Donald Trump face au spectre de la destitution
La procédure de destitution de Donald Trump, bien qu’elle soit quasi assurée d’échouer au Sénat, restera dans l’histoire comme une tragi-comédie absurde où se mêlent ironie, bêtise et incompétence…
Les cadres du parti démocrate et l’aile « néolibérale » ne voulaient pas s’engager dans cette aventure, de peur qu’elle renforce Trump. Ce sont les militants et activistes qui les ont contraints à déclencher ce que de nombreux commentateurs issus de la « gauche radicale » voient désormais comme une perfide manœuvre au service de l’establishment, orchestré par « l’État profond ».
Le principal intéressé n’a certainement pas tendu un piège à ses adversaires démocrates. Il avait peur comme de la peste de cette procédure qu’il souhaitait à tout prix éviter, afin de s’épargner la honte d’être le quatrième président de l’histoire à être ciblé par un « impeachment », et parce qu’il comprend bien que l’effet télévisuel peut l’endommager durablement. Dans l’espoir de l’éviter, il s’est incriminé en publiant lui-même les preuves de sa culpabilité.
Culpabilité de quoi ? D’avoir commis avec le régime ukrainien l’acte dont on le soupçonnait d’être coupable (à tort) avec la Russie : une collusion dans le but d’obtenir un avantage illégal dans une campagne électorale. Jugez plutôt, à peine la théorie du complot russe effondrée, Trump se lançait dans un complot ukrainien dont il a lui-même reconnu l’existence. Le fameux coup de téléphone qui l’incrimine a eu lieu le lendemain de l’audition du procureur Mueller au Congrès. Après avoir survécu à 23 mois d’enquête du FBI — épaulés par une large partie des médias déterminés à avoir sa peau, Trump commettait le crime dont il venait d’être innocenté en pleine lumière, impliquant au passage des dizaines de fonctionnaires, dont un a fini par lancer l’alerte.
Les adeptes des détails apprécieront l’ironie. La conspiration avec l’Ukraine poursuivait deux buts. D’abord, déterminer les origines du « RussiaGate ». Obsédé par ce scandale dont il est pourtant sorti renforcé, le président a dépêché son homme de main et avocat sulfureux Rudy Giuliani afin d’enquêter sur des pistes issues de théories complotistes fumeuses avancées par des sites internet obscurs, dont le fameux Infowars, site qui soutient que le gouvernement empoisonne l’eau afin de rendre lentement les Américains homosexuels, ce qui a pour effet de produire des grenouilles gays. Afin de suivre ces pistes délirantes, Trump a mis au point une sorte de diplomatie parallèle, qui lui a éclaté à la figure. Deux collaborateurs de Giuliani viennent d’être arrêtés pour soupçon de fraude électorale à l’aéroport de New York.
L’autre « faveur » que Trump exigeait de l’Ukraine, sous peine de lui refuser une aide militaire de 400 millions de dollars, consistait à ouvrir une enquête pour corruption contre Joe Biden et son fils. Là encore, l’idée s’appuie sur une « fake news » impliquant Joe Biden et son fils Hunter, construite à partir d’un article paru dans le New York Time et interprété à l’envers par les médias ultraconservateurs auprès desquels le président s’informe quasi exclusivement. Mais Trump n’a que faire des détails et de la vérité, l’important étant que le fils de Joe Biden occupe un poste fantôme au conseil d’administration d’une entreprise gazière ukrainienne, contre 50 000 dollars par mois. Ainsi, Trump dénonce son principal adversaire démocrate pour des pratiques légales, mais douteuses, touchant au népotisme et à la corruption passive. Ce qui est tout de même savoureux de la part du président qui emploie ses propres enfants à la Maison-Blanche en dépit de leur manque total d’expérience, et se sert de sa position pour les enrichir personnellement.
Trump n’est pas le premier président à solliciter l’aide d’une puissance étrangère à des fins personnelles. Reagan avait demandé à l’Iran de garder les otages américains jusqu’aux élections pour battre Carter, pour citer l’exemple le plus connu. Mais son prédécesseur avait eu l’intelligence de commettre ses actes en cachette, via des intermédiaires, et non pas au téléphone, devant des dizaines d’agents du renseignement, ceux-là mêmes qu’il a pris l’habitude d’humilier régulièrement.
Quant aux démocrates « néolibéraux » qui n’osaient pas lancer la procédure de destitution sur la simple base de sondages hostiles, ils découvrent à leur grand soulagement que l’opinion publique peut évoluer. Elle a augmenté de +10 à +15 % en faveur de la destitution, ce qui fait basculer la majorité des Américains en faveur d’une destitution (55 % selon FoxNews sont pour, 40 % contre).
Fou de rage, Donald Trump a mis du temps à déterminer une stratégie. Après avoir tweeté 120 fois lors du premier weekend (dont le retweet d’un compte le parodiant), commis en direct à la télévision les crimes dont il était accusé et menacé de mort les personnes ayant révélé ses agissements, le voilà décidé à refuser toute commission d’enquête du Congrès, déclenchant de ce fait une crise institutionnelle inédite en adressant un gigantesque bras d’honneur au parlement. Le dernier président à avoir fait cela s’appelle Richard Nixon. Mais à sa différence, Trump bénéficie d’un atout : FoxNews, qui se contorsionne pour défendre le président envers et contre tout. Au point d’affirmer que les déclarations du président étaient « des plaisanteries ».
Pourtant, cet impeachment est plus qu’une vaste blague. L’enjeu n’est autre que la survie de la séparation des pouvoirs au cœur du fonctionnement de la démocratie américaine.
Pour comprendre les aspects politiques, juridiques, et les répercussions sur la présidentielle de 2020, nous avons publié sur le média LVSL.fr l’article suivant, plus sérieux et documenté que cette mise en bouche. Bonne lecture !
« We’re going to impeach the motherfucker » : la présidence Trump en péril
Une réaction au sujet de « Donald Trump face au spectre de la destitution »