Législatives: bilan du second tour

Législatives: bilan du second tour

Il fallait voir se débattre la journaliste Natacha Polony et l’économiste Thomas Porchet au milieu du plateau de France 2, garni d’éditorialistes extatiques, pour réaliser le fossé qui sépare le monde réel de la classe politico médiatique. Cette dernière semblait déterminée à repeindre en triomphe ce qui s’apparente à une claque historique pour le gouvernement Macron.

1) Abstention record

En plus du record absolu de bulletins blancs et nuls (près de 2 millions), 57,5 % des inscrits ne se sont pas allés voter. Ce niveau de non-participation sans commune mesure historique dépasse le taux d’abstention record du premier tour. Il s’explique par deux phénomènes distincts.

Premièrement, comme au premier tour, on observe une baisse notable de la participation de la jeunesse et des classes moyennes et populaires, qui jugeaient l’élection jouée d’avance. Dans ces catégories, l’abstention atteint des taux de 70%. Ce premier aspect en dit long sur la nature de nos institutions, ainsi que le rôle de la presse et des sondages qui véhiculent depuis des semaines l’idée que tout serait plié d’avance. 

En second lieu, on peut expliquer ce record d’abstention par la présence, dans de nombreuses circonscriptions, de faux duels entre deux candidats se revendiquant de la majorité présidentielle. On citera par exemple le 18e arrondissement de Paris ou Myriam El Khomri (PS – Soutenu par Emmanuel Macron) perd face à Pierre-Yves Bournazel (LR- soutenu par le Premier ministre Édouard Philippe).

Le simple fait que trois partis politiques (LR, PS et LREM) se revendiquent de la même majorité présidentielle, et que l’élection théoriquement la plus importante des cinq prochaines années se solde par une abstention record témoigne de la crise démocratique qui saisit le pays.

2) Crise démocratique

La majorité présidentielle ne totalise que sept millions de suffrages, un tiers de moins que François Hollande en 2012. Le Front National a recueilli onze millions de voix au second tour de l’élection présidentielle et termine avec sept députés. La France Insoumise de Mélenchon s’octroyait près de vingt pour cent des suffrages au premier tour et termine avec 3% des sièges. Dit autrement, 47% des électeurs sont représenté par 4% des députés à l’Assemblée nationale. De là à voir un lien avec l’abstention record…

3) Les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron

En Marche remporte une majorité absolue, sans le MoDem. Un dénouement qu’Emmanuel Macron lui-même qualifiait de « hold up » pendant la campagne présidentielle. Bien que sa légitimité soit remise en question par une abstention sans précédent, bien que la France Insoumise soit parvenue à former un groupe d’opposition, bien que LR remporte plus de sièges que prévu, les faits sont là : Emmanuel Macron dispose des « pleins pouvoirs ». En plus de sa majorité issue d’En Marche, il va bénéficier du soutien de la plupart des députés LR et PS. Une hégémonie sans précédent sous la cinquième république.

4) La droite conservatrice résiste

Dans un scrutin où les jeunes et les classes populaires désertent les urnes, LR sauve les meubles en s’appuyant sur ce qui fait sa force : un électorat âgé et sédentaire, qui vote de manière consistante et sans se poser de question. Là où la jeunesse est souvent mal inscrite, doit recourir à des procurations ou se retrouve en incapacité de voter suite aux contraintes géographiques, les retraités qui avaient voté à plus de 40% pour François Fillon répondent présents.

5) Le pari réussi de la France Insoumise

Parvenir à constituer un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale semblait la moindre des choses pour une formation qui ambitionnait d’imposer une cohabitation au président. Mais, compte tenu des résultats du premier tour, le bilan est positif pour la gauche alternative. En clair, si les Français se sont abstenus davantage encore qu’au premier tour, les électeurs de la France Insoumise (mais également de manière générale des forces opposées à En Marche) se sont mobilisés suffisamment pour assurer un minimum de sièges à leur parti. Bien sûr, une vraie mobilisation aurait pu avoir des conséquences bien plus impressionnantes, mais néanmoins on peut parler de pari réussi pour Jean-Luc Mélenchon qui, en dépit d’un front anti insoumis, parvient à s’installer comme la première force d’opposition à l’assemblée. Le PCF devra s’allier pour constituer un groupe, tandis qu’EELV disparaît du paysage avec un seul député élu.

Conclusion

La large victoire d’En Marche représente une profonde illusion. Entre les millions de Français mal inscrits, les 57% qui ne sont pas allés voter et l’écrasante majorité qui se dit défavorable aux reformes structurelles et à la perte de liberté individuelle résultant de la pérennisation de l’état d’urgence, Emmanuel Macron va devoir faire face à une société hostile à son projet. Depuis son petit groupe parlementaire, Jean-Luc Mélenchon peut espérer catalyser la contestation sociale. À moins que le niveau d’abstention ne témoigne avant tout d’une profonde lassitude pour la politique.


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