait mal. A l’inverse, les deux autres journalistes (masculin) piétinent et interrompent sans succès ni pertinence.
 
Première partie : l’économie & l’emploi
Une heure sur l’économie, l’emploi, la dette… c’est plutôt heureux. Les propositions des candidats un peu moins, elles auront peut-être pour effet de remotiver la gauche, on le verra. Les différences sont globalement plus dans les détails et, sans rentrer dans les chiffres, on notera tout de même les principales idées.
Tous les candidats promettent de lutter contre la dette tout en abaissant massivement les charges sur les entreprises (Fillion et Sarkozy parlent de choc)  et les impôts sur le revenu. Seul Alain Juppé reste plus raisonnable sur les baisses d’impôts sur le revenu, tandis que Copé veut compenser les baisses par des hausses de TVA. Tous veulent supprimer l’ISF dans les faits, ainsi qu’un nombre assez important de fonctionnaires (entre 300 et 500 mille).
Pour réaliser l’acrobatie formidable qui consiste à ramener les déficits à 0.5% du PIB (soit une économie de 80 milliards par an sur un budget de l’état de 375 milliard)  tout en baissant les recettes de l’Etat de 30 à 80 milliards d’euros par an (soit 2 à 4% du PIB de déficit en plus), les mesures avancées peuvent paraitre suspectes, bien qu’aucun journaliste n’ait pris le temps de le relever. C’est le jeu, me direez-vous.
Sont cités unanimement : la suppression de 300 à 500 mille postes de la fonction publique, l’âge de la retraite poussé plus ou moins progressivement à 65 ou 64 ans, la fin des régimes spéciaux et la dégressivité de l’assurance chômage.
De nouvelles dépenses (en matière de sécurité notamment) sont avancées, ce qui n’aide pas à prendre confiance dans l’arithmétique budgétaire des candidats.
Autres positions très fortes : la fin des 35 heures, avec des nuances, plus souvent négociées au sein des entreprises. Une charge musclée contre les syndicats, et en particulier la CGT,  plus ou moins nuancée selon les candidats. Et de manière générale très peu de propositions pour la classe moyenne inférieur et les classes modestes qui ne sont bien entendu ni concernées par les baisses d’impôts, ni par la suppression de l’ISF.
Je note quelques points capitaux :

1) Le pays val mal, est au bord de la faillite, en crise, cours à la catastrophe… à l’exception du diagnostic un peu plus serein de Juppé et NKM, le portrait tiré est alarmant. Hollande est fortement critiqué, en particulier pour ses hausses d’impôts importantes et son inefficacité à gouverner. Bien entendu personne ne lui reconnait la prouesse d’avoir réduit de moitié les déficits, ni d’avoir abaissé massivement les charges des entreprises.



2) Aucune remises en cause direct de l’idéologie de l’austérité budgétaire bien que ses conséquences soient souvent fustigées (en particulier les hausses d’impôts).


3) Une politique économique d’offre, par la baisse massive des charges des entreprises et l’augmentation du temps de travail. On pourrait y opposer des solutions plus « keynésiennes » comme l’augmentation de la dépense publique (investissement public), dans l’économie verte (subventions) ou plus directement une politique visant à favoriser la demande (baisse des prélèvements). Le plan proposé par LR est idéologiquement cohérent mais très conservateur.


4) Peu de détails, il semble que les grosses entreprises, dont celles du CAC40, vont bénéficier d’avantage des réductions massives des baisses d’impôts que les PME (pour qui les baisses d’impôts sur les bénéfices est moins utiles que les baisses de charge).
En somme, un programme très à droite, conservateur et faisant à priori beaucoup de cadeaux pour les particuliers payant des impôts et les entreprises dégageant des bénéfices et à l’inverse peu de choses pour les PME et les ˜50% des foyers Français ne payant pas l’IR ni l’ISF. Dommage, car autrement le programme se veut ambitieux.
 
Quelques candidats se démarquent :
Fillion et Sarkozy sont plus clairs dans leurs messages, tandis que Juppé bafouille et est mis en difficulté par les journalistes du fait de la façon dont ils posent les questions.
Le Maire m’apparait comme particulièrement conservateur (ou réactionnaire), parlant de la valeur travail et voulant privatiser le pôle emploi. Surprenant pour quelqu’un voulant incarner le renouveau. J’ai l’impression qu’il s’adresse uniquement aux agriculteurs, mais je dois sans doute halluciner.
NKM est la plus en prise avec sa génération, parlant d’efforts particuliers pour soutenir les auto entrepreneurs, et les PME. Honnêtement, c’est la seule à proposer des idées nouvelles qui ne révèlent pas d’une ligne ultra conservatrice. A choisir, elle remporte mon vote pour ce premier round.

