12 raisons de manifester le 12 septembre

12 raisons de manifester le 12 septembre

Les syndicats CGT et Sud Solidaire et la France Insoumise appellent à manifester contre les ordonnances sur la loi travail « XXL » le 12 septembre.

Voici douze raisons de répondre présent.

1) Les ordonnances sont absurdes et ne feront pas reculer le chômage

Comme nous l’avons démontré en détail ici, la réforme du Code du travail ne permettra pas de créer des emplois. Le Medef l’a reconnu publiquement, tout comme Édouard Philippe et le directeur du think tank libéral Génération Libre, Gaspar Koenig. Pire, selon une enquête de l’INSEE réalisée sur dix mille chefs d’entreprises, les patrons ne considèrent pas que le Code du travail soit un frein à l’embauche, dixit le journal Les Échos.

En clair, cette loi ne permettra pas de faire reculer le chômage. « C’est pas une baguette magique qui réduit le chômage » disait la ministre du travail sur France Inter le 1er septembre.

2) Les ordonnances de la loi travail organisent la fin du CDI

Même si le contrat à durée indéterminée continue officiellement d’exister, dans les faits les facilités de licenciement introduites par les ordonnances le rendent caduc. De plus, elles vont permettre d’étendre les CDD jusqu’à cinq ans et mettent en place un nouveau contrat, le contrat chantier, qui équivaut à un CDD sans primes de précarité !

Si vous travaillez pour une entreprise multinationale (française ou étrangère), les licenciements économiques seront justifiables dès que la filiale française sera déficitaire (ce qui fut le cas pour le pétrolier Total, première entreprise française, pendant plusieurs années). Les grandes banques et sociétés pourront également générer des bilans négatifs par simple écriture comptable, comme Macdonald le fait depuis des années.

3) Les ordonnances de la loi travail organisent la baisse généralisée des salaires

Notons d’abord que c’est le but recherché, améliorer la compétitivité en réduisant le coût du travail.

Ainsi, grâce aux ordonnances, les entreprises vont pouvoir directement négocier la baisse voire la suppression de toutes les primes (y compris le 13e mois). Si vous travaillez dans une PME/TPE, le référendum patronal permettra d’imposer une coupe de salaire sèche sans votre accord. Rien que ça. Le niveau de rémunération des heures supplémentaires et le temps de travail seront également sujets à la discussion dans les entreprises.

Même si vous n’êtes pas directement concerné, la baisse des salaires du privé peut avoir des effets négatifs insoupçonnés sur votre propre situation (pour commencer, cela va créer un déficit dans les caisses de la sécu par simple effet macroéconomique en réduisant proportionnellement les cotisations).

4) Les ordonnances de la loi travail affaiblissent les syndicats

Les syndicats ne servent peut être plus à grand-chose, mais on leur doit tout de même beaucoup, et une fois qu’ils seront devenus insignifiants, il n’y aura plus personnes pour défendre le système des retraites ou l’assurance maladie…

5) Les ordonnances de la loi travail nuisent à l’entrepreneuriat et à la productivité

Comme l’expliquent très bien l’économiste Jacques Sapir et les dix mille chefs d’entreprises interrogés par l’INSEE, la chose la plus importante pour un entrepreneur c’est la visibilité et la stabilité. Or, avec les ordonnances et la négociation par branche et par entreprise, tout change tout le temps. C’est la course au moins disant, à la réduction des coûts du travail et, de fait, une concurrence impossible à évaluer. Une très mauvaise chose pour les entrepreneurs qui vont devoir se différencier sur les coûts salariaux au lieu de se battre à armes égales pour faire de la qualité et de l’innovation. Selon l’économiste Thomas Piketty, la productivité devrait en pâtir.

6) Les ordonnances de la loi travail poussent au dumping social

Imaginez que vous êtes un patron d’une PME fournissant une grande entreprise. Celle-ci peut exiger de vous une baisse de vos coûts salariaux.

Imaginez que vous êtes patron d’une PME et que vos principaux concurrents produisent 10 % moins chère grâce à un accord salarial ayant baissé les salaires ou réduit les primes. Vous voilà forcé de vous aligner pour rester « compétitif ».

À la fin, on arrive à une baisse généralisée des salaires, une dégradation des horaires de travail et un sacré foutoir. Cet encouragement à la réduction des coûts à un nom : le dumping social.

Apparemment, la concurrence déloyale des travailleurs détachés et des pays de l’UE à bas salaires (que dénonce Emmanuel Macron) n’était pas suffisante.

7) Les ordonnances de la loi travail organisent la précarisation de l’emploi

Les termes du CDD seront négociés par branches (potentiellement 700 contrats différents), un contrat « chantier » s’ajoute aux CDI et CDD en laissant de côté les avantages de chacun (fini les primes de précarités, mais possibilité de perdre son contrat à tout moment) et les horaires et conditions de travail seront négociables dans les entreprises. Bienvenue dans un monde instable, et bon courage pour faire des projets de longs termes.

