La démocratie Francaise à l’agonie

La démocratie Francaise à l’agonie

Le premier tour de la présidentielle s’est joué dans un mouchoir de poche, la principale surprise étant probablement l’absence de surprise. Le conformisme du résultat cache une réalité plus amère. Le second tour verra ainsi s’affronter le chef d’un parti fasciste, xénophobe et capitaliste au candidat imposé par les circonstances et les médias. Retour sur un scrutin historique.

Un match à trois

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française viennent de confirmer une tendance amorcée depuis quelques élections de par le monde, celle d’une lutte entre trois pôles distincts. (1)

Le premier camp, que l’on pourrait appeler « néolibéral » cherche essentiellement à maintenir le statu quo. Pro mondialisation, il sert les intérêts du capital, sans remettre en cause la répartition des richesses ou les modes de production. Étranger à l’écologie, il s’applique à défaire toutes les barrières qui s’opposent à l’accroissement des échanges : frontières nationales, puissance publique, acquis sociaux, régulations environnementales et financières. Parfois malgré lui, parfois consciemment, il défend les intérêts des plus riches, les fameux oligarques, le top 0,1 % dont la part de richesse et d’influence s’accroît de façon exponentielle. Ainsi, huit milliardaires possèdent désormais plus de capital que 50 % de la population de la planète, et 1 % des Français ont capté autant de richesses depuis 1980 que les 50 % les plus pauvres. (2)

Fait relativement récent, cette explosion des inégalités tend à diminuer le niveau de vie des classes populaires. Aux USA, la classe ouvrière a vu son taux de mortalité augmenter dramatiquement. (3) En France, c’est l’espérance de vie de l’ensemble de la population qui recule pour la première fois depuis 1969, sans parler de l’augmentation, du taux de pauvreté ou du niveau de stress au travail. (4)

Le second camp prospère sur les dégâts causés par le premier. Ainsi, Donald Trump aux USA et Marine Le Pen en France capitalisent sur la détresse des classes populaires pour promouvoir une alternative nationaliste, xénophobe et raciste. Plutôt que d’incriminer le néolibéralisme et l’oligarchie qui en tire parti, le deuxième camp pointe du doigt l’étranger, qu’il s’agisse des autres nations ou des immigrés présents sur le territoire. Comme si le capitalisme connaissait les frontières.

Le troisième pôle, enfin, propose de remettre en cause le système économique néolibéral, en s’appuyant sur deux piliers : la répartition des richesses pour maintenir un système de protection sociale garantissant à chaque individu un niveau de vie décent, et l’écologie comme nouveau mode de production. Parce qu’il remet en question le capitalisme financier, c’est ce camp qui fait face à la plus violente opposition. (5)

Aux USA, Bernie Sanders représentait la troisième voie, Bush, Obama et Clinton la première, et Trump la seconde.

En France, le premier tour de la présidentielle s’est également cristallisé en une lutte entre ces trois forces politiques.

Le camp du statu quo et du capital, représenté par messieurs Sarkozy, Hollande, Fillon et Macron, devait permettre d’éviter la victoire du second camp, représenté par Marine Le Pen. La troisième voie est apparue plus tardivement. Au sein du parti socialiste, Benoit Hamon a créé la surprise en s’imposant aux primaires. Quant à monsieur Mélenchon, il manque le second tour pour seulement six cent mille voix. Si on ajoute certains « petits candidats », on se rend compte que le troisième camp, dans toute sa diversité, rassemble tout de même un tiers des suffrages.

Si les résultats du premier tour se sont joués à un cheveu, ce qui se dessine lors du second est on ne peut plus clair : un remake du match Trump-Clinton.

Bien sûr, la France et les États-Unis sont aussi différents que Donald Trump et Marine Le Pen, et la victoire du premier ne présage en rien du succès de la seconde. Une chose apparaît tout de même clairement, l’élection d’Emmanuel Macron renforcera nécessairement son adversaire direct. À moins que n’émerge rapidement l’alternative de gauche.

Ce qu’il faut retenir du premier tour de l’élection présidentielle

Si on conserve la grille de lecture détaillée plus haut, et que l’on compare les résultats de 2017 avec ceux de 2012, on obtient une évolution spectaculaire :

  • Le camp néolibéral passe de 23 millions à 16 millions de voix, soit un déficit de 7 millions.
  • Le Front national gagne 1,2 million d’électeurs
  • La gauche progressiste passe elle de 5,4 millions à 9 millions, soit de loin la plus grosse progression.
  • En particulier, Mélenchon gagne 3,1 millions d’électeurs, une progression trois fois plus forte que celle du Front National.

 

Qui sont ces nouveaux électeurs ? Essentiellement des jeunes chez lesquels Mélenchon arrive largement en tête (30 % devant les 20 % de Marine Le Pen). Ces jeunes gens, qui votent souvent pour la première fois, s’informent majoritairement par internet et regardent de manière très critique les médias traditionnels.

La gauche a donc de belles années devant elle, et concurrence efficacement le Front National là où cela compte le plus, dans le champ des idées et chez les jeunes consciences.

L’autre fracture qui apparaît très clairement est celle de la ruralité, qui se prononce très largement en faveur de Marine Le Pen. C’est d’autant plus marquant que ces populations sont très peu exposées aux immigrés, comparés aux citadins et personnes vivant en banlieue.

Dans les quartiers populaires, Mélenchon fait de très bons scores. À titre d’exemple, il arrive en tête à Vitry-sur-Seine (30 %) alors que Marine Le Pen ne réalise que 10 %. Il remporte largement la Seine St Denis (32.5 %), et gagne à Montpellier, Marseille et Toulouse, des villes pourtant très « métissées ». Indéniablement, la France Insoumise a fait reculer le FN . (6)

Il semblerait donc que ce soit plus le niveau d’éducation et de revenu qui poussent les gens à voter Front National que la proximité avec les populations immigrées ou la criminalité.  

Marine Le Pen au second tour, malgré tout

Donnée archi favorite depuis quatre ans, Marine Le Pen est passée très près de l’élimination. Sa chute dans les sondages coïncide avec la montée de Mélenchon et le lancement de la campagne officielle.

Deux phénomènes distincts permettent généralement d’expliquer le vote FN. Le premier est le sentiment anti-immigration, essentiellement alimenté par les médias à travers leur façon « émotive » de couvrir l’actualité et leur participation plus ou moins explicite à la dédiabolisation du Front National et de ses thèmes. Le second repose sur la paupérisation des classes populaires et rurales qui, par défaut, se reportent sur l’extrême droite ou l’abstention dans un geste contestataire.

Les deux débats télévisés du premier tour ont permis de mettre à nu la candidate du FN, qui est apparu pour ce qu’elle est : une xénophobe s’accordant très bien du « système ». Ils ont également éclairé une alternative, incarnée par les petits candidats, mais surtout par la France Insoumise de Mélenchon.

Nous aurions pu espérer un transfert du vote contestataire vers le troisième camp, mais la courte durée de la campagne et l’entreprise de désinformation médiatique semble avoir limité ce mouvement. Une autre façon d’interpréter les 21,5 % de Marine Le Pen est de reconnaître une profonde avancée du sentiment xénophobe en France.

Comme nous allons le voir, ce phénomène n’était en rien une fatalité.

Le totalitarisme aux portes de la république

Pour fonctionner, une démocratie repose sur une mécanique précise. Les citoyens doivent voter, de façon informée, pour des représentants qui respectent le mandat qui leur est attribué, dans le cadre des institutions.

La campagne qui vient de se dérouler témoigne d’un affaiblissement sans précédent de ce processus.

Si les citoyens se sont bien rendus aux urnes (en nombre plus important que prévu), étaient-ils correctement informés ?

Les lecteurs rompus à la critique des médias, ceux qui ont vu les films comme « les nouveaux chiens de garde », qui lisent régulièrement les articles d’Acrimed et qui ont suivi les levées de boucliers qui ont accompagné la sortie du Décodex connaissent déjà la réponse. Il  s’agit d’une tragédie en cinq actes.

Préambule : introduction à la critique des médias

Nous ne voudrions pas apparaître pour des conspirationnistes ou des fascistes, il nous paraît donc utile d’effectuer une rapide mise au point initiale.

