House of cards: comprendre le système politique américain
Le 4 novembre 2018 se tiendra ce que de nombreux observateurs présentent comme l’élection la plus importante de l’histoire des États-Unis. L’ensemble des Américains sera appelé aux urnes pour les traditionnelles « midterms », ou élections de mi-mandat. Les enjeux sont cruciaux, car il s’agit du premier suffrage national faisant suite à la victoire surprise de Donald Trump. Le parti républicain remet sa majorité en jeu, avec en ligne de mire la possibilité pour les démocrates de destituer le président des États-Unis.
Pour comprendre toutes les implications, il est important de saisir le fonctionnement des institutions américaines. Cet article d’introduction aux « midterms » se focalisera donc sur cet aspect, en s’efforçant de détailler de façon précise et simple les points clés de la démocratie américaine. Il servira d’appui pour les articles à venir. Au-delà de la simple description, nous verrons en quoi les institutions américaines tendent mécaniquement à favoriser les conservateurs au détriment du parti Démocrate.
1) USA : une démocratie à deux étages : le fédéral et les États
Les États-Unis sont organisés en république parlementaire fédérale, et à ce titre, répartissent le pouvoir politique en deux échelons distincts.
Le pouvoir fédéral représente l’État américain au sens de l’Union. Il est divisé en trois pôles séparés : exécutif (le président des États-Unis, actuellement Donald Trump), législatif (le Congrès, dont la majorité est actuellement détenue par le parti républicain dans les deux chambres) et le judiciaire (dirigé par la Cour suprême de justice, actuellement à majorité républicaine).
Cette séparation des pouvoirs se retrouve à l’échelon « local » des 50 États membres de l’Union. Chaque État dispose de sa propre Constitution, mais la structure reste globalement identique : un pouvoir exécutif détenu par le gouverneur de l’État, un pouvoir législatif détenu par un parlement (appelé Congrès de l’État X) et un pouvoir judiciaire lui-même chapeauté par une Cour suprême de justice.
Les États sont souverains en matière d’impôts (en particulier, la TVA et les impôts locaux), de police, de justice et de législatif. Tant que les lois locales ne sont pas contraires à la Constitution des USA, elles peuvent aller à l’encontre du pouvoir fédéral. Ce qui explique pourquoi, par exemple, le commerce de cannabis est entièrement légal dans neufs États, alors qu’il est strictement illégal du point de vue fédéral.
Les États peuvent donc, sur certains points, mettre en échec le gouvernement fédéral. Du temps d’Obama, de nombreux États sous contrôle républicain ont mis en place sa réforme de la santé dite « Obamacare » a minima, contribuant ainsi à son échec relatif. De même, de nombreux États sous contrôle démocrate ont engagé un bras de fer avec Donald Trump sur les questions de l’immigration et du climat.
Enfin, les États contrôlent le découpage géographique des circonscriptions qui élisent les représentants au Congrès fédéral des États-Unis. On peut donc, dans un sens, considérer que le pouvoir politique se construit d’abord à l’échelle locale. Nous reviendrons sur ce point plus en détail par la suite. Pour l’instant, gardons à l’esprit qu’en dépit de son importance incontestable et de son autonomie relative, le pouvoir local reste néanmoins soumis au pouvoir fédéral qui le chapeaute.
2) Le pouvoir fédéral : fonctionnement des institutions américaines
Chaque État dispose d’une certaine autonomie budgétaire et législative, mais l’essentiel du pouvoir se concentre malgré tout à Washington DC. L’État fédéral gère seul les questions de politique étrangère (y compris commerciale), contrôle l’armée, les services secrets (CIA, NSA, FBI…) et dispose d’un budget alimenté par un impôt fédéral largement supérieur aux budgets de chaque État.
Le pouvoir fédéral se divise donc en trois branches, dont nous allons détailler brièvement le fonctionnement, par ordre d’importance.
a) Le judiciaire et la Cour Suprême de Justice
Le pouvoir judiciaire demeure le principal pôle de pouvoir américain, car c’est lui qui valide la constitutionnalité des lois, et oriente ainsi de façon déterminante la politique du pays. Il se compose de trois niveaux hiérarchiques : les Cours de justice fédérale (au nombre de 94) aux prérogatives et juridictions particulières, les Cours d’appel, et au sommet, la Cour suprême de Justice, dont les décisions ont valeur constitutionnelle.
Les juges de chaque Cour sont nommés par l’exécutif (le président des États-Unis), nominations qui doivent aussi être approuvées par le Sénat. Par le passé, une majorité aux deux tiers était nécessaire (60 voix sur 100), mais désormais une majorité simple (51 voix sur 100) est suffisante.
La Cour suprême est composée de 9 juges nommés à vie. Elle a la responsabilité ultime de statuer sur la constitutionnalité des lois et décisions de justice par un vote collégial.
Parce qu’elle fonctionne sur le principe du droit anglo-saxon (Common Law, qui repose sur la jurisprudence), ses décisions sont présentées sous la forme d’un procès. Parmi les décisions les plus cruciales, on notera :
- United States vs Nixon (interdit au président de la République d’entraver la justice, ce qui conduisit à sa démission, 1974)
- Buckley vs Valeo (supprime la limite au montant autorisé pour le financement des campagnes politiques, 1976)
- George Bush vs Al Gore (George Bush est nommé président des États-Unis, 2000)
- Citizens United vs Federal Election Commission (les entreprises privées et syndicats ont le droit de financer directement et sans limites les campagnes politiques, 2010)
Le contrôle de la Cour suprême est donc crucial. Par exemple, la loi emblématique de Barack Obama, l’Affordable Care act (plus connue sous son surnom Obamacare) fut jugée constitutionnelle à 6 voix contre 3. Si les juges ne sont pas nécessairement alignés politiquement et peuvent voter contre l’avis du parti politique qui les a instaurés, ils sont généralement fidèles à leur camp dans les décisions les plus politiques. Après avoir remplacé un poste de juge vacant en 2017, Donald Trump vit son décret anti immigrant musulman (travel ban) confirmé par la Cour suprême par une décision 5 voix contre 4, en appel d’une décision négative rendue par plusieurs Cours fédérales.
Une décision passée peut également être rendue caduque par un jugement ultérieur. Au cours de la campagne de 2016, Trump avait ainsi promis de renverser la décision Roe vs Wade qui constitutionnalise le droit à l’avortement.
b) L’exécutif : le président des États-Unis et son administration
Certains argumenteront que le Congrès détient plus de pouvoir que le président, car ce dernier ne peut pas faire grand-chose sans une majorité au Congrès et ne dispose d’aucune autorité sur les parlementaires, alors que le Congrès a le pouvoir de destituer le président.
Dans les faits, le président de la République demeure chef des armées, conduit la politique étrangère, propose les lois, dispose d’un pouvoir de véto sur les textes de loi proposés par le Congrès et dispose d’une certaine marge de manœuvre grâce à deux leviers puissants : le budget fédéral et les décrets présidentiels (executive orders).
Le budget fédéral, voté par le Congrès, est géré par les différentes agences et départements (ministères). Cela confère une certaine marge de manœuvre au président et à son administration.
Le président peut également avoir recours aux décrets présidentiels (executive orders), mais uniquement si ces décrets s’inscrivent dans le cadre législatif existant et n’impactent pas le budget fédéral. Par exemple, Donald Trump ne peut pas utiliser la voie des décrets présidentiels pour promulguer la dérégulation bancaire, abroger la réforme de santé Obamacare ou mettre en place des baisses d’impôts. Il peut, par contre, autoriser la construction d’un pipeline traversant plusieurs Etats, interdire d’accès au sol américain les ressortissants d’un pays à majorité musulmane, autoriser les forages pétroliers dans des réserves naturelles, etc.
Enfin, le président attribue un nombre important de postes clés : le vice-président, les ministres, les juges fédéraux et juges de la Cour suprême (uniquement si un juge en poste démissionne ou décède), les directeurs des agences fédérales (FBI, CIA, agence de l’environnement…) et le procureur général (équivalent de notre garde des Sceaux). Chaque nomination doit cependant être approuvée par le Sénat, en règle générale à la majorité des deux tiers (60 voix sur 100).
Élection du président des États-Unis : le collège électoral
Le président américain est élu pour quatre ans au suffrage direct, mais selon un système particulier appelé « collège électoral ». Chaque État fournit un certain nombre de « délégués », proportionnellement à sa population, et tous les délégués de l’État doivent voter unanimement pour le candidat ayant remporté la majorité relative des suffrages dans cet État. En clair, si Donald Trump fait 45 % au Texas, Hillary Clinton 40 % et les petits candidats 15 %, alors Trump récupère l’ensemble des votes des 27 délégués de l’État. La présidentielle est remportée par le candidat ayant obtenu la majorité des délégués (270 au minimum), et non pas la majorité des suffrages nationaux, ni le plus grand nombre d’États. Historiquement, cinq présidents ont remporté la Maison-Blanche en perdant le vote populaire, les deux derniers étant George W. Bush et… Donald Trump.
c) Le pouvoir législatif : le Congrès des États-Unis
Le Congrès se divise en deux chambres aux pouvoirs quasi équivalents. Le Sénat (chambre haute), et la Chambre des Représentants (House of Representatives – chambre basse). Les lois sont écrites, amendées et votées par les deux chambres au cours d’un processus d’aller-retour entre les deux assemblées, avant de les présenter au président des États-Unis pour recevoir sa signature (ou son véto). Le Congrès vote également le budget fédéral.
Le Sénat comporte 100 sénateurs élus pour six ans (deux par État). Chaque sénateur est élu par la totalité des électeurs de l’État qu’il représente, et le Sénat est renouvelé au ⅓ tous les deux ans.
Outre son rôle législatif, le Sénat dispose de pouvoirs exclusifs : il approuve les nominations des membres de l’exécutif et du judiciaire proposées par le président de la République, valide les traités internationaux et conduit les procès en cas de procédure de destitution.
Dans la plupart des cas, le Sénat doit réunir une majorité de 60 voix pour approuver un texte de loi, une procédure de destitution ou un traité international. Il existe deux exceptions : les juges fédéraux sont désormais approuvés à la simple majorité, et les lois dont les prérogatives n’impactent pas le budget fédéral précédemment voté peuvent également être approuvées par une simple majorité. En cas d’égalité parfaite (50 voix pour, 50 voix contre), le vice-président des États-Unis arbitre en faveur d’un camp.
La Chambre des représentants (House of représentatives) comporte 435 députés élus pour deux ans. Chaque élu représente une circonscription dont le contour est redessiné tous les 8 ans sur critères démographiques, mais dont le périmètre s’inscrit nécessairement à l’intérieur d’un État précis. En théorie, chaque député représente le même nombre d’électeurs. En pratique, le nombre diffère légèrement selon les États. La Californie dispose de 53 représentants (1 pour sept cent mille électeurs), contre un seul pour le Delaware (1 pour neuf cent mille électeurs).
La chambre des représentants est généralement à l’initiative des lois. Elle dispose également de pouvoirs exclusifs de nature judiciaire : elle peut mener des commissions d’enquête, émettre des ordres de comparution devant une cour de justice (subponea) et enclencher une procédure de destitution d’un juge ou d’un membre de l’exécutif, y compris du président de la République. Chacune de ses décisions est prise à la majorité simple (217 voix sur 435).
3) Contre-pouvoirs, capacité de blocage et fonctionnement des institutions
Le Congrès se trouve au centre du dispositif politique. Il approuve les nominations du président de la République, rédige et vote les lois que ce dernier souhaite appliquer, vote le budget fédéral, et dispose du pouvoir de destitution des juges fédéraux, des ministres et du président de la République. Il est entièrement indépendant de l’exécutif, bien que la réélection des membres d’un parti dépende, entre autres, de la popularité du président en place. S’opposer à un président populaire ou défendre un président impopulaire peut donc s’avérer risqué pour les congressmen.
