Comprendre l’urgence du réchauffement climatique
Selon Noam Chomsky, l’humanité fait face à deux menaces existentielles qui devraient figurer en tête des priorités de n’importe quel citoyen : le réchauffement climatique et l’hiver nucléaire.
Pourtant, ces deux problèmes sont souvent jugés lointains et abstraits, ce qui empêche de mettre en place les solutions néanmoins bien connues et urgentes.
Cet article s’efforcera de résumer ces deux questions et leurs implications dans leur globalité, pas à pas. Pour faciliter la lecture, et compte tenu de la quantité importante de visuels, j’ai scindé cet article en deux parties publiées séparément : Réchauffement climatique (ci dessous) et hiver nucléaire (ici).
Première partie : comprendre l’urgence d’agir contre le réchauffement climatique
1) La réalité du réchauffement climatique
Laissons de côté l’émotion, la politique et les controverses pour nous focaliser sur trois faits essentiels :
Premièrement, la quantité de C02 émise dans l’atmosphère augmente depuis le début de l’ère industrielle. De 0,02 %, nous sommes passées à 0,04 % (403 ppm – partie par million). Une fois replacé sur l’échelle des temps géologiques, ça donne cela :
On constate que le taux de C02 dans l’atmosphère varie au fil des époques, entre 180 et 300 ppm. En 2016 il a atteint 403 ppm , un record absolu. Si les variations décrivent un comportement cyclique, elles s’effectuent sur plusieurs millénaires. Ici, l’augmentation s’est produite à l’échelle de quelques décennies (ce qui oblige à zoomer sur le graphique), confirmant le caractère anthropologique de cette hausse.
Or le C02 a la double propriété d’être transparent aux rayons du soleil et imperméable aux rayonnements infrarouges émis par la terre. En d’autres termes, le dioxyde de carbone atmosphérique laisse passer la chaleur reçue par le soleil, mais empêche la chaleur émise par la terre de s’échapper. C’est le fameux effet de serre, dont une brillante description du mécanisme est disponible ici.
Sans l’effet de serre, la terre présenterait une température moyenne de -18°C. Ce n’est donc pas le phénomène en soit qui est remis en cause, mais son emballement potentiel.
Deuxièmement, la température moyenne augmente depuis le début de l’ère industrielle.
L’examen des données témoigne d’un phénomène cyclique:
Cependant, la hausse actuelle semble spectaculaire lorsqu’on l’observe à l’échelle de l’histoire moderne:
Ici, il faut préciser quelques éléments cruciaux :
- Il s’agit d’une hausse moyenne, à la fois dans le temps et dans l’espace. Il est parfaitement normal que certaines années et certaines zones géographiques montrent des baisses de température ponctuelles.
- Les augmentations de température sont plus fortes là où l’ensoleillement est faible (car l’effet de serre joue proportionnellement un plus grand rôle), donc au niveau des pôles, l’hiver et la nuit.
- Le réchauffement est plus fort sur les continents qu’en mer (du fait des différences d’inertie thermique).
- Par conséquent, une montée de température moyenne de 2°C (limite de la COP21) entrainera des hausses bien plus élevées des températures moyennes dans certaines régions (de l’ordre de 7°C aux pôles) et des températures maximales saisonnières qui dépasseront très largement les niveaux historiques, entrainant sécheresses et vagues de chaleur records.
Troisièmement, l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre entraine une hausse des températures.
Vous le voyiez probablement venir, mais comme ce lien de causalité provoque encore quelques débats (surtout au Texas), il semble utile d’apporter des précisions.
En réalité, le consensus scientifique s’accorde sur l’existence d’une double corrélation : la hausse du CO2 entraine une hausse des températures (effet de serre) qui entraine une hausse de la concentration en C02 (le C02 dissout dans les océans s’évapore progressivement lorsque ceux-ci se réchauffent). Cette relation peut prendre la forme d’un cercle vicieux, jusqu’à ce qu’un nouveau point d’équilibre soit atteint.
Ce lien fut démontré dès 1895 par le prix Nobel de chimie Svante August Arrhenius (vous avez bien lu 1895, ce n’est pas une typo). En 1981, le prestigieux journal Science publie une célèbre étude, fruit des modélisations mathématiques de la NASA, qui calcule le niveau de réchauffement climatique de l’époque et l’augmentation à venir avec une surprenante précision.
La théorie fut ensuite confirmée par un ensemble de données qui ont le mérite de rendre la corrélation intuitive :
Le consensus ne concerne pas uniquement les quinze mille scientifiques signataires du fameux « cri d’alarme face à l’inaction des États » de décembre 2017 ni les deux mille chercheurs issus d’une vingtaine de disciplines différentes contribuant aux rapports du GIEC (organe financé par l’ONU), mais également l’unanimité des institutions scientifiques, jusqu’au ministère de l’environnement américain (dont le dernier rapport a été fuité avant que Donald Trump ne puisse l’étouffer).