Dix milliardaires, dont la plupart doivent leur fortune aux commandes publiques, possèdent quatre-vingt-dix pour cent des médias. (7) Les cas de censure, de licenciement abusifs et de conflits d’intérêts sont innombrables, et les récentes purges des programmes effectuées à Canal+ et Cnews (en dépit d’une longue grève) n’auront échappé à personne. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est encore sur le service public que les comportements les plus critiquables ont lieu. (8) La course à l’audience et la volonté de concurrencer le privé, en quantité comme en « crédibilité » tendent à rendre les programmes encore plus orientés. On citera en exemple le cas de la matinale de France Inter et des émissions politiques de France 2, (Pujadas et Ruquier) qui apparaissent comme des caricatures de talk-shows américains conçus dans l’unique but de faire du buzz et de l’audience, au mépris de ses invités et téléspectateurs.

Ce petit monde de l’information dirigé par les stars du journalisme vit dans une espèce d’entre-soi qui lui fait partager les mêmes opinions, dîner aux mêmes tables et fréquenter les mêmes hommes politiques et conseillers influents. Bien sûr, derrière chaque titre de presse aux mains d’un rédac chef ou éditorialiste interchangeable se cachent des milliers de pigistes précarisés abattant un travail formidable et des centaines de journalistes de grande qualité. Mais la pression implicite, l’autocensure et la mainmise « du système » sur les principaux médias encadrent le débat public et l’orientent dans une direction qui convient au « système ».

Voilà pour les bases de la critique médiatique.

Acte 1 : Banalisation du FN et exaltation des sentiments xénophobes

Les thèmes chers aux FN ont pignon sur rue dans nos médias. On se souvient des reportages sensationnels sur les violences des banlieues sous Chirac (2002-2007), auxquels s’est ajouté le débat sur l’identité nationale hébergé par France 2 à la demande de Nicolas Sarkozy (2010), le traitement particulièrement anxiogène des attentats et de la crise migratoire où les séquences émotions éclipsent systématiquement la réflexion. Arrivent en renfort le projet de loi de déchéance de nationalité du FN, défendu par le président Hollande, le fait divers du burkini élevé au niveau de drame national, la part disproportionnée des questions de laïcité dans les débats présidentiels (aux primaires de la droite, mais également de la gauche et du premier tour, en dépit du désintérêt profond des Français pour ces questions). Les deux derniers événements récents témoignent ainsi d’une certaine hystérie, entre les images atroces des enfants syriens gazés (on attend toujours la publication en couverture de Libé des enfants ensanglantés suite au bombardement de l’OTAN à Mossoul qui avait fait deux cents victimes civiles, ou des dégâts des avions Rafale Saoudiens sur la population yéménite) et la récupération honteuse par François Hollande de la tragédie des Champs Élysées qui méritait, au contraire, d’être traitée pour ce qu’elle est : un horrible fait divers, rien de plus.

Non seulement l’actualité est couverte de façon anxiogène et les amalgames jamais bien loin, mais encore fallait-il dédiaboliser le message du Front National.

Lorsque Sarkozy, Fillon, Valls et Hollande en empruntent le langage, la moitié du travail est effectué. Reste à légitimer ce discours, à travers l’omniprésence des éditorialistes comme Eric Zemmour, Michel Onfray ou Alain Finkielkraut, qui viennent déverser leurs thèses islamophobes et racistes (la fameuse théorie du grand remplacement) à longueur de plateaux télévisés.

Si le pluralisme existait vraiment, nous aurions le droit à des émissions aux heures de grande écoute laissant s’exprimer des penseurs de la gauche radicale, ou au minimum des universitaires, sociologues, démographes et historiens.

Mais le point de non-retour est atteint par le service public qui, à travers un journaliste d’origine algérienne, pousse une Française de Calais venue interroger Mélenchon à avouer penser voter Le Pen. « il n’y a pas de honte » insiste le journaliste. (9)

Ce ne sont pourtant pas les informations qui manquent pour démontrer que Marine Le Pen est à la tête d’un parti profondément raciste. Ni ses interviews dans les médias étrangers, ni les enquêtes de Mediapart démontrant le penchant néonazi des cadres du parti ni les vidéos où Marine Le Pen elle-même s’énerve contre des immigrés. (10)

Les « dossiers » de ce genre ne sont réservés qu’aux candidats qui dérangent, comme Asselineau à qui on ressort ses sorties pseudo-conspirationnistes ou Mélenchon qui se trouve face à des images vieilles de trente ans, remixées au montage, pour s’entendre dire le contraire de ce qu’il exprimait à l’époque.