Le parti politique majoritaire dans une des deux chambres du congrès dispose d’une capacité totale de blocage législative. Et, dans le cas du Sénat, 41 sièges sur 100 peuvent suffire à bloquer la plupart des textes et nominations. Enfin, il existe parfois des dissensions à l’intérieur des deux principaux partis, en particulier à la chambre des représentants qui peut s’organiser en groupe parlementaire (appelé caucus) et, en adoptant des disciplines de votes propres, influencer les textes ou bloquer les lois proposées par leur propre majorité.
Chaque parti dispose d’un porte-parole au sein de chaque chambre, censé conduire la stratégie du groupe. Le chef du parti majoritaire est appelé speaker of the house pour la chambre des représentants et Majority leader pour le sénat. Le parti minoritaire dispose d’un House minority leader et Senate minority leader dans chaque chambre. Les adjoints aux chefs de groupe sont appelés Whip (c’est le rôle tenu par Frank Underwood au début de la série House of Cards). Leur principale responsabilité est d’organiser la discipline de vote.
Le président des USA conduit l’exécutif, propose des lois et nomme les juges fédéraux. S’il est minoritaire face au Congrès, il dispose d’un droit de véto pour bloquer les lois. Obama utilisa ce droit quarante fois pour empêcher le parti républicain d’abroger sa réforme de la santé.
Le pouvoir judiciaire, lui, contrôle la constitutionnalité des lois et décrets présidentiels. Parce qu’ils ne sont pas élus, mais nommés à vie, la nomination des juges de la Cour suprême représente un enjeu majeur de la politique américaine.
4) Le système électoral aux États-Unis : force et faiblesse
La principale spécificité des élections américaines est qu’elles ont pratiquement toutes lieu le même jour et sont décidées en un seul tour, au suffrage direct.
Il existe des exceptions, mais la vie démocratique s’oriente essentiellement autour de deux élections : la présidentielle et les midterms (mi-mandat), qui alternent tous les deux ans.
L’élection présidentielle a lieu tous les quatre ans. Outre l’élection du président des États-Unis (à travers le système indirect de collège électoral décrit plus haut), les Américains votent pour leurs représentants à la chambre du Congrès, leurs sénateurs (s’ils habitent dans un État faisant partie du tiers de sièges mis en jeu), leurs gouverneurs (élus pour quatre ans, mais dont les élections sont réparties entre présidentielle et midterm), et les sièges du congrès de leur propre État (qui sont eux-mêmes divisés en deux chambres distinctes, dans la plupart des cas). Les Américains votent également à de nombreux scrutins locaux (juges, procureurs, shérifs, conseillers du comté…) et se prononcent sur certains référendums locaux (comme la légalisation du cannabis).
Voter le jour d’une élection est donc une longue procédure, avec d’innombrables scrutins réunis sur un seul bulletin.
Les midterms, ou élection de mi-mandat ont également lieu tous les quatre ans. Les principaux enjeux sont le renouvellement de la chambre des représentants, du tiers du sénat, l’élection de certains gouverneurs et les scrutins et référendums locaux.
Ces élections ont lieu le premier mardi de novembre, pour des raisons historiques assez folkloriques. Le dimanche étant le jour du Seigneur, et le lundi étant autrefois nécessaire pour faire le déplacement à pied ou à cheval jusqu’au bureau de vote, on a institué le mardi comme jour de vote. Ce qui, aujourd’hui, représente un réel problème démocratique, les électeurs les plus pauvres ne pouvant pas nécessairement se permettre de s’absenter de leur travail le jour du vote.
Par ailleurs, le fait que ces élections soient toutes à un seul tour pousse au bipartisme et rend difficile les candidatures alternatives.
5) Les partis politiques et le bipartisme aux États-Unis
Historiquement, la constitution des États-Unis fut écrite pour un système politique à parti unique, ou plus exactement sans parti clairement constitué. Au fur et à mesure de l’Histoire, des divisions sont apparues au point de donner naissance aux deux principaux partis actuels : le parti démocrate (centre droit) et le parti républicain (droite conservatrice).
