Bilan 2017, perspectives 2018 et meilleurs voeux
2017 marquera nécessairement les esprits. La prise de fonction de Donald Trump et l’arrivée au pouvoir de « l’ancien monde » en France entrainent de profonds bouleversements dont il est parfois difficile de saisir toute l’ampleur.
Au fil de ce blog, nous nous sommes efforcés d’alerter sur les dérives et les dangers des décisions politiques, d’expliquer et de critiquer les grandes orientations du pouvoir. Pourtant, au-delà du simple bonheur « d’être toujours en vie », l’année qui s’achève est également porteuse d’espoir pour celle qui commence.
1) Ce qu’il faut retenir de l’année 2017
Du point de vue « progressiste », 2017 fut l’année de toutes les catastrophes.
Climat : la planète en sursis
Le réchauffement climatique mériterait d’être rebaptisé « catastrophe climatique », tant ses effets se font violement ressentir. Non content d’avoir provoqué la guerre en Syrie et l’avènement de Daesch (1), le changement climatique frappe l’Europe de multiples façons. En France, les incendies de forêts constituent l’élément le plus visible, mais masquent l’impact sur l’agriculture et les vignobles. (2) Aux Etats-Unis, la situation a pris des airs d’apocalypse. Nous avons personnellement pu apprécier la violence de l’ouragan Harvey et ses deux cent milliards de dollars de dégâts physiques (3), auxquels il faut ajouter des dizaines de milliers de vies brisées. La Californie a vécu en état de siège face aux feux de forêts d’une violence inouïe, l’ile de Saint Martin et Puerto Rico furent détruites à 90% et la Floride évacuée en catastrophe à l’approche de l’ouragan Irma.
Tout cela se déroulait après que Donald Trump eut retiré les USA de l’accord sur le climat et qu’en France, Emmanuel Macron décide de signer le CETA, accord de libre-échange désastreux pour la planète du propre avis de l’Elysée. (4). Son #makeourplanetgreatagain ne pèse pas lourd face à l’accélération souhaitée de la mondialisation (CETA, JETA, TAFTA), la suppression des subventions à l’agriculture biologique, le projet de mine d’or en plein cœur de la forêt amazonienne (Guyanne), son opposition à la solidarité pour la transition énergétique en Europe et l’assouplissement des normes environnementales pour la construction de nouveaux logements. (5)
Regain de tension géopolitique
Sur le plan géopolitique, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’un regain de tension généralisé. L’hystérie antirusse donne lieu à une nouvelle guerre froide, la situation en Corée du Nord devient de plus en plus explosive et le moyen Orient menace de s’embraser. Pour l’instant, le manque de finesse de Donald Trump et de ses alliés a conduit la coalition USA-Israel-Arabie Saoudite vers une série d’échecs. La défaite militaire en Syrie, les tentatives de déstabilisation manquées au Qatar et au Liban et les décisions de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien et de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël, conduisent à un isolement croissant de ces trois alliés.
Le monde apparait donc moins sûr, mais paradoxalement plus équilibré du fait de l’isolement des Etats-Unis et de la montée en puissance (relative) de l’axe chino-russe.
Le retour de la lutte des classes
Aux Etats-Unis, on assiste à l’amplification d’un long processus de déconstruction du système social hérité de l’après-guerre. Si Donald Trump manque cruellement d’efficacité, les tendances engagées sont lourdes de sens. Après avoir tenté de supprimer l’assurance maladie de trente millions d’américains pour offrir des baisses d’impôts aux classes supérieures, Trump et ses alliés républicains viennent de voter le plus grand transfert de richesse depuis Ronald Reagan. Une fois et demi le PIB de la France sera prélevé des classes populaires et moyennes vers les 1% les plus riches grâce à une réforme fiscale particulièrement impopulaire. (6) L’environnement est la seconde victime de l’administration Trump, à travers l’ouverture des parcs naturels à l’exploitation minière et la suppression des normes écologiques. Tout cela sur fond de recul des libertés, en particulier avec l’abolition de la neutralité du net, l’utilisation du russiagate pour faire reculer la liberté d’expression et l’affaiblissement généralisé des institutions démocratiques.
On assiste ainsi au pillage généralisé de l’Amérique, et par extension de la planète, auquel vient s’ajouter une augmentation sans précédent des budgets militaires, une politique étrangère au service de l’industrie de l’armement et une politique intérieure qui exacerbe les ressentiments racistes.