Les modèles numériques des climatologues sont unanimes (1) : en tenant compte uniquement des facteurs naturels, cycles solaires compris, aucun ne parvient à prédire correctement l’évolution du climat. Inversement, avec la prise en compte de l’activité humaine, ils retracent remarquablement bien les évolutions passées :
Pourtant, trois arguments sont régulièrement repris par les climatosceptiques pour mettre en doute la responsabilité humaine.
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La baisse de température observée certaines années invaliderait le réchauffement climatique
Cette idée repose sur une erreur basique de compréhension de la science statistique qui vaudrait zéro à un élève de terminale. Car ce qui compte ici, bien entendu, ce n’est pas les fluctuations ponctuelles, mais les tendances de long terme (au strict minimum sur dix ans). Les critiques reposent essentiellement sur la prise en considération d’une année particulièrement chaude (anomalie statistique) pour extrapoler une baisse ensuite (par comparaison). C’est aussi absurde que de dire « fumer diminue le risque de cancer des poumons » en comparant le cas ponctuel d’un fumeur en bonne santé avec un malade non-fumeur.
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Les cycles solaires expliqueraient le réchauffement climatique
Ce facteur est déjà pris en compte par les modèles cités plus haut, et compte pour 0.2 °C dans le réchauffement actuel. Or l’intensité de ces cycles a tendance à diminuer.
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Certaines études scientifiques montrent que…
Parce qu’il existe quelques études contradictoires, certains voient dans le quasi-consensus scientifique le signe d’un complot, ou d’un effet d’entrainement qui pousserait les scientifiques à produire un consensus par mimétisme ou intérêt personnel.
Ici, il suffit de raisonner par l’absurde pour comprendre à quel point la théorie du complot ne tient pas debout. La communauté scientifique (et l’industrie des renouvelables, du bio et des voitures électriques) dispose de moyens financiers considérablement moins importants que les États, Wall Street, les compagnies pétrolières et minières, l’agrochimie, l’automobile, le transport aérien et tous ces autres secteurs négativement impactés par les discours sur le réchauffement climatique. Disons les choses plus clairement : le capitalisme a tout intérêt à nier le réchauffement climatique.
Et il l’a fait pendant des années, et continue de le faire ! La responsabilité de l’homme est établie depuis 1895, et correctement modélisée depuis 1981. Pourtant, combien de fois entend-on parler de réchauffement climatique lors d’un évènement climatique ou durant le débat sur Notre-Dames-des Landes, etc. ? De nombreux procès sont désormais intentés aux principales sources de financement d’études climatosceptiques, en particulier la plus grande compagnie pétrolière mondiale, ExxonMobil, qui a sciemment menti sur le rôle joué par l’homme dans le réchauffement climatique tout en, comble d’ironie, le prenant en compte dans ses propres projets d’infrastructures.
Mais on peut pousser le vice plus loin, et supposer que le réchauffement mesuré par le passé n’est pas dû à l’activité humaine, sans que cela n’affecte notre conclusion. Illustrons cette idée par un exemple :
Imaginez que vous entrez dans une cuisine et trouvez une casserole sur le feu, avec de l’eau tiède. Il vous est impossible de savoir avec certitude si l’eau est tiède à cause du feu, ou si elle a été introduite déjà tiède dans la casserole. Par contre, vous savez que si vous ne faites rien, l’eau va finir par bouillir.
La même conclusion s’impose pour le réchauffement climatique. On sait qu’une augmentation du C02 entraine une augmentation future des températures, quelle que soit la cause initiale du réchauffement amorcé.
3) Le réchauffement climatique entraine des conséquences désastreuses
Une fois que l’on a accepté le fait que la hausse des émissions de gaz à effet de serre entraine la montée des températures, il reste à se poser la question de la dangerosité de ce réchauffement.
Les effets sont qualitativement connus et déjà observables : la hausse des températures conduit à la hausse du niveau des océans et à une modification du climat qui impacte les saisons, dérègle les précipitations et induit une aggravation des phénomènes extrêmes.
On a déjà vu plus haut qu’une augmentation de 2 degrés en moyenne se traduit par une hausse plus élevée sur les continents et les pôles. En clair, si la température moyenne de la planète gagne deux degrés, la température moyenne en France pourrait augmenter du double, avec des maximales qui augmenteront d’une dizaine de degrés, provocant des sécheresses et des canicules violentes.