Ce bipartisme rend la gouvernance compliquée, car les institutions sont conçues pour encourager le compromis et la politique bipartisane, alors que l’élection de présidents particulièrement clivants (en particulier, Georges Bush, Barack Obama et Donald Trump) a poussé les partis minoritaires à user au maximum de leur capacité de blocage.
Le bipartisme combiné à l’élection à un seul tour verrouille l’offre politique. Un camp qui présente deux candidats est assuré de perdre, mais le choix d’une offre unique oblige les Américains à voter par défaut, et entraîne un taux de participation extrêmement faible (57 % aux dernières présidentielles !).
Pour compenser ce problème, les élections majeures sont précédées de primaires, où chaque citoyen qui s’enregistre sur les listes électorales en tant que « démocrate » ou « républicain » peut ensuite voter à la primaire du parti concerné.
C’est via les primaires que les candidats plus marqués tentent d’imposer un changement de cap politique à leur parti. Le Tea Party a ainsi débordé la droite du parti républicain sous Obama, et s’est peu à peu imposé comme une force incontournable disposant d’une cinquantaine d’élus à la chambre des représentants, capables de tirer la politique vers l’extrême droite grâce à une discipline de groupe tenant parfois du chantage.
À gauche, les socialistes tels que Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez sont en train d’imposer un agenda politique bien plus progressiste à l’establishment démocrate, traditionnellement néolibéral et favorable aux intérêts de Wall Street. Les midterms seront l’occasion d’observer à quel point les progressistes réussiront à s’imposer face aux démocrates traditionnels.
6) Restriction au droit de vote et gerrymandering
On ne pouvait pas terminer cet aperçu sans évoquer les deux principaux problèmes actuels de la démocratie américaine : la restriction du vote et le gerrymandering. Vous trouverez plus de détails dans notre article traitant de la démocratie aux USA, mais on retiendra que :
- Les efforts de restriction du vote visent à réduire l’accès aux bureaux de vote de certaines populations (en majorité les Noirs, les Hispaniques et les pauvres) à travers différents mécanismes ayant trait à la loi électorale propre à chaque État : réduction du nombre de bureaux de vote dans les quartiers ciblés, obligation de justifier de pièces d’identité supplémentaires difficiles à obtenir pour certaines populations, radiation des listes électorales, limitation d’accès au vote par procuration, etc.
- Le gerrymandering consiste à dessiner les circonscriptions en croisant les données démographiques et électorales pour favoriser un parti politique, soit en diluant le vote hostile sur plusieurs circonscriptions, soit en concentrant le vote hostile dans une seule circonscription.
En théorie, les deux partis politiques peuvent avoir recours à ces techniques. En réalité, elles sont surtout efficaces pour cibler les populations pauvres et de couleur (qui votent majoritairement démocrate).
Le parti républicain a été condamné par les Cours suprêmes de plusieurs États pour son gerrymandering (effectué avec « une précision chirurgicale ») et ses lois entravant le droit de vote.
Mais dans de nombreux États où le parti républicain contrôle le siège de Gouverneur, le Congrès et la majorité des sièges de la Cour suprême, ces pratiques sont restées impunies. On estime que près de 3 millions d’électeurs n’ont pas pu voter en 2016, et que 15 à 30 sièges sur les 217 nécessaires pour disposer d’une majorité à la Chambre des représentants sont automatiquement acquis au parti républicain par ce jeu de « découpage électoral partisan ».
Sous Barack Obama, le parti Démocrate s’est tiré une véritable balle dans le pied en délaissant la conquête du pouvoir au niveau local.
Conclusion
Les institutions américaines offrent un système complexe de contre-pouvoirs qui permet, en théorie, d’éviter les abus.