Par contraste, la France ferait figure de modèle vertueux. Mais là encore, le projet politique d’Emmanuel Macron ne laisse aucune place au doute. Comme l’a démontré Thomas Piketty dans une tribune au Monde, la loi des finances 2018 cumule les aberrations. Austérité budgétaire, coupes massives dans la santé, l’éducation et les aides sociales et transfert de richesse sans précédent depuis les classes moyennes et populaires vers les plus riches. Emmanuel Macron croit à l’efficacité du marché et s’applique à désengager l’Etat au maximum, mettant fin aux acquis emblématiques de l’après-guerre. Ici aussi, cela se déroule sur fond d’un formidable recul des libertés publiques et de la démocratie. Contre l’avis de l’ONU et de l’Union Européenne, l’Etat d’Urgence est désormais permanent. Le traitement inhumain des immigrés et l’état déplorable du paysage médiatique, qui en est rendu à refuser jusqu’au droit d’existence d’une opposition « de gauche », témoigne d’une profonde régression démocratique.
Aux Etats-Unis comme en France, on assiste ainsi à une lutte des classes à l’envers qui voit triompher les multinationales et ultra-riches. Le retour au régime ploutocratique des années 1920 (en termes d’inégalité, de concentration du pouvoir et du recul des droits sociaux) ne laisse rien présager de bon….
Bilan 2017 : vous reprendrez bien une dose d’optimisme
Toute action entraine une réaction, et si les évolutions profondes que nous venons de résumer paraissent alarmantes, elles ne doivent pas masquer les formidables avancées qui les accompagnent.
Progression du socialisme
Aux Etats-Unis, l’émergence de Bernie Sanders comme principale alternative à Donald Trump demeure remarquable. Le vieux sénateur du Vermont est désormais l’homme politique le plus populaire du pays, en particulier chez les démocrates. Ses idées progressent de manière spectaculaire. La proposition de mettre en place une assurance maladie entièrement publique, la hausse du salaire minimum, la gratuité de l’éducation et l’augmentation des taxes sur les riches et les corporations sont désormais des idées majoritaires dans l’opinion.
En Angleterre, autre bastion historique du néolibéralisme, Jeremy Corbin a créé la surprise aux élections anticipées de Juin 2017. Il offre au Labour son plus grand succès électoral depuis 1998. La nationalisation des chemins de fer et autres infrastructures clés, l’éducation gratuite et la sécurité sociale intégrale (financé par une hausse spectaculaire des impôts sur les plus riches) faisaient partie de ses mesures principales. (7)
En France, beaucoup déplorent la défaite « in extremis » de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, et l’échec de « l’union de la gauche ». Mais ce serait vite oublier que Benoit Hamon n’est pas à strictement parler de gauche (d’où l’impossibilité de l’union) et surtout, cela reviendrait à faire l’impasse sur la formidable percée des idées progressistes. Si le projet de la France Insoumise pouvait paraitre particulièrement timide en comparaison du « programme commun » de Mitterrand, il faut s’arrêter sur le fait que vingt pour cent des électeurs ont soutenu un candidat qui proposait de désobéir aux règles budgétaires européennes, renégocier (ou sortir) des traités européens, plafonner les salaires à vingt fois le smic, autoriser les salariés à reprendre leurs usines délocalisées en les transformant en coopératives, instaurer une sécurité sociale intégrale, investir 100 milliards dans la transition écologique et briser les monopoles des groupes de presse. (8)
Résistance et réaction
Paradoxalement, la décision de Donald Trump de sortir de l’accord sur le climat et les contradictions apparentes entre le discours de Nicolas Hulot et l’action d’Emmanuel Macron contribuent à la prise de conscience écologique. L’échec de l’interdiction des perturbateurs endocriniens et du Glyphosate a montré l’étendue du fossé qui sépare désormais l’opinion publique du pouvoir politique (et le niveau de corruption inouïe qui fait rage au sein de l’Union Européenne).
En France, la consommation de viande (première source de pollution et de rejet de gaz à effet de serre) est en chute libre, tandis que la demande de produits bio connait une croissance à deux chiffres.
A l’international, l’énergie solaire s’impose comme l’option la plus compétitive. Elle bénéficie d’un taux de croissance inouïe, en particulier en Inde, Chine et Etats-Unis.
Au niveau local, la résistance s’organise. L’action formidable des Zadiste de Notre-Dame des Landes serait sur le point de mettre en échec un projet d’aéroport qui apparait de plus en plus anachronique. On pourrait également citer les victoires de l’activisme politique aux Etats-Unis dont l’action a permis de sauver le système de santé « Obamacare » et délivré un puissant revers au Trumpisme en Alabama, bastion républicain réputé imprenable. (9)
Enfin, le mouvement #metoo de libération de la parole des femmes n’a pas fini de faire trembler les puissants et renverser des montagnes. Il symbolise les transformations qui traversent la société, et le nouveau pouvoir des citoyens organisés par « réseaux sociaux ».