Pour mettre les choses en perspectives, une hausse moyenne mondiale de 5 degrés nous renverrait à l’époque du jurassique, une période où il n’y avait aucune banquise sur terre et où le niveau des océans était plus élevé de deux cents mètres. En clair, Paris serait plongé sous 165 mètres d’eau. Inversement, une baisse de 5 degrés correspond à la dernière glaciation, soit 1 kilomètre de glace au-dessus de la capitale. (2)
Remettons cela sur une échelle :
Sachant que la température moyenne du globe se situe autour de 15 °C, on peut replacer cette fourchette sur un graphique plus large afin de mieux appréhender notre marge de manœuvre:
Ici, on se borne à deux extrêmes : à 70°C, les océans s’évaporent, à -50 °C, l’eau est entièrement transformée en glace.
En clair, une faible hausse suffit à entrainer de graves conséquences
Avec ce fait en tête, observons les prédictions des modèles « optimistes » de l’ONU :
Comme on le voit, si l’on ne réduit pas nos émissions de C02, on se dirige vers une augmentation de 4 à 6 degrés à la fin du siècle. Mais surtout, on pourrait franchir la barre des 2 degrés dès 2050, c’est-à-dire du vivant des lecteurs de ce blog !
Là où le consensus scientifique s’arrête, c’est sur les conséquences concrètes d’une telle hausse. Les modèles actuels prédisent des effets désastreux, mais ils sont essentiellement linéaires, c’est-à-dire qu’ils partent du principe qu’une hausse de 4 degrés sera deux fois pire qu’une hausse de 2 degrés. En réalité, le réchauffement climatique présente un comportement exponentiel avec effet de seuils, qui restent très difficiles à appréhender.
Entre autres :
- L’augmentation des températures provoque la fonte des calottes glaciaires qui agissaient comme miroir réfléchissant. Moins de banquises = davantage de chaleur reçue du soleil.
- La fonte du permafrost libère du méthane emprisonné dans la glace, or le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2
- L’élévation des températures augmente l’évaporation du CO2 dissous dans les océans
- Les catastrophes naturelles (sécheresses, tsunamis, feux de forêt) détruisent une végétation qui capturait naturellement du CO2
- Le climat pourrait se dérégler de façon drastique (disparition de la mousson, modification des courants marins…) une fois certains seuils franchis
Les scénarios qui nous paraissent alarmistes sont en réalité plutôt « optimistes » et leurs prédictions sont souvent dépassées par la réalité observée (en particulier, la fonte de la banquise se produit plus vite que prévu).
Une augmentation supérieure à deux degrés serait intolérable.
Les gouvernements du monde entier ont choisi une limite arbitraire de 2 degrés. Au-delà de ce seuil, le niveau des océans menacerait de nombreuses côtes et pays, d’intenses sécheresses rendraient des zones entières non propices à l’agriculture (Sud des USA, Texas, Sud de l’Europe, corne de l’Afrique…), des pluies diluviennes provoqueraient des inondations à large échelle et les catastrophes naturelles augmenteraient en intensité et en fréquence.
En particulier, au-delà de deux degrés de réchauffement, des vagues de chaleur atteignant les 58°C pourraient frapper des régions entières, dont le Texas. Or, à cette température, les semences meurent et la végétation est grillée. Plus rien ne pousse.
Pendant la COP21, de nombreux pays ont tenté de fixer la limite à 1.5°C, car certaines études montrent qu’au-delà, des nations entières seront menacées de disparition par la montée des océans (il s’agit de petites îles, mais quand même).
À +4°C, la survie de l’humanité serait en péril
Le prestigieux journal scientifique Nature estime nos chances de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés à seulement 5 %. Notre trajectoire actuelle nous conduit vers un réchauffement de 4°C minimum, un scénario catastrophe. Il impliquerait le déplacement sur plusieurs milliers de kilomètres de deux milliards d’êtres humains, la fin de la mousson en Asie du Sud, la disparition des glaciers en Himalaya, la transformation de l’Espagne, du sud des États-Unis et de l’Afrique de l’Ouest en désert permanent. Selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, « l’humanité risque de ne pas réussir à s’adapter à une telle augmentation de température ». Or la Banque mondiale est généralement plus proche des positions ultralibérales du FMI que du discours écologique des ONG.
Ce scénario apocalyptique se produirait d’ici la fin du siècle, du vivant de nos enfants, et de certains jeunes lecteurs.
3) Le réchauffement climatique est déjà catastrophique aujourd’hui
Le caractère inévitable du réchauffement climatique est déjà ancré dans les consciences. Même si on stoppait dès demain l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, les températures continueraient d’augmenter pendant plusieurs décennies par simple effet d’inertie.
La question n’est pas d’éviter le réchauffement climatique, mais de limiter son ampleur.
Pourtant, de nombreuses personnes tendent à minimiser ce risque en le renvoyant à un danger lointain. Rien ne saurait être plus faux !
Non seulement nous avons vu que le seuil inacceptable de 2°C pourrait être dépassé dès 2050, mais surtout les effets du changement climatique se font déjà ressentir aujourd’hui.
On observe une baisse constante des rendements agricoles, une extinction massive des espèces animales et une aggravation drastique de la fréquence et de la sévérité des catastrophes naturelles. L’année 2017 fut particulièrement chargée : les ouragans ont quasiment rasé de la carte plusieurs iles des caraïbes, forcé 5 millions d’habitants de la Floride à abandonner leurs maisons, privé de toit cinquante mille texans et détruit pour 400 milliards de propriétés privées (voitures, maisons…). La Californie vient de subir deux mois de siège à cause des feux de forêt, qui ont laissé place à des torrents de boue suite à des précipitations records ayant couté la vie à une vingtaine d’habitants. En France, les incendies de l’été ont laissé place à une violente tempête hivernale ayant fait 7 victimes.
Mais au-delà des catastrophes naturelles et des fortes variations de température, le réchauffement climatique va provoquer des pénuries de nourriture et réduire l’accès à l’eau potable. La conséquence immédiate est une augmentation des flux migratoires et des conflits armés.
Selon le Pentagone, le printemps arabe serait dû au changement climatique. Les famines observées auraient initié révoltes et conflits, qui ont permis l’émergence de Daesch et jeté des millions de réfugiés sur les routes. Les attentats de Paris, la crise migratoire et la montée de l’extrême droite en Europe sont donc indirectement liés aux émissions de CO2. Cela vous parait peut-être gros, mais les rapports de l’armée américaine présentent le réchauffement climatique comme la première menace pesant sur les USA, du fait de son rôle dans l’origine des conflits et des flux migratoires qui en découlent. (3)
L’ONU a prédit l’arrivée de 250 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050, en se basant sur des modèles relativement optimistes. À 2°C de réchauffement, deux cents millions d’habitants des villes côtières seront déplacés. Dans un scénario « 4°C », des zones entières du globe seront inhabitables, la notion même de frontière n’aura probablement plus de sens, et la sécurité vis-à-vis des conflits et du recours aux armes nucléaires prendra une tout autre tournure (cf. seconde partie sur l’hiver nucléaire).
4) Comment éviter la catastrophe climatique
Rien de plus simple. On commence par se fixer un objectif, les fameux 2 °C. Cette limite arbitraire ne signifie pas que l’on sera exempt de toute conséquence à 1,9°C, ni en situation apocalyptique à 2,1°C. Mais c’est un point de repère utile.
Il suffit ensuite de limiter nos émissions à une quantité connue et calculable, estimée à 843 milliards de tonnes d’équivalent CO2. C’est notre crédit carbone. Si on reste en dessous, nous avons 65 % de chances de limiter la catastrophe climatique à 2 °C. (4)
Dit comme cela, le chiffre parle peu. D’où l’utilité du schéma suivant :
On comprend que la combustion de l’ensemble des hydrocarbures actuellement en production (mines, gisement et puits en exploitation représentés par la boite noire) conduirait au dépassement de notre crédit. Si on augmente le nombre de gisements, et que l’on extrait l’ensemble des réserves déjà exploitables, on triple le seuil critique.
Ça, c’est la vision en termes de « stock ».
En termes de flux, à consommation constante, il faudra 21 années pour franchir la limite. À consommation croissante de 1 % par an, selon les tendances actuelles, on tombe à 19 années :
Bien sûr, ces projections simplistes impliqueraient de passer subitement du niveau de consommation de 2017 à zéro. En réalité, il est donc impératif de diminuer drastiquement les émissions dès aujourd’hui. Chaque année de retard implique une baisse plus brutale par la suite et réduit d’autant nos chances de succès.
Dans les faits, les accords de la COP21 prévoient des émissions négatives à partir de 2065. Comment ? On ne le sait pas encore ! Les pistes les plus sérieuses reposent sur la capture du C02 par procédé physico-chimique (capture des gaz issus de la combustion d’hydrocarbures) et l’augmentation de la masse végétale (planter des arbres et faire pousser des algues).
Plutôt que de prendre une projection catastrophique issue d’une ONG partisane, il semble intéressant de reproduire ici les scénarios optimistes produits par le prestigieux MIT en partenariat avec Shell, compagnie pétrolière impliquée dans un lobbyisme en faveur d’une taxe carbone dont elle espère tirer profit.
On voit que les calculs de Shell et du MIT exigent une réduction drastique de nos émissions, sur un rythme d’environ 3 % par an en moyenne.
Or, il faut rappeler que depuis la signature du protocole de Kyoto qui visait à réduire les émissions de 20 % en vingt ans, les émissions mondiales n’ont baissé qu’une seule fois, et de seulement 1 %. C’était en 2008, en plein cœur de la crise économique. Il faudrait donc une réduction de l’activité économique trois fois plus importante, chaque année, pour tenir les objectifs.
La technologie ne nous sauvera pas
Face à ces données particulièrement déprimantes, on est tenté de nier les faits en plaçant nos espoirs dans la technologie. Pourtant, jamais au cours de l’histoire une révolution technologique n’a permis de baisser les émissions. Les économies d’énergies et gains d’efficacité se transforment en un accroissement de la consommation d’autres biens, et les technologies du futur (intelligence artificielle, technologies de l’internet, bitcoin, voiture électrique, énergie renouvelable) sont particulièrement gourmandes en « data » et en « métaux rares », donc in fine en énergie.
De la même façon, la compensation de l’empreinte carbone par la plantation d’arbres s’avère souvent contre-productive, car elle vient concurrencer l’agriculture vivrière et présente parfois des rendements négatifs.
Bien que prometteur, l’essor des renouvelables et du solaire va se heurter à une limite physique liée à la vitesse de déploiement : nous ne disposons pas d’assez de temps pour remplacer le parc automobile par des voitures électriques et les centrales à charbon par des panneaux solaires (dont la durée de vie de trente ans reste problématique pour un scénario 100 % renouvelable).
Le scénario Ocean de Shell maximise le potentiel de l’essor technologique et du développement des renouvelables, et rate pourtant la cible des 2 degrés.
Un changement de paradigme comme unique solution
Face à l’urgence climatique, les limites du progrès technique imposent un changement profond de paradigme. Citons la relocalisation des productions, l’adoption d’un nouveau modèle économique abandonnant les indicateurs de croissance tels que le PIB (qui favorise l’obsolescence programmée et le gaspillage) pour le remplacer par des normes qui prennent en compte les externalités (coût écologique et social de la production). La réduction des inégalités permettrait également de faire baisser la natalité, facteur déterminant dans la baisse des émissions.
Il ne s’agit pas d’une utopie, mais d’un changement urgent et nécessaire si l’on ne veut pas, de notre vivant, subir la détérioration progressive du climat et toutes ses conséquences négatives. Dans cette perspective, la construction d’un nouvel aéroport apparaissait comme une aberration, une pure folie. Et l’expérience de la ZAD, comme une lueur d’espoir pour nous éviter un futur sombre, voire un « hiver nucléaire », (concept présenté dans la seconde partie à venir de cet article).
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Cet article en deux parties traite du double sujet « Réchauffement climatique, hiver nucléaire ». La seconde partie est disponible ici.
Sources et références :
- Les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) constituent un d’excellent point de départ, ainsi que la page Wikipedia qui reprend les principales conclusions du GIEC. Notez cependant que pour des raisons politiques, le GIEC est généralement « optimiste » dans ses conclusions et « prudent » quant à ses affirmations.
- En anglais, deux articles indispensables de Vox permettent de saisir l’urgence du réchauffement climatique. Le premier approfondit la notion de limite (2 degré et 4 degré) ici, le second les conditions nécessaires pour respecter ces limites.
- Le site du journal Reporterre contient de nombreux articles, en particulier celui-ci sur l’illusion du « dévelopment durable » et de la « compensation carbone ».
- Le site de Jean Marc Jancovicci est une véritable mine d’or qui explore de nombreuses notions, en sourcant les chiffres et affirmation avec précision. En particulier, au sujet de la limite de la technologie.
- Un résumé succinct (moins complet que sur Vox, mais en Francais) du scénario central d’un réchauffement de 4°C Slate: A quoi ressemblerait un monde à 4 degrés: un quasi enfer
- Le Monde: cri d’alarme de 15000 scientifiques
- Le réchauffement climatique en dix questions, le Monde
- Les références additionnelles sont en lien hypertexte directement dans l’article
Notes:
- Pour bien comprendre la modélisation climatique, ses limites et ses capacités, lire cet excellent article de JM Jancovici: peut-on faire confiance aux modèles climatiques
- Ces données largement disponibles sur internet me sont parvenues pour la première fois via le site Wait-but-why dans la première partie de cet article.
- Le lien entre le réchauffement climatique et les conflits militaires sont détaillés dans ce remarquable article du Monde Diplomatique. Il s’appui, entre autre, sur des rapports de l’armée américaine, dont celui-ci. On peut également citer le dernier rapport du Congrès disponible ici.
- Cette quantification provient de cet excellent résumé sous forme d’infographie publié par Vox.com
16 réactions au sujet de « Comprendre l’urgence du réchauffement climatique »
Tout d’abord, desole pour le manque de d’accents, et les possible erreures d’ortographe, je suis sur un qwerty avec une auto-correction activee…
Article interessant mais qui me laisse sur ma faim quant aux solutions proposees. Alors je commenterais par ordre chronologique.
“La fonte du permafrost libère du méthane emprisonné dans la glace, or le méthane est un gaz à effet de serre puissant”
Quid de l’exploitation des animaux ? Les excrements des animaux d’elevage produisent le CH4 tant redoute. En quand on sait que nous elevens et assasinons des TRILLIARDS d’animaux par an pour les consommer alors que cela n’est absolument pas necessaire, je me demande pourquoi tu n’en parle pas…
“De la même façon, la compensation de l’empreinte carbone par la plantation d’arbres s’avère souvent contre-productive, car elle vient concurrencer l’agriculture vivrière et présente parfois des rendements négatifs. “
Quelle est la proportion d’agriculture vivriere desinee a l’alimentation des animaux d’elevage, par rapport a celle destinee a l’alimentation humaine?? C’est l’elephant en plein milieu de la piece… Nous somme 7 milliards d’habitants humains sur terre, alors que les animaux que nous tuons pour notre consummation (et que nous devons NOURRIR avant) se comptent par TRILLIARD…
“Un changement de paradigme comme unique solution”
OK. Alors que propose t-on ?………… “la relocalisation des productions, l’adoption d’un nouveau modèle économique, réduction des inégalités permettrait également de faire baisser la natalité, facteur DETERMINANT dans la baisse des émissions” ??? Bref que des solutions encore plus abstraites que le probleme en lui meme (le rechaufement climatique)… Des solutions, qui loin de remettre le pouvoir et les RESPONSABILITES entre nos mains, celles du consommateur, au contraire les regetent sur des organization, des dirigeants, des represantents sur lesquels nous n’avons que peu d’emprise.
Bref peu utile, surtout quand on se rend compte que l’exploitation animale est l’industrie qui rejete le plus de gas a effet de serre, qu’elle est en majorite responsable de, la deforestation, la sixieme plus grande extinction d’especes vivante de masse, la pollution des terres, nappes phreatiques et oceans… Et que cette exploitation repose entre les mains du CONSOMMATEUR. Il demande, par ses achats, des produits issues de cette industrie et la legitimise dans sa production.
Il est decevant de se rendre compte que la pluspart des analyses du genre sur le rechauffement climatique ignore profondement le carnisme (definition : https://www.youtube.com/watch?v=ao2GL3NAWQU) et le specisme (definition : https://www.youtube.com/watch?v=tJYzia6KUbs) qui contribuent en majorite au probleme. Alors que quand on s’attaque a un probleme d’une telle urgence, il est d’autant plus logique d’affronter les causes les plus importantes en priorite afin d’avoir le maximum d’impacte.
Pour une liste de sources qui pourra te permettre de reviser ton article, voici un lien :
http://www.cowspiracy.com/facts/
Pour une infographie qui resume les faits :
https://static1.squarespace.com/static/544dc5a1e4b07e8995e3effa/t/54e4d927e4b0aaf066abfcf0/1424283943008/Cowspiracy-Infographic-Metric.png
Bonjour et merci du partage !
En effet, l’article vise essentiellement à décrire le problème et convaincre de l’urgence d’agir, les solutions sont volontairement traités de facon succintes et hollistiques par soucis de longueur du propos !
Néamoins, la réduction de notre consommation de viande fait partie des principaux leviers (à l’échelle individuelle, et en particulier en France) pour réduire notre empreinte climatique, comme nous l’indiquions dans des articles précédents, en particulier ici.
Lorsque nous écrivons « relocalisation des productions, l’adoption d’un nouveau modèle économique (…) qui prennent en compte les externalités (coût écologique et social de la production) », cela inclu le retour à une production agricole et une alimentation compatible avec l’environement.
Malheureusement, même si on réduisait à zéro notre consommation de produits carnés, le chemin à parcourir pour éviter la catastrophe resterait conséquent.
Sur la mention du méthane lors de la fonte du permafrost, bien entendu cette source n’est pas la seule ni la principale, mais c’est un des facteurs d’emballement exponentiel non controlable qu’il semblait utile de mentionner, alors que le rejet de CH4 par l’agriculture et l’industrie reste une variable ajustable (avec bcp de volonté bien sur).
Les solutions méritent d’être détaillés séparmement, tout comme la différenciation entre les actions individuelles et orientations politiques collectives. Le sujet d’un futur article peut-être ?
Un petit bijou de synthèse ! Les schémas maison aident à la compréhension. Bravo.
Comment dire… ?
Il reste à se pendre après avoir étouffé ses gamins et noyé son chien, quoi…
Je plaisante
Je suis effarée et convaincue, mais paradoxalement, j’irai bosser demain en voiture…
L’être humain est-il une indécrottable autruche ?
Vaste sujet ! Pour commencer, on pourrait considérer que la prise de conscience initiale est déjà un bout de chemin. Cela permet de replacer dans un tout autre contexte l’actualité comme Notre Dame des Landes, la fameuse « finance verte » ou la réception des 140 PDG à Versailles par Emmanuel Macron.
Ensuite, à notre échelle, permettez-moi de rappeler que la consommation d’un steak de 150g de bœuf équivaut à parcourir trente kilomètres en voiture (grosso modo).
Cela dit, loin de moi l’idée de faire des leçons de morale. En vivant aux USA mon empreinte carbone à probablement pris un gros plomb dans l’aile…
Comment dire … ? La plupart de ceux qui dirigent ou qui possèdent les médias ont plus de 55 ans et donc ne seront pas touchés par le réchauffement climatique, alors pourquoi ils s’en inquièteraient ? Que pèse un futur assez lointain face à leurs appétits insatiables et inassouvis ?
Ils nous encouragent à se comporter comme eux, à ne vivre que dans l’instant.
Rares sont les périodes de l’histoire où l’humanité a su anticiper, donc pourquoi en serait-il autrement cette fois ci ? De plus les problèmes et les manières de les aborder n’ont peut être jamais été respectivement aussi graves et largement partagés.
Il serait intéressant de connaître l’identité de tous ces nouveaux très riches résidents chiliens, argentins, nouveaux zélandais, et dans une moindre mesure, australiens.
Plus besoin d’attendre pour que certaines personnes ressente l’urgence:
https://www.theguardian.com/cities/ng-interactive/2018/feb/03/day-zero-how-cape-town-running-out-water
Merci d’avoir pris le temps d’écrire et de partager cet article.
Une très belle synthèse – chapeau pour avoir couvert un sujet si vaste en quelques paragraphes sans tomber dans le piège de la sur-simplification.
2 observations si je peut me le permettre (sur ton article ainsi que sur certains des commentaires.des lecteurs):
UNO:
Même si ce n’est pas le but de l’article, je suis d’accord que tu aurais pu aborder une liste d’actions a prendre pour adresser l’urgence – ci ce nest que sous forme de bullet point list. Ca pourrait prendre deux formes differentes: une liste d’actions que chaque individu peut prendre dès maintenant, en commençant par les plus grosses sources d’émissions liées à nos habitudes en temps que consommateurs – suivi d’une liste qui adresse les sources d’émissions qui nécessitent des frameworks a l’échelle locale/nationale et du monde.
Je suis pas d’accord avec le commentaire sur le fait qu’un changement de modèle économique est une solution abstraite par rapport au effets que chaque consommateur peut avoir, tel que réduire sa consommation de viande.
Les deux approches sont liées, et le deux sont importantes!
Notre obsession avec la croissance, le pilier de notre économie, doit cesser. Un paradigm shift doit impérativement avoir lieu a cette échelle. Croissance= consommation = inefficiencies = waste = emissions. Après, est ce que ce changement sera top down ou bottom up (a cause de la manière dont le consommateur s’adapte pour combattre a échelle individuelle le réchauffement climatique) — un peut des deux, no such thing as a silver bullet here…
Dans le registre des changements que chaque individu peut implementer: je suis tomber sur ce site: https://calculator.carbonfootprint.com/calculator.aspx?tab=3
Deux vols AR paris-Houston en économie équivaut a 2.36 tonnes de co2 !! Plus de 10% des émissions annuelles moyennes d’un américain, et presque 30% de celles dun allemand!
DOS:
L’analyse de certains arguments des climate change skeptics est trop légère. Ces arguments méritent autant voir plus d’attention pour armer les lecteurs avec suffisamment de savoir pour effectivement expliquer à leurs connaissance POURQUOI ces arguments sont bidon.
Par example, les Solar Cycles – une petite phrase seulement dans ton article.