Acte 2 : Intolérance face à la différence, Décodex et police de la pensée

Le débat public est ainsi encadré de façon spectaculaire. Oui au traité européen, oui à l’intervention en Libye, oui aux sanctions contre la Russie, oui aux bombardements en Irak (2015), oui aux représailles contre Bachar Al Assad en 2013, non au Brexit, non à Donald Trump, oui aux bombardements de ce dernier en Syrie (2017), oui à l’intervention en Centrafrique, non à la sortie du nucléaire, non à la grève générale contre la loi El-Khomri… difficile, voir impossible, de trouver une voix dissidente face à la pensée unique. Non pas qu’elle ait systématiquement tort, mais encore faudrait-il pouvoir en débattre.

Lorsque les médias n’assurent plus le pluralisme, les points de vue alternatifs, parfois mal intentionnés, pullulent. Pour répondre à cette dérive, les grands médias mettent en place des cellules de « désintox » pour décoder l’actualité. Sous un faux couvert d’impartialité, les fact-checkeurs manipulent les faits et imposent leur interprétation. Jusqu’à créer un outil hallucinant, le Décodex, qui n’est qu’un simple catalogue de sites internet jugés selon un barème de couleur par les journalistes du Monde. Certains sites contenant des milliers d’articles sont ainsi qualifiés d’infréquentables à cause d’un ou deux posts quelque peu contestables (le blog « les crises » par exemple) tandis que d’autres bénéficient d’une complaisance inouïe malgré leur toxicité avérée (exemple : le blog de BHL, qui appelle à la guerre en Syrie après avoir provoqué le fiasco Libyen).

Act 3: Mettre en avant un candidat : Emmanuel Macron

Autant le dire tout de suite, je ne crois absolument pas qu’Emmanuel Macron soit un candidat fabriqué, monté par les médias et les hommes d’influence qui se seraient concertés pour le choisir. Je pense plutôt qu’il s’agit du produit d’un système. Macron plaît à l’éditocratie française, aux salles de rédaction, il rassure les milieux financiers et permet un grand recyclage de la classe politique (il suffit de voir l’hétérogénéité de ses soutiens). Ceci explique surement une surexposition médiatique qui n’aura échappé à personne.

Francois Asselineau posait ainsi la question froidement : comment se fait-il qu’un candidat se présentant pour la première fois à une élection obtienne une telle couverture médiatique ? Les règles du CSA prennent en compte les sondages (ah !) et les résultats des élections précédentes pour attribuer le temps de parole en proportion. Comment se fait-il que Macron, inconnu des Francais il y a trois ans, ait bénéficié d’une telle faveur ?

Pour prendre conscience de la surexposition médiatique, il faut lire cet article d’Acrimed et faire un tour sur leur page d’archive.

Copie d’ecran du site Acrimed, rubrique Macron

 

 

Act 4: Campagne de désinformation

Le système médiatique dans son ensemble avait donc, consciemment ou non, installé Emmanuel Macron en tête des sondages aux côtés de Marine Le Pen. François Fillon s’étant torpillé tout seul avec sa défense déplorable face aux affaires, rien ne semblait en mesure de perturber la marche du ministre de François Hollande vers l’Élysée.

Arrive Mélenchon.

Il faut avoir suivi de près la campagne pour se rendre compte de l’agressivité des médias à son égard. Il suffit de lire ce compte rendu de l’émission de Pujadas d’avril 2016, ou de celle de février 2017 pour prendre le début de la mesure du phénomène.

Mais c’est seulement lorsque le candidat de la France Insoumise est arrivé à portée du second tour que la machine s’est mise en route à toute vitesse, apportant au passage la preuve que le « système » préférait l’extrême droite à la gauche. (11)

La presse de droite a tiré la première salve, de façon presque comique compte tenu de la teneur des titres. (12) Mais la réplique de la presse dite de gauche n’est pas venue. Au contraire, elle a relayé les attaques de la droite avant de s’adonner à son tour à des critiques souvent plus subtiles, et donc plus efficaces. Il fallait lire l’Humanité ou vivre en Suisse pour apprendre que non, la percée sondagière de Mélenchon n’inquiétait pas les marchés.

Elle affolait par contre les éditorialistes qui ont mené ce qu’il faut bien nommer une campagne d’intox, fake news ou mensonges en fabriquant de toute pièce une information fausse : Mélenchon voudrait sortir de l’Europe et de l’OTAN pour rejoindre l’Alba. Il faut lire l’analyse de cette entreprise de désinformation pour en comprendre toute l’ampleur. Je vous préviens, on n’en ressort pas indemne, tâchez de garder un punching-ball à proximité. C’est finalement BFMTV qui se chargera, après que l’ensemble de la presse écrite ait relayé l’intox, de rétablir la vérité.

Que font les décodeurs du Monde devant pareil fake news ? Ils en encodent une autre en cherchant à démontrer que Mélenchon est pour le régime de Bachar Al Assad. Quand on a lu ses analyses sur son blog, regardé les vidéos de sa chaine YouTube ou simplement écouté son interview chez Ruquier, on ne peut que constater que Le Monde ment par omission, et que nous vivons donc déjà dans un régime quasi totalitaire.  (13)

Comme cela ne suffisait pas, deux nouvelles piqûres seront administrées aux Français la veille du scrutin. La première est une intox visant à faire passer Mélenchon pour un antisémite (tiens, même accusation que pour Benie Sanders et Jeremy Corbin !). Elle est relayée par Libération, décidément grand journal de gauche qui refuse le droit de réponse à Olivier Tonneau. (14)

La seconde est encore plus abjecte, car elle sera reprise par l’ensemble de la presse. Un dessinateur aurait été victime de la vindicte des militants insoumis sur sa page Facebook, après avoir relayé la fausse information sur l’Alba. Jean Luc Mélenchon est assimilé par le journal Le Monde à une dizaine de militants du forum de jeux vidéo Discord, et ces mêmes militants se retrouvent comparés aux militants FN, ce qui permet au journal de centre droit de conclure que Mélenchon est un dictateur en puissance, pas mieux que Marine Le Pen ! Deux amis proches m’ont renvoyé l’article par mail avec en conclusion : « je ne peux pas voter pour Mélenchon ». Cette fois c’est Arret sur Image (site payant) et Marianne qui se chargent de démonter l’intox. Mais le 18 avril, Le Monde.fr en remet une couche, et publie une tribune du dessinateur, très à charge contre Mélenchon, sans aucun filtre. Cette fois encore, le droit de réponse est refusé à la France insoumise. (15)

Si un tel zèle avait été appliqué au FN, il ne serait peut être pas au second tour, et la même chose pourrait être dite au sujet d’En Marche ! qui a réussi à faire censurer une émission de LCI (on n’ose pas imaginer ce qui serait advenu de la France Insoumise si elle avait procédé de la sorte).

Bien sur, Mélenchon ne fut pas la seule cible des médias. Les Fillonistes se plaindront également (à tort, pour le coup c’est leur candidat qui a menti sur les plateaux TV, personne ne lui demandait de promettre d’abandonner en cas de mise en examen). Le mépris hallucinant formulé envers Poutou et le cadrage systématique d’Asselineau comme conspirationniste dégénéré auront probablement frustré plus d’un électeur. En réalité, tout ce qui sort du cadre et menace un minimum l’ordre établi est cible potentielle.

Encore une fois, c’est le service public, à travers la voix de Léa Salamé, qui remporte la palme. Alors que Nicolas Dupon Aignan vient de lire les SMS du propriétaire du Figaro justifiant que son quotidien censure le candidat, la journaliste à cette formidable réplique : « quel intérêt de nous lire ça ? “.

En effet, quel intérêt.

Act 5: Vote barrage au second tour

Il s’en est fallu de peu pour que le scénario rêvé n’ait pas lieu. Mais nous voici donc au second tour face à un choix cornélien : le candidat imposé par les puissants ou le racisme des fascistes.

Au cas où nous serions saisis de l’envie de ne plus participer à cette mascarade, les médias sont de nouveau là pour nous imposer notre conduite. Feignant d’être surpris que la France Insoumise ne se soumette pas dès 22h le dimanche soir au piège à con du front républicain (qui ne peut que mal tourner, comme le vote utile), les médias et la classe politique crient au scandale. Lionel Jospin avait mis cinq jours à appeler à voter Chirac, mais Mélenchon devrait s’y résoudre deux heures avant la confirmation du résultat ! Pourtant cela fait quinze mois que la France Insoumise avait annoncé qu’elle consulterait ses militants avant de se prononcer sur le second tour. Les journalistes ne le savaient probablement pas, eux qui sont si occupés à nous vendre du Macron et du Le Pen depuis un an.

Le spectacle des titres de presse, depuis l’annonce de cette consultation, est renversant. Les pressions viennent de partout, et on reproche à celui qu’on présentait comme un dictateur en puissance de soumettre sa décision aux militants. Une fois de plus, c’est Libération et Médiapart qui se montrent les plus agressifs. Le Figaro s’en étonne d’ailleurs publiquement :

Si l’ironie vous échappe, peut-être vous rappellerez-vous que c’est précisément le soutien à François Hollande en 2012 qui avait été utilisé pour décrédibiliser le mouvement insoumis pendant la campagne.

Mais surtout, on comprend l’irresponsabilité totale d’une hypothétique consigne de vote automatique pour Macron.

Deux camps politiques ont progressé (cf partie 1) depuis 2012, le front national (+1,2 million de voix) et la France Insoumise (+3.1 millions). D’où proviennent ces nouvelles voix ? Des jeunes, chez qui Mélenchon arrive largement en tête (30 %, contre 20 pour Le Pen et 18 pour Macron). Et il faudrait renvoyer toute cette masse d’électeurs vers l’abstention ou le FN en appelant, dès 22h le vendredi soir, et avec le sourire s’il vous plait, à voter Macron ?

On comprend que derrière cette nouvelle campagne médiatique injurieuse, c’est l’avenir du mouvement qui est en jeu. Il s’agit de le tuer dans l’œuf, car il serait bien gênant que la FI récupère 100 sièges de députés, que l’écologie et le partage des richesses s’imposent dans le débat public ou que 7 millions de Francais se retrouvent dans la rue à protester contre les futures lois Macron qui visent à supprimer le droit du travail, à privatiser l’assurance santé et adosser le système de retraite aux cours de bourses, le tout par ordonnance !

Absence de consigne et appel au vote blanc sont deux choses très différentes, mais l’amalgame est bien pratique pour faire passer une fois de plus les Insoumis pour des fascistes en puissance.

À force de les insulter comme le fait Macron au vingt heures de France 2 et en meeting à Arras en disant  « ils valent mieux que ça », peut être qu’ils vont finir par le devenir.

La classe politique au chevet du système

Il est normal que François Fillon et Benoit Hamon appellent à voter pour Emmanuel Macron, puisqu’ils partagent la même plateforme politique. Mais sur le sujet de la démocratie, il nous reste un dernier aspect à traiter : l’attitude du PS.

Depuis la victoire de Benoit Hamon aux primaires, ce dernier n’a eu de cesse de dynamiter la candidature de son champion. Après avoir jugé son programme irréaliste et forcé le principal intéressé à revenir sur sa mesure phare (le revenu universel se transformant en une extension des aides sociales, exactement ce que proposait Manuel Valls), il accepte de se soumettre à la règle des 3 % et de prolonger l’austérité. Plus question de remettre en cause l’Europe, mais au contraire d’en étendre les pouvoirs et la bureaucratie à travers un parlement de la zone euro. Hamon plie sur les deux principales différences avec la plateforme de Manuel Valls, et que fait ce dernier ? Il soutient Macron ! Il n’est pas seul, la plupart des cadres du PS, toute l’aile droite en réalité, le fait. Au lieu de radier ces traîtres du parti comme le commandent les statuts, Cambadélis ferme les yeux, méprisant au passage les deux millions d’électeurs de la primaire, avant de juger la consultation des militants de Mélenchon « irresponsable ».

C’est sur qu’au PS, les militants sont tout juste bons à renflouer les caisses en payant deux euros de participations à des primaires dont le vainqueur est ensuite traîné dans la boue.