Le système médiatique à bout de souffle
Le JDD épinglé pour diffusion de « fake news » sur la ZAD, Jean Jacques Bourdin qui humilie Delahousse pour son interview SAV d’Emmanuel Macron, France 2 qui manipule des reportages pour mentir sciemment aux téléspectateurs et se retrouve obligée de présenter des excuses publiques… autant de signes que le « système médiatique » est au bord de l’implosion.
Le coup final pourrait bien venir du gouvernement, lui qui a décidé de transformer le service public en nouvel ORTF (à en croire les fuites).
A l’inverse, l’arrivée sur nos ondes de la chaine d’info continue RT France (à la ligne éditoriale proche de la gauche alternative sur les sujets de politique intérieure), accessible par internet et via le canal 359 de la freebox, et le lancement remarqué du « Média » permet d’entrevoir la possibilité d’une sortie par le haut. (10)
On peut le dire autrement. Le système politico-médiatique français sert de façon si visible les intérêts des puissants qu’il risque de s’effondrer sous son propre poids.
2) Quelles perspectives pour l’année 2018 ?
Jusqu’à quel point l’oligarchie décomplexée sera-elle capable de tirer sur la corde avant qu’elle ne rompe ?
Quelques « points chauds » particuliers, parfois porteurs d’espoir, seront intéressants à surveiller en 2018.
Vers une guerre en Iran ?
A en croire le Monde Diplomatique de Décembre, toute les conditions sont réunies pour une entrée en guerre des Etats-Unis. L’ambassadrice des USA à l’ONU, Niki Halley, reprend mot pour mot le discours de Colin Powell à l’époque de la préparation de l’invasion de l’Irak. Le département d’Etat a affirmé vouloir renverser le régime iranien, tandis que l’Arabie Saoudite et Israël s’appliquent à déstabiliser la région.
Dans ce contexte explosif, les manifestations iraniennes pourraient rapidement dégénérer vers une guerre civile, ou à l’inverse, désamorcer l’escalade militaire souhaitée par les USA et leurs alliés.
L’Arabie Saoudite use de toute son influence pour provoquer une révolution que Donald Trump a appelé de ses vœux, allant jusqu’à soutenir les manifestants via tweeter. Difficile de savoir jusqu’où ira la contestation et à qui elle bénéficiera. Elle pourrait aussi bien déboucher sur une guerre civile avec intervention américaine à la clé, ou entrainer un réel changement progressiste en Iran et un renforcement du régime sur l’échiquier international.
Réchauffement climatique sous haute surveillance
Les records de chaleur, de fonte des glaces et de hausse du niveau de la mer en 2017, doublés d’une quantité de catastrophes naturelles impressionnantes, ont permis de sensibiliser l’opinion publique sur l’urgence climatique. En cas d’année plus « froide » et calme, l’attention risque de s’effriter. Mais si de nouveaux évènements climatiques ont lieu, la prise de conscience pourrait franchir un nouveau cap et pousser les dirigeants à faire autre chose que de prononcer des oxymores du style « croissance verte ».
Crise financière en devenir ?
En 2018, le capitalisme célèbrera sa plus longue période sans crise financière majeure depuis l’avènement de la « financiarisation ».
Impossible de prévoir quand ni par quoi adviendra la prochaine crise, mais force est de constater que les conditions à son déclenchement n’ont jamais été aussi favorables. Trump et Macron dérégulent la finance et encouragent la spéculation financière en abaissant les impôts sur le capital. Les inégalités explosent et la dette privée (en particulier aux USA sur les prêts à la consommation et prêts étudiants) atteignent de nouveaux records. Tous les indicateurs virent au rouge.
Paradoxalement, l’arrivée d’une crise pourrait constituer une bonne nouvelle. Bien qu’elle impacterait nécessairement les classes moyennes et populaires, elle risquerait d’emporter avec elle l’ensemble du système financier. Une occasion en or de changer de modèle de société, qu’il s’agira de ne pas manquer.
Zone à défendre à Notre Dame des Landes
Le mouvement d’occupation pacifiste de la ZAD pourrait remporter une formidable victoire en cas de renoncement au projet d’aéroport. La question de l’évacuation par la force deviendra alors un enjeu majeur. La ZAD n’est pas seulement un modèle de résistance citoyenne face à l’absurdité du pouvoir capitaliste le plus destructeur, mais également un modèle de contre-société où la solidarité et l’autogestion triomphent de l’individualisme et de la finance. Par voie de conséquence, son existence semble inacceptable aux puissants, comme le démontre l’acharnement médiatique. L’article « fake news» du JDD, dont le but était de repeindre des disciples de Pierre Rabi en terroristes à abattre, s’inscrit dans cette volonté d’écraser le mouvement alternatif.