8) Les ordonnances de la loi travail ne sont que le début de la remise en cause du modèle social

Selon Emmanuel Macron et sa ministre du travail, madame Pénicaut, la flexibilisation du marché du travail ne fonctionnera que si les autres réformes prévues sont également adoptées. À savoir : la baisse du SMIC, la réforme de l’assurance chômage (baisse des allocations et obligation d’accepter la seconde offre d’emploi, conformément au programme d’Emmanuel Macron) et la réforme des retraites (chacun cotisera de son côté, comme aux USA).

Donc nous aurons bientôt une baisse généralisée des salaires qui sera d’autant plus difficile à refuser dans les « négociations » que l’assurance chômage ne permettra plus de protéger efficacement d’un licenciement qui sera, lui, largement facilité.

Pour vous convaincre de l’aspect néfaste de cette logique, lisez « dans l’enfer du rêve allemand » (Le Monde diplomatique) qui fait le point sur une société ou 22 % des travailleurs gagnent moins que le seuil de pauvreté.

9) L’enjeu va au-delà du Code du travail

Si la mobilisation est forte, le gouvernement reculera peut-être sur certains dossiers. Si elle est faible, Emmanuel Macron disposera d’un boulevard pour réformer les retraites, le SMIC, l’assurance maladie, les services publics (la privatisation de la SNCF est déjà annoncée), etc.

La réforme du travail est probablement la plus grosse pilule à faire avaler, car elle concerne un groupe très important de gens et ne contient aucune contrepartie pour les travailleurs. Si elle passe sans encombre, le reste des réformes devraient pouvoir être mis en place selon la technique de la grenouille (on vous cuit à petit feu et lorsque l’eau bout il est trop tard), avec au bout un modèle à l’Allemande, mais sans les avantages d’une industrie toute puissante et avec tous les inconvénients d’une société précarisée (travailleurs pauvres, explosion des inégalités, baisse de la productivité).  

10) Les policiers membres du syndicat CGT police vont manifester en tête de cortège

Ce n’est pas souvent que l’on voit des CRS marcher avec les manifestants, à ne pas rater !

11) Le gouvernement a commandé 22 millions d’euros de grenades explosives et lacrymogènes.

Ça serait dommage que tout cet arsenal reste dans les tiroirs… Luttons contre le gaspillage !

12) Emmanuel Macron vous traite de fainéants !

Et depuis la Grèce en plus, le fourbe. Jamais un président français n’a autant dit du mal de son propre peuple devant des dirigeants étrangers.

À vous de lui montrer que vous avez suffisamment d’énergie et de cynisme pour aller remplir les rues de votre ville.

Pour aller plus loin :

Politicoboy : de l’absurdité de la loi travail

Le monde diplomatique : Dans l’enfer du rêve allemand

Bastamag : interview de Philippe Martinez, « une attaque contre le monde du travail et les chômeurs »

Bastamag : La baisse des indemnités prud’homales combinées au plafonnement encourage le licenciement abusif

Médiapart : Loi travail : ce que le gouvernement fait aux salariés

Romaric Godin : la magie des réformes structurelles peut-elle fonctionner ?

Chefdentreprise.com : Ce que permettent les ordonnances pour les TPE/PME 

L’humanité : Decryptage des ordonnances, le Code du travail en lambeaux 

Les Échos : dossier loi travail, ce qui va changer 


3 réactions au sujet de « 12 raisons de manifester le 12 septembre »

  1. Toujours le même plaisir à vous lire, aux 12 raisons que vous donnez pour manifester, j’en ajouterai 29 597 depuis 1936… mais je crois qu’il faut encore remonter plus loin dans le temps pour prendre en compte le combat du peuple contre l’indignité capitaliste.
    J’ai vu quelques jolies banderoles et en particulier celle-ci « Celui qui sème la misère récolte la tempête ». Est-il temps ?
    Bien à vous,

  2. Lu dans le Monde diplomatique à propos de la vision des syndicats allemands sur le « projet » de notre président:
    À l’heure où, en France, on s’interroge sur la possibilité de faire obstacle aux ardeurs réformatrices de M. Macron, de nombreux syndicalistes allemands retiennent leur souffle. « Les réformes Macron nous inquiètent énormément, car elles risquent de tirer les salaires vers le bas et de faire tache d’huile chez nous », lâche M. Dierk Hirschel, un dirigeant de Ver.di. « Pour nous, la France était exemplaire à bien des égards, ajoute son collègue Ralf Krämer. L’évolution actuelle nous paraît tragique. On espère que les syndicats français ne répéteront pas nos erreurs et sauront se montrer plus offensifs que nous ne l’avons été. »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *