Donald Trump siffla trois fois (2/3)
La première tournée internationale du quarante-cinquième président des États-Unis d’Amérique fut peu commentée par les médias français. Pourtant, sur trois sujets majeurs, le train Trump vint percuter les certitudes et siffler la fin de la récréation. Terrorisme, Russie, Climat. Les répercussions de long terme sont à chaque fois inquiétantes, comme nous allons le voir.
Cet article fait suite à la première partie de l’analyse de la politique internationale de Donald Trump, partie qui traitait de sa politique étrangère au Moyen-Orient. Le troisième volet traitera de sa décision de retirer les USA de l’accord climatique de Paris.
Seconde partie: Le durcissement de la guerre froide avec la Russie
Après avoir durablement affaibli les équilibres géopolitiques au Moyen-Orient et semé les graines d’un conflit majeur impliquant l’Iran, Donald Trump s’envole pour l’Europe.
Lors du sommet de l’OTAN, il exige de nouveau des Européens qu’ils contribuent davantage au budget de l’alliance, tout en les rassurant sur son attachement à une organisation qu’il avait auparavant qualifiée « d’obsolète ».
En effet, s’il y avait une raison d’être optimiste suite à l’élection de Donald Trump, c’était bien l’espoir de détente avec la Russie.
Or, sur cette question également, les instances para-étatiques du pouvoir à Washington ont pris le dessus sur les volontés du nouveau président.
Au cours de la campagne présidentielle, un certain nombre de membres de l’équipe de Donald Trump se sont entretenus avec des diplomates russes, ce qui semble relever du bon sens pour une équipe visant à diriger la première puissance militaire mondiale, mais est vécu comme une potentielle trahison par la presse américaine, les néoconservateurs républicains et les démocrates.
Outre ces égarements, deux agences américaines de sécurité ont accusé la Russie d’interférence dans les élections (via le piratage des emails du parti démocrate). Ces accusations sont traitées comme des faits indiscutables par les médias. Pourtant, à ce jour, aucune preuve tangible n’a été apportée. Tout repose sur des déclarations de la CIA et du FBI et un rapport qui, contrairement à ce qui est souvent dit, n’implique qu’une infime partie de deux organismes de sécurité américaine sur dix-sept (la NSA en particulier ne se serait pas prononcée). (11) De plus, même si ces accusations s’avéraient exactes, elles seraient assez « risibles » comparées aux pratiques américaines d’intervention dans les affaires des autres pays.
On rappellera simplement les documents rendus publics par la CIA qui attestent de l’assassinat par les Américains du dirigeant démocratiquement élu qui avait renversé le Shah d’Iran en 1953, et plus proche de nous les interventions publiques d’Hillary Clinton qui avait encouragé les manifestations anti-Poutine pendant les dernières élections russes. (12)
Il serait donc tentant de tourner en ridicule l’obsession des médias américains à discourir sur l’influence réelle ou supposée du Kremlin dans le processus électoral de 2016.
Mais en réalité, ces implications pourraient rapidement dégénérer en conflit mondial.
D’abord parce que Trump, dans une démonstration parfaite de son manque de finesse, a commis une série d’erreurs qui ont largement contribué à fabriquer une crise judiciaire complètement évitable.
Ensuite, du fait que cette situation, qui fait désormais objectivement planer la possibilité d’une procédure de destitution, arrange l’ensemble de l’establishment américain.
D’un côté, elle permet de répondre à la frustration qui s’est emparée du camp démocrate tout en lui évitant de procéder à une quelconque remise en question. De l’autre, elle permet au parti républicain de faire diversion, les médias et l’opinion étant trop occupés par les péripéties judiciaires de l’administration Trump pour se pencher sérieusement sur le projet de démantèlement de la sécurité sociale ou les coupes budgétaires sans précédent prévues pour financer une spectaculaire baisse d’impôt consenti aux multinationales et aux milliardaires. Enfin, elle permet aux républicains d’exercer un certain contrôle sur leur président.
Soucieux de ne pas apparaître comme le pantin de Moscou, Donald Trump a abandonné toute idée de rapprochement. En Europe, les manœuvres des forces de l’OTAN à la frontière russe se multiplient, tandis qu’en Syrie un avion du régime syrien, appuyé par les forces russes, vient d’être abattu par les États-Unis. La Russie a répliqué en annulant une rencontre diplomatique et en déclarant que tout aéronef de l’OTAN survolant son espace aérien en Syrie serait pris pour cible. Les USA ont ensuite encerclé avec des avions de chasse F16 le jet transportant le ministre de la Défense russe, dans une manœuvre d’intimidation (13).
L’escalade militaire, aux frontières européennes et en Syrie, risque de déboucher sur un accrochage accidentel qui pourrait bien être le point de départ d’un engrenage meurtrier. Pour l’instant, c’est principalement le self-control de Poutine qui permet d’éviter l’hiver nucléaire.
Si les Européens commencent à prendre conscience de la nécessité de calmer le jeu, ils ont pourtant autorisé le plus grand exercice militaire jamais organisé à la frontière russe avec la Pologne (14) et opiné du chef devant les remontrances budgétaires de Donald Trump au sommet de l’OTAN. Probablement dans l’espoir d’amadouer le personnage avant la rencontre du G7 et la discussion sur l’accord de la COP21…
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Notes et références:
11) Lire à ce sujet cette traduction de l’analyse de Robert Parry https://www.les-crises.fr/de-nouvelles-fissures-dans-levaluation-du-russie-gate/ et l’article de Truthdig http://www.truthdig.com/staff/bill_boyarsky
12) Cette information est reprise par tous les journaux, par exemple The Guardian ici : https://www.theguardian.com/world/2013/aug/19/cia-admits-role-1953-iranian-coup
13) Une courte analyse de l’escalade militaire est à lire ici, et, en Français, le dernier accrochage en date relaté par Ouest France ici
14) France 24 titre: le plus grand exercice militaire depuis la fin de la guerre froide