Défendre la ZAD contre l’évacuation probable qui sera organisée (en s’y rendant le moment venu) ou plus simplement la faire vivre en militant pour elle devrait figurer en tête de nos résolutions pour la nouvelle année.
Année électorale aux Etats-Unis
En Septembre 2018, les américains seront de nouveau appelés aux urnes pour renouveler leur parlement. Un tiers du Sénat et l’ensemble de la Chambre des représentants seront en jeu, avec une opportunité de prise de contrôle du Congrès par les démocrates. Leur victoire surprise en Alabama les laisse espérer un raz-de-marée à l’échelle nationale.
En cas de basculement d’une des deux chambres, l’opposition disposera d’un pouvoir de blocage total. Donald Trump sera dans l’incapacité de poursuivre ses réformes et devra répondre à de nombreuses investigations sur ses conflits d’intérêts et pratiques potentiellement illégales. Une bataille que nous suivrons de près !
Conclusion
Si 2017 fut le théâtre de nombreuses catastrophes et l’affirmation de tendances régressives profondes, l’année fut également marquée par une remarquable percée des idées progressistes et écologistes. Le poids croissant des réseaux sociaux et des organisations citoyennes décentralisées menacent plus que jamais le pouvoir en place.
Reste à savoir si 2018 verra le début d’une rupture, ou si l’oligarchie parviendra à tendre davantage l’élastique sans le rompre tout à fait.
Depuis le Texas, nous continuerons d’observer avec intérêt le déroulement des évènements. D’ici là, nous vous souhaitons une excellente année !
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Annexes:
Pour retracer l’année écoulée nous vous suggérons quelques-uns de nos articles principaux :
- 2016, année exceptionnelle (janvier 2017) : un rappel optimiste des tendances longues, chiffres et graphiques à l’appui
- Election américaine : stupeur et tremblement : Une analyse étonnamment prédictive et explicative (à notre surprise) de la victoire électorale de Donald Trump
- Et maintenant ? : bilan du cycle électoral français de 2017
- Le retour de la lutte des classes : bilan des politiques engagées par Emmanuel Macron et Donald Trump et contexte social les expliquant
- Faut-il avoir peur des USA : notre série sur les Etats-Unis vue depuis le Texas, avec un focus sur l’absence de démocratie, le manque de liberté et l’impérialisme.
Sources et références :
- De nombreux analystes, y compris au Pentagone, ont reconnu le rôle du réchauffement climatique dans les révolutions du printemps arabe, en particulier les sécheresses en Syrie. Cela aurait ensuite facilité l’émergence de l’EI et aggravé les flux migratoires que l’on peut tenir pour responsables des victoires électorales de l’extrême droite en Autriche et Slovaquie. Lire à ce sujet Le Monde Diplomatique « aux origines climatiques des conflits » et cette analyse en Anglais du Center for american progress.
- Voir datagueule « le changement climatique c’est maintenant »
- Voir notre article : « En direct de l’Ouragan Harvey » et notre billet pour Médiapart « Houston : Déluge et solidarité »
- LVSL « Le ceta signe la mort de la cop21 »
- Lire notre article « En attendant le déluge », et pour l’abaissement des normes environnementales, cet article du JDD
- Lire notre article «Comprendre la réforme fiscale de Donald Trump »
- Voir Jacobin mag https://www.jacobinmag.com/2017/06/jeremy-corbyn-election-results-labour-theresa-may-left
- Voir notre article sur la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon et Bernie Sanders
- Lire notre article sur « la bataille pour la santé » aux USA
- Lire notre article « Faut-il soutenir le média »
Une réaction au sujet de « Bilan 2017, perspectives 2018 et meilleurs voeux »
Désespoir ou ingratitude ? 20 janvier et toujours personne ici pour vous retourner vos vœux.
Par votre propension à toujours voir la coupe à moitié pleine coûte que coûte, et par un travail de fourmi (de colibri) inlassable vous faites beaucoup ici, et ailleurs pour éveiller, puis aiguiser les consciences, alimenter l’espérance, toujours avec hauteur de vue, respect et bienveillance.
A ce titre, vous faites bien plus et mieux que nombre d’acteurs de terrain dits « engagés », mais pas tous vraiment humanistes…
Aussi, je vous remercie du partage, de l’enseignement et vous souhaite sincèrement le meilleur, à vous qui de plus par votre situation personnelle n’avez manifestement pas autant à perdre/gagner que beaucoup d’entre nous, du moins dans l’immédiat.
Alors, s’il vous plaît, continuez, car je veux croire aussi que ce n’est pas vain !