Mais en pratique, ces institutions avantagent largement le parti républicain. Le système du Collège Électoral utilisé pour la présidentielle concentre l’enjeu du scrutin dans quelques États clés (les swings states) et a permis aux deux présidents les moins populaires de l’histoire récente (George W. Bush et Donald Trump) de s’imposer malgré des déficits de voix conséquents.
Avec sa règle de deux sénateurs par État, le Sénat donne autant de poids aux États ruraux présentant moins d’un million d’habitants, et traditionnellement conservateurs, qu’aux grands États urbains à forte population habituellement plus progressistes. Ainsi, la Californie et l’État de New York cumulent 60 millions d’habitants qui votent à plus de 65 % démocrate, mais qui disposent « seulement » de quatre sénateurs. Soit autant que l’Alaska et le Dakota du Nord, qui, eux, totalisent moins de deux millions d’habitants. En combinant les États pro Républicain les moins peuplés, on obtient 40 sièges de sénateurs pour 60 millions d’habitants. Alors que parmi les 5 États les plus peuplés, qui représentent un tiers des Américains, seul le Texas est majoritairement républicain.
Enfin, les stratégies de gerrymandering donneraient un avantage de 15 à 30 sièges au parti républicain à la chambre des représentants.
À cela s’ajoutent les efforts exponentiels d’entrave au vote des classes populaires et minorités ethniques (traditionnellement plutôt démocrates) et « l’éléphant dans le salon » que représente le système de financement des campagnes.
En effet, deux décisions de la Cour suprême de Justice ont abouti à la mise en place d’un vaste système de corruption légal, les entreprises pouvant désormais dépenser des sommes illimitées pour des spots publicitaires en faveur de « leurs » candidats, en plus des traditionnels dons directs aux financements de campagne. Les frères Koch, deux milliardaires disposant d’une fortune combinée de 80 milliards de dollars, vont dépenser à eux seuls 400 millions de dollars pour la prochaine élection, uniquement en faveur de candidats ultras-libéraux et climatosceptiques.
Ainsi, une étude de l’université de Princeton comparant 1781 enquêtes d’opinion enregistrées depuis trente ans avec les politiques menées, conclut que ce sont les groupes industriels et les intérêts privés des « ultras riches » qui pilotent les grandes orientations politiques, et non pas la majorité des électeurs américains.
Pour plus d’information sur ces problématiques, nous vous recommandons de lire notre article traitant particulièrement de ce sujet.
***
Cet article est le premier d’une série consacrée aux élections de mi-mandat américaines (midterms). Vous pouvez-nous soutenir symboliquement en nous suivant sur Facebook et Twitter.
À venir :
- Les enjeux des élections.
- Les prédictions des élections.
- Reportage au Texas, où un candidat démocrate pourrait créer la surprise.
Sources :
- La plupart des sources utilisées pour la partie analytique et critique sont listées dans notre article sur la démocratie américaine et/ou sont insérées en lien hypertexte
- Sur la question de la restriction au droit de vote, on recommande la lecture de cet article de FranceInfo.
- Sur la question du financement des partis politiques et de l’action des frères Koch, cette enquête de Médiapart vaut le détour.
- Le fonctionnement des institutions et les parties descriptives ont été vérifiés en croisant les principaux articles de Wikipédia (en Anglais) avec les sites américains .gov dédiés aux institutions en question. Il existe de nombreuses subtilités qui ne sont pas détaillées dans cet article. Les principaux pouvoirs et contre-pouvoirs sont pour autant tous détaillés.
- Vox.com, sur la procédure l’impeachment du président de la République
- Les principales décisions de la Cour suprême : https://citizenstakeaction.org/supreme-court-decisions/
3 réactions au sujet de « House of cards: comprendre le système politique américain »
Superbe travail de vulgarisation, merci.
Je vous contacte par courriel à l’instant!
Super article, clair et très bien construit, merci beaucoup !
Superbe explication, je souhaitais commencer la série House of cards mais je me suis bien rendue compte au bout des 20 premières minutes qu’il me fallait connaitre un peu mieux le système politique des États-Unis.
C’était très complet et très clair. Merci