L’exemple vient d’en haut, et quand le président de la République qualifie Mélenchon de dictateur avant d’aller lui-même interrompre la campagne en improvisant une allocution solennelle pour faire suite à un fait divers (tragique, mais combien le sont ?) on en arrive à la conclusion logique : nous vivons dans une dictature molle.

La démocratie Francaise à l’agonie

Lorsque la liberté d’opinion est remise en cause, que les médias manipulent l’information, que le pouvoir en place impose ses candidats, quite à faire le jeu du FN, et que les élus (socialistes) bafouent la volonté du peuple à ce point, que reste-il ?

Dans ces conditions, le choix du second tour apparaîtrait presque anodin. Mais nous y reviendrons dans de plus amples détails, très prochainement. 

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Notes et références:

  1. Lire cette analyse (en anglais) publié sur Truthdig
  2. D’après l’économiste Thomas Piketty 
  3. Selon le washington post, l’espérance de vie des américains recul pour la première fois depuis 1993 
  4. http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20160119.OBS3009/l-esperance-de-vie-recule-en-france-pourquoi-cette-baisse-soudaine.html
  5. Lire par exemple cette critique d’Acrimed 
  6. Voir cet article détaillé de Marianne  et ce post de blog, à lire jusqu’au bout  
  7. https://www.bastamag.net/Le-pouvoir-d-influence-delirant-des-dix-milliardaires-qui-possedent-la-presse
  8. https://blogs.mediapart.fr/olivier-tonneau/blog/240217/conjurer-melenchon-par-le-pen-le-jeu-dangereux-de-pujadas-et-sa-clique
  9. Voir cet extrait d’interview de Marine Le Pen dans ce segment du comédien américian John Oliver 
  10. Idem 8.
  11. Lire cet article de Frédéric Lordon, attention, il faut s’accrocher.
  12. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/panique-mediatique-tir-croise-sur-191835
  13. https://jlm2017.fr/2017/04/13/larticle-plus-fache-geopolitique/
  14. Il faut lire ce billet d’Olivier Tonneau qui parle de « flash totalitaire » devant les refus de droit de réponse successifs.
  15. Pour une désintox efficace, cet article d’Olivier Berrurier sera efficace

 


4 réactions au sujet de « La démocratie Francaise à l’agonie »

  1. Cette analyse est pertinente. Ce vote républicain les français en bouffe à chaque élection et se souvenir que c’est Mitterand qui a commencé à jouer les apprentis sorciers pour masquer ses trahisons et assurer sa réélection en manipulant l’extrême droite. J’ai voté Meluch le grand Méchanlon au premier tour mais pour le second tour je ne voterai pas la lessive Macron vendue par « Lesmédias » mais blanc plus blanc que blanc comme disait Coluche! Le vote blanc étant compté je rêve que le candidat Leblanc arrive en tête. Il ne sera pas élui mais quelle légitimité pour celui qui sortira avec beaucoup moins de 40% des inscrits.
    Voila le révélateur d’une démocratie bafouée malade à l’agonie en soin palliatifs .

  2. Bonjour. Egal à vous-même.
    Macron va être élu. Le front National n’a pas assez de réserve de voix pour espérer l’inquiéter. L’enjeu de ce deuxième tour est, me semble-t-il, de persuader le maximum d’électeurs d’apporter leur voix à Macron.
    La question est: aura t-il suffisamment de voix pour être perçu comme  » légitime » ?

  3. Merci infiniment pour cette analyse que je vais m’empresser de faire circuler via gmail, car je hais FB et consort. Il semble que le vote blanc ne soit pas reconnu pour ces présidentielles, contrairement aux autres élections et contrairement aux promesses de Hollande. Du coup le blanc étant du nul, je m’abstiendrai en toute conscience ! Le moindre mal étant toujours le mal, dixit Hannah Arendt, et n’étant pas maso , je ne tiendrai pas le bâton pour nous faire battre ! Continuons à s’insoumettre, où que nous soyons et à quelque niveau que ce soit.

    1. Le blanc est comptabilisé dans les statistiques à présent, et le nul permet d’exprimer un message. Par exemple en écrivant sur un bulletin vierge « Non! ». La signification de l’abstention est plus diffuse, du moins il me semble.

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