Seconde partie : l’immigration, la sécurité…
Cette partie débute par des questions adressées à Juppé et Sarkozy sur les affaires et les mises en examens. Tous deux se défendent très bien. Les attaques viennent ensuite des autres candidats, et ciblent plus particulièrement Sarkozy. Celui-ci fait appel à l’émotion et se présente comme victime de calomnies dans un style très maitrisé. La tension est forte à ce moment et on commence à comprendre que Sarkozy, seul contre six, est particulièrement exposé dans ces primaires.
Puis viennent les questions de sécurité, d’immigration et de laïcité. Et les choses pas très jolies commencent.
Sans surprise, NKM et Juppé sont les moins radicaux. Ce dernier s’en sort très bien, refusant de céder à la surenchère émotive des autres candidats où aux journalistes masculins qui tentent de l’interroger (sans succès, il répond que la question n’a pas d’intérêt) sur des polémique assez pitoyables  (les ancêtres Gaulois, par exemple).
Sarkozy fait dans l’émotion pure, agitant des spectres atroces comme les 200 millions d’habitants du Sahel, qui ont six enfants par femmes et pour qui la France est le seul pays d’immigration possible (je paraphrase), ou bien parlant des 12,000 personnes sur les fichiers S et la nécessité de mettre dans des camps de déradicalisation les plus dangereux d’entre eux (« je préfère qu’on les relâche en s’excusant, plutôt que de risquer de nouveaux attentats »).
Je note que, hélas, personne ne remet réellement en cause l’Etat d’urgence et que Copé, Le Maire et Sarkozy se livre à la surenchère de mots dur et de propositions.
Par contre, les propos sont souvent stigmatisants et les propositions aussi inutiles que contestables (l’interdiction du port du voile dans les entreprises privés ? du Burkini sur les plages ?).
 
 
 
Conclusion :
Juppé est sorti renforcé grâce à la hauteur qu’il a su prendre dans la seconde partie du débat, du moins du point de vue « centriste ». Sarkozy a été victime du format et de la multiplicité des candidats, son message se perdant dans le torrent de populisme affiché en seconde partie.
NKM a été la seule candidate a avancer des idées novatrices (certaines feront hurler  la gauche, d’autres séduirons les jeunes et les centristes) et semble la seul candidate ayant pris mesure des transformations profondes de la société d’un point de vue de la vie économique.
Le Maire, à ma grande surprise, apparait particulièrement réactionnaire (conservateur).
Fillon, très sûr de lui et présidentiable semble-t-il, mais très conservateur/libéral sur le plan économique.
Copé, version Sarkozy 2.0
Poisson, lui, a fait beaucoup de bulle. Dommage, un candidat pour du beurre là où de la fraicheur et de l’audace aurait-été les bienvenues. Sa seul intervention notable concerne la critique de l’Etat d’urgence.
Quelques grands absents (ou perdant) :


1) L’Europe
Pratiquement tout est décidé à l’échelle Européenne, la politique économique, migratoire, budgétaire… et aucune mention n’est faite de l’Europe. Incroyable mais vrai.


2) L’environnement
On ne parle ni de réchauffement climatique, ni de l’économie verte, ni des nouvelles énergies ou technologies.


3) Le Monde
Pas le temps d’évoquer la crise au Moyen-Orient (responsable des problèmes d’immigration),  ni le traité de libre-échange transatlantique ou les tensions extrêmement graves avec la Russie en Syrie.
Un débat dans un bocal, sans mauvais jeux de mots. 
Compte rendu second débat élections américaines