Il y a aussi l’argument que l’on retrouve souvent aux US: “what’s the point of all this fuss, there are natural cycles which will eventually lead to ice ages and extreme climates in any case, with human activities and CO2 emissions or not”
Pour moi la réponse évidente quand j’entends ce genre de discourt est: “ well we could change climate in your lifetime (or your kid’s lifetime) vs over thousands of year the way we are going – this will leave no to little time for adaptation and as a consequence, mass casualties, loss of all basic human necessities , instability, war and all this within your lifetime potentially…)
Final thought:
Il faut aussi être conscient que nous sommes pas tous dans la position de faire le meme niveau d’effort par rapport a notre reduction d’émission de GHGs. Maslow’s hierarchy – one can’t be realistically expected to reduce GHG emissions let alone know what GHGs are if he can’t feed themselves or their family, have access to education or basic sanitation. And yet that’s what billions of people on this planet are going through at this very moment…
Entièrement d’accord. Tout le problème de ce genre d’article, c’est de conserver une longueur qui soit digeste pour le plus grand nombre. Mais je conçois parfaitement que cela en laisse certains sur leur faim. 😉
Je pense que le sujet des solutions est particulièrement complexe et mérite un article à lui seul pour être convenablement traité, mais le message central selon moi reste que la solution nécessite des changements drastiques, de l’ordre du jamais vu dans l’histoire moderne.
Sur le climatoscepticisme, je pensais que le diagramme des cycles solaires parlait de lui même: on voit que l’influence du soleil décroit depuis plusieurs décennies. Mais si on excepte les points mentionnés dans l’article, j’ai tendance à penser que les arguments contre les climatosceptiques sont de l’ordre de la trivialité.
Merci pour les liens et les développements auxquels je souscris volontiers !
Cdiggidymachin, j’aime votre facilité à parler deux langues à la fois tel un patineur artistique. Saviez vous aussi que les émissions de CH4 annuelles causées par des chiens de la race French Bulldog sont équivalentes aux émissions annuelles 3 portes-avions américains ?
Ps meme commentaire – écrit sur iPad avec clavier qwerty et autocorrect par un type qui na pas écrit de dissert en French depuis la terminale – #focusonthemessagenotthespellingplease
Merci pour cette bonne vulgarisation !
Merci pour cette analyse, notamment pour certaines illustrations originales. Il faut du temps pour la digérer – temps que je n’ai pas (encore) pris.
Si cette analyse devait aussi comporter des propositions de solutions, il faudrait un livre. Qu’est-ce qui vous empêche d’en écrire un? Ceci dit, il y a beaucoup d’autres analyses et de très nombreuses propositions de solutions. Politicoboy n’est pas obligé de faire tout le travail.
Enfin, pour la partie à venir sur l’hiver nucléaire, puis-je vous inviter à lire le résumé qui, s’il se réalise, résoudra tous nos problèmes: https://blogs.mediapart.fr/peter-bu/blog/010318/le-debat-urgent-occulte-la-bombe
Merci pour ce commentaire chaleureux !
Voilà, j’ai d’abord écrit cet article de synthèse pour alerter mon cercle d’amis, mais il existe énormément de ressource et de livres sur le sujet. Je me penche sur un volet « solution », après la partie « hiver nucléaire ».
Merci pour votre lien, un billet très complet que j’ai consulté avec intérêt. Je suis en train de lire « Doomsday machine » le livre de Daniel Elsberg (le lanceur d’alerte des Pentagone Papers, sujet du dernier Spielberg) sur le risque nucléaire. Ca risque de demander un peu de temps pour le digérer !
J’ai un peu modifié mon texte et ajouté deux annexes qui pourraient vous être utiles si vous parlez du nucléaire:
https://blogs.mediapart.fr/peter-bu/blog/010318/le-debat-urgent-occulte-la-bombe
Merci, très pris en ce moment, mais je vous recommande vraiment de lire « doomsday machine » de Elsberg. J’en suis au 3/4 et j’en perdrai presque le sommeil.
Merci pour cet article.
Tu commences par « l’humanité fait face à deux menaces », le nucléaire et le réchauffement climatique. J’en rajouterai au moins un troisième, le déclin de nos énergies fossiles et notamment le pétrole. Je te laisse imaginer un monde sans pétrole et ce ne sera pas dans 40 ans comme nos chères compagnies pétrolières nous le font croire.
Ensuite, pour compléter ton superbe article, plusieurs climatologue sont d’accord sur le fait que tout ce qui est émis aujourd’hui, sera ressenti dans 40 ans. En clair, si nous arrêtons toutes nos émissions ce soir, les effets d’aujourd’hui s’en ressentiront en… 2059. Cela fait froid dans le dos… Peut-être qu’un hiver nucléaire rafraichira tout ça…