Compte rendu second débat élections américaines

Les jeux du cirque
Les médias américains promouvaient ce deuxième débat comme s’il s’agissait d’un grand match de boxe. Pourtant, le format question réponse avec un panel d’électeurs indécis devait permettre d’assister à un engagement indirect où chaque candidat défendrait ses idées en répondant aux citoyens présents dans la salle. Historiquement, ce format permet aux candidats de démontrer leur empathie tout en abordant des problèmes concrets qui touchent les américains. Dans cet exercice, Clinton semblait largement favorite. De par son expérience, sa nature et son empathie naturelle que ses proches lui prêtent et qui ne ressort pas nécessairement lors de débats traditionnels.
Au lieu de cela, le débat tourna à un véritable affrontement de gladiateur, incitant les commentateurs à le qualifier de pire évènement politique de l’histoire des Etats Unis.
Si la décision des journalistes américains de soumettre les deux candidats à des questions posés par des  électeurs via facebook, en plus des membres de l’audience, n’a pas aidé a respecter le format qui se voulait plus une discussion entre les candidats et l’audience qu’un affrontement, c’est avant tout le contexte particulier qui a conduit à cette véritable tragédie démocratique.
Le contexte :
Malgré la performance scénique de Pence, le colistier de Trump déclaré vainqueur (dans le style) du débat vice présidentiel, le candidat républicain continue de chuter dans les sondages.
48 heures avant le débat, une bombe éclate dans la presse. Il s’agit d’une vidéo datant de 2005dans laquelle Donald Trump se vante de la facilité avec laquelle il couche avec les femmes, même mariés, dans des termes particulièrement vulgaires (« je les attrapes par la chatte »). Le scandale qui s’ensuit pousse de nombreux cadres du parti républicain à retirer leur soutien à Donald Trump tout en lui demandant d’abandonner la campagne. Alors que le camp Clinton s’efforce de garder le silence, après avoir vivement condamné la vidéo, le camp Républicain se déchire. Les grands médias passent la vidéo en boucle et laissent entendre que la première question du débat aura pour sujet cette fameuse vidéo.
Dans de telles circonstances, il m’est apparu approprié d’aller visionner ce second débat dans un bar, le Axelrad Beer Garden.
Quarante bières artisanales à la pression, une centaine en bouteilles, deux food truck, un gigantesque patio où se sont regroupé environ deux cents personnes et deux caméras de télévision locale, les conditions me paraissent idéales pour une expérience hors du commun.
Les organisateurs offrent une pinte à chaque personne s’inscrivant sur les listes électorales sur place. Difficile de trouver une chaise ou un hamac de libre pour suivre le débat sur l’écran géant. Pourtant, à 8h00, les candidats entrent dans l’arène, l’assistance se tait et la joute commence.
20 irréelles premières minutes.
La seconde question du débat a trait à la fameuse vidéo. Trump produit des excuses rapides et peu convaincantes avant de se lancer dans une ellipse qui le conduit en dix secondes à parler du terrorisme et d’ISIS. Il cite 6 fois le nom de l’organisation terroriste, le reste m’échappe un peu, le public exprimant autour de moi sa consternation. Les deux minutes épuisés, Clinton intervient pour asséner une réponse parfaitement préparée qui vise à démontrer à quel point la vidéo montre la vrai nature de Donald Trump et prouve (après avoir rappelé tous ses commentaires racistes, xénophobes et sexistes) qu’il n’est pas capable de remplir la fonction présidentielle.
Le modérateur presse un peu plus Trump de s’expliquer sur la vidéo, il affirme alors « avoir le plus grand respect pour les femmes » (tonnerre de rires moqueurs dans l’assistance autour de moi) avant de s’en prendre à Bill Clinton pour ses problèmes avec les femmes et Hillary, pour avoir combattu les femmes ayant intentées des procès pour harcèlement sexuel à Bill Clinton « la vidéo ce sont des propos de vestiaires, uniquement des mots, alors que dans le cas de Bill Clinton il s’agit d’actes »).
Dans les échanges qui s’ensuivent, Trump parle de nouveaux de terrorisme, répondant complètement à côté des questions, refusant d’admettre plus de tords et attaquant Clinton sur les échecs de sa politique. Les modérateurs tentent de le forcer à reconnaitre la gravité de ses propos. A ce moment, il semble que Donald est sur le point d’imploser.
La seconde question, concernant la réforme d’assurance santé, posée par un membre du publique, arrive à point nommé pour hausser le niveau et calmer des échanges de plus en plus virulents.
Une fois de plus, Hillary Clinton marque des points, démontrant sa maitrise du sujet et son empathie envers la personne ayant posé la question, se rapprochant du publique pour y répondre. Trump se place alors dans son dos dans une attitude menaçante, en attendant son tour. Il fustige la réforme d’Obama avec de grands superlatifs sans proposer quoique ce soit de concret. Les modérateurs le presse de donner plus de détails, il évite la question et attaque de nouveau le bilan d’Hillary.
Le débat dure depuis vingt minutes, l’attention de l’assistance se relâche (pourtant, il s’agit bien de leur couverture santé, me fait-on remarquer) et il semble que Hillary est sur le point de plier le débat.
Le tournant
Nouvelle question, sur le « scandale » des emails d’Hillary. Trump, dont l’agressivité, corporelle et linguistique, ne cesse d’augmenter, se jette sur l’occasion. Hillary se défend un peu moins bien que prévu, puis Trump reprend la parole, disant « je ne voulais pas en arriver là, je le regrette,  mais je vais devoir le dire (la tension dans le bar est alors à son comble, l’assistance frissonne), si je suis président je nommerais un ministre de la justice qui appointera un juge pour enquêter spécialement sur votre situation, car il n’y a jamais eu autant de mensonges dans l’histoire, autant de malversations, et on aura un juge spécialement pour vous»
Hillary, incrédule devant une menace anticonstitutionnelle, interrompt « et bien, c’est heureux que ce ne soit pas un homme au tempérament aussi instable que Donald Trump qui soit responsable des lois dans notre pays »
« Oui, parceque vous seriez en prison » (because you’ll be in jail)
Cette interruption provoque un tonner d’applaudissement dans l’audience sur le plateau (pourtant sommée de rester silencieuse) et de rires et exclamations plus « sarcastiques » autour de moi.
Le débat change ensuite de sujet, mais à partir de ce moment, Trump va parvenir à se contenir tout en lançant des attaques incessantes et virulentes en direction d’Hillary. Cette dernière va apparaitre plus sur la défensive, cherchant à conserver son calme et à se focaliser sur le public.
La performance de Trump
Suite à ce « tournant »,  Donald Trump va parvenir à conserver un certain calme et être capable d’articuler de nombreuses critiques envers son adversaire, tout en conservant une attitude agressive (à un moment j’ai eu peur qu’il agresse physiquement Hillary Clinton, à un autre que cette dernière craque psychologiquement). Sa stratégie déroutante semble avoir quelque peu payée : au lieu de s’efforcer de répondre aux questions, il se contente très souvent d’attaquer son adversaire, lançant jusqu’à quatre critiques sur quatre sujet distinctifs en une intervention. Cela place Hillary dans une double difficulté, elle doit choisir entre réfuter et argumenter pour se défendre sur 4 points complètement déconnectés (la Russie, l’accord avec l’Iran, sa carrière politique et son soutien à la guerre en Irak en 2002) tout en devant pointer du doigt les mensonges de Trump qu’il vient de proférer (le fait qu’il était contre la guerre en Irak), sachant qu’aucun de ses sujets n’est réellement en lien avec la question d’origine (la Syrie). Ou simplement expliquer que tout ce que Trump vient de dire n’est que mensonge et fausse allégations vérifiable sur internet, avant d’expliquer son plan pour la Syrie.
Non seulement cest particulièrement exigeant en terme de concentration et de capacité intellectuelle et demande un certain contrôle de soit (alors que Trump vient d’utiliser des mots très dure comme « elle a mentit au sujet de… » et « celle-là n’a rien fait pour le pays), mais cela rend difficile le fait d’articuler une réponse complète et pertinente à la question initialement posée.
A de nombreuses occasions, le procédé se répète. Trump lâche attaque sur attaque, proférant au passage des aberrations (les Etats Unis est un des pays ou l’on paye le plus d’impôt, Elle veut les augmenter pour tout le monde) et Clinton peine à articuler une réponse convaincante.
Bien qu’il n’ait à aucun moment fournit de détails sur ses propres plans, il s’est avéré très efficace dans la critique de son adversaire.
Son attitude très agressive, le fait qu’il se soit placé à mainte reprise dans le dos d’Hillary Clinton, qu’il l’ait pointé du doigt avec irrespect, qu’il n’ait pas réellement engagé les personnes posant les questions, tout cela devrait laisser une impression très négative à son sujet. En particulier chez les femmes. En ce qui me concerne j’ai été par moment choqué par la violence subconsciente communiqué envers Hillary Clinton, à tel point que j’avais peur qu’elle finisse par craquer (il n’en a rien été).
La performance de Clinton 
Elle s’est montrée plus calme et tournée vers les membres de l’audience. La qualité de ses réponses a baissé au fur et à mesure du débat, en partie je pense par usure psychologique. Elle a manqué de répartie tandis que Trump a pu habillement tourner au ridicule certaines de ses lignes de défense (sur ses discours aux banques de wall street en particulier). Elle a eu de belles opportunités d’attaquer son adversaire, qu’elle a choisi de ne pas utiliser, et à eu du mal à convaincre de ses propres convictions.
Sa maitrise corporelle jouera probablement en sa faveur. Sa répartie un peu moins.
Vainqueurs et perdants :
Encore une fois, la démocratie et le public en général ne sortirons pas grandi de ce débat dont le niveau fut à tout point  « déplorable ». Personnellement, je suis effaré par la qualité particulièrement faible des questions du public, par la facilité avec laquelle Trump s’est appliqué à ne pas y répondre (les modérateurs lui demandant plusieurs fois d’y revenir, ce qui lui permit de bénéficier de plus de temps de parole sans pour autant répondre à la question) et la quantité de « mensonges » proférés par ce dernier (Clinton a commis des exagération, tandis que Trump est allé jusqu’à nié des choses qu’il avait dit lors d’interventions télévisés).
Les commentateurs politiques me déçoivent également, se contentant souvent de critiquer le style (et donc de déclarer un match nul) plutôt que le fond. Sur ce plan il est évident qu’Hillary l’emporte, mais ce qui compte est bien entendu la perception des gens. Seront-ils effarés par le manque de contenu des réponses de Trump et rebutés par son style agressif, ou seront-ils conciliant et séduit par la simplicité de son message et sa répartie ?
Ce qui ressort le plus des commentaires que j’ai pu lire est que Trump a énergisé sa base électorale et évité la catastrophe, tandis qu’Hillary a manqué une opportunité de faire de même avec la sienne ou de mettre son adversaire KO. Elle est néanmoins apparue une fois de plus comme bien plus compétente et présidentiable, un point important pour convaincre les électeurs indécis.
La menace de Trump de mettre en prison Hillary n’est pas à prendre à la légère. Elle ravira tous les détracteurs de Clinton qui voient dans le scandale des emails (injustement martelé par la presse pendant des mois malgré l’absence de délit) la preuve de la corruption de Washington. Mais c’est du jamais vu dans la vie politique démocratique, une négation de la séparation de la justice et de l’état qui rapproche Trump d’un dictateur.
On verra dans quelques jours ce que les sondages d’opinions produiront, pour l’instant Hillary est confortablement en tête. Mais la question cruciale, sauf nouveau rebondissement imprévu, sera de savoir si les électeurs de chaque camp iront voter. Les fidèles de Trump se déplaceront, les démocrates peu enchantés par la candidature d’Hillary, c’est moins sûr.
Le mot de la fin :
Après 90 minutes dans l’arène, la dernière question fait redescendre la pression : pouvez-vous citer une qualité chez votre adversaire.
Clinton choisit une réponse conformiste : elle mentionne les enfants de Donald Trump, qui sont tout à son honneur.
Trump, bien plus inspiré, obtient le dernier mot avec sa réponse : «  c’est une battante, elle ne renonce jamais et je respecte ca »
PS :Mon blog favori, wait but why, vient de mettre en ligne une version humoristique du script du débat, qui je dois le reconnaître, n’est pas aussi éloigné que je le souhaiterais de la réalité (bien que le critique d’Hillary est à mon sens poussée au maximum pour conserver l’effet comique).

Compte rendu: débat des vice présidents – élections américaines 2016

Compte rendu: débat des vice présidents – élections américaines 2016

Vicieux vice présidents


Je continue ma chronique avec un court message pour revenir sur le débat des colistiers (vice-président potentiels) de chaque candidature ou « ticket ».
Résumé des épisodes précédents :
Le premier débat télévisé a tourné unanimement à l’avantage d’Hillary Clinton qui est parvenue à exposer les défauts de son adversaire sans renter dans un débat d’idée.
Trump, fidèle à lui-même, s’est enfoncé tout seul dans les pièges tendu par Hillary, pendant mais surtout après le débat.
1)      Clinton a utilisé l’exemple d’un article d’investigation du New York Times pour supposer que Trump n’avait pas payé d’impôts depuis dix-huit ans grâce à des montages financiers (légaux). Ce à quoi Trump avait répondu spontanément « that makes me smart ».

2)      Clinton avait pointé du doigt une citation de Trump où il se réjouissait de l’effondrement du marché immobilier survenu lors de la crise des surprimes de 2009. « It’s called business » avait-il répondu du tac au tac.

3)      Trump refuse de divulguer ses déclarations d’impôts, une coutume suivie par tous les candidats depuis Nixon (y compris Hillary), ce qui permet de spéculer sur les raisons de son refus (pendant le débat Hillary supposait qu’il n’était pas aussi riche qu’il le dit, ou qu’il donnait moins aux oeuvres caritatives qu’il le prétend, ou encore qu’il a des conflits d’intérêt du fait de ses investissements en Russie…)
Des éléments repris par les médias toute la semaine, et que Trump s’est efforcé de justifier sans les démentir ni faire de mea-culpa (« c’est normal d’exploiter les failles du code des impôts, et c’est d’ailleurs bien la preuve qu’il faut réformer la fiscalité »).
Dernière polémique, Clinton l’a attaqué sur la façon dont il traite les femmes, et en particulier une fameuse miss Univers que Trump aurait traité de « fat pig ». Trump s’est justifié sur CNN :  « elle avait du mal à contrôler son poids après avoir gagné le concours, pour moi en tant que président de Miss Univers c’était un vrai problème ». Tollé.
Donc l’après débat a fait encore plus de mal à l’image de Trump que le débat lui-même, toutes ces polémiques étant du pain bénit pour les médias américains. Résultat : un coup d’arrêt fantastique à la campagne de Trump. Les sondages le donnait au coude à coude avec Hillary (46%-44%), il vient de reprendre les 6 points de retard qu’il avait fin Juillet. Le baromètre du New York Times qui donnait 33% de chance (2 contre 1) à Trump est redescendu à 19% de chance (4 contre 1).
Dans ce contexte catastrophique pour la campagne de Trump, et ce formidable retour à la réalité concédé par les journalistes après avoir été témoin de l’écart de sérieux et de compétence entre les deux candidats, avait lieu hier le débat entre les deux colistiers.
Kaine, gouverneur de la Virginie et Pence, sénateur de l’Indiana et implacable conservateur connu pour ses vues réactionnaires (anti-avortement) et sa rigueur budgétaire (utilisé pour justifier la fin des programmes d’aide sociale). Deux inconnus du grand publique face à face.
Verdict : Un débat a peine regardable. Kaine  a constamment attaqué Pence pour le forcer à défendre les propos indéfendables de Trump (en particulier, le fait que le monde serait plus sur si l’Arabie Saoudite, la Coré du Sud et le Japon se dotaient de la bombe nucléaire, les insultes envers les mexicains et les femmes, les propos racistes concernant un juge d’origine mexicaine, son admiration pour Vladimir Poutine et son refus de rendre ses déclarations d’impôts publique). Contrairement à Trump, Pence est un politicien aguerri. Il a su afficher un calme et une maitrise de soi parfaite pendant tout le débat,  refusant de répondre aux questions de Kaine et se contentant d’attaquer Hillary et Obama sur leur bilan, tout en accusant Kaine de faire une campagne « insultante ». Un comble. Il a « nié » a mainte reprise les propos de Trump.
Kaine est apparu nerveux et agressif, interrompant sans cesse son adversaire à la stature bien plus calme. Imaginez un intellectuel brillant tentant de déstabilisé un parfait hypocrite qui répond avec le sourire à chaque attaque par « non, c’est faux. Et même si c’était vrai, vous êtes pire ».
Sur le fond, Kaine a gagné à plat de couture le débat, démontrant essentiellement que Trump était indéfendable. Mais sur la forme, il est apparu particulièrement antipathique, et peu mesuré. Récitant des attaques apprises par cœur tandis que son adversaire niait les propos de Trump et ses propositions (comme la déportation des immigrés sans papiers). La modératrice se refusant à pointer les énormes mensonges ou déni de réalité du républicain.
Conclusion : Pence vainqueur, grâce au style. Mais cette victoire  le dessert plus lui-même et sa future candidature (en 2020 ?) que son chef Donald Trump.
Les débats des colistiers influencent rarement les électeurs et sont peu suivis. Malheureusement, par sa performance maitrisée, Pence a pu rassurer son camp et potentiellement mettre un frein à la débâcle de la campagne de Donald Trump.
Prochain débat Dimanche soir : Hillary Clinton et Donald Trump répondront au questions d’un panel d’électeur « indécis ».  Trump peu complètement exploser en vol dans cet exercice (il n’est pas particulièrement connu pour son empathie ou ses qualités d’écoutes) mais s’il parvient à conserver une attitude mesuré comme Pence face à Kaine, il pourra marquer des points importants avant l’ultime débat.