Le 1er débat du parti démocrate rebat les cartes de la primaire

Le 1er débat du parti démocrate rebat les cartes de la primaire

Vingt candidats répartis sur deux soirées ont débattu pour la première fois dans le cadre de la primaire démocrate. S’il reste neuf mois avant les premiers votes, ce débat a surpris par la richesse de ses enseignements et sa capacité à bouleverser la configuration de la primaire. La course est plus que jamais lancée pour élire le candidat qui devra affronter Donald Trump en 2020.

Un contexte alarmant

Alors que la Cour Suprême vient d’offrir une victoire déterminante au parti républicain en refusant d’interdire le « gerrymandering » (découpage partisan des circonscriptions) qui va permettre à la droite américaine d’asseoir définitivement son contrôle sur le Congrès dans les années à venir, le Parti démocrate fait face à un impératif existentiel : battre Trump et reprendre le contrôle des institutions. D’où cette double question : qui, et comment ?

Les démocrates se déchirent entre deux visions. D’un côté, celle d’une gauche radicale et populiste défendue par Bernie Sanders et Elizabeth Warren, qui doit permettre de ramener la classe ouvrière ayant voté pour Donald Trump et la masse d’abstentionnistes (près d’un Américain sur deux) vers le parti démocrate. Ce courant dénonce la corruption du système politique et assume un programme « progressiste » ambitieux (et très populaire auprès des américains) qui s’attaque frontalement aux intérêts économiques de la classe dirigeante. De l’autre côté, une voie centriste vise à réaliser un compromis entre les exigences sociales de l’américain moyen et les intérêts financiers des plus riches pour séduire l’électeur républicain modéré sans décourager sa propre base. Cette seconde option fut embrassée par le parti démocrate en 2016, avec le succès que l’on connait…

Pourtant, le parfait avatar de Madame Clinton, le vice-président d’Obama Joe Biden, caracole en tête des sondages depuis deux mois, à plus de 35 %. Derrière lui, on retrouve un quatuor de candidats emmené par Bernie Sanders, dont sa base lui assure entre 10 et 20 % des voix ; Elizabeth Warren, qui réalise une percée grâce à ses propositions audacieuses ; le maire gay de South Bend Pete Buttigieg, coqueluche des médias ; et la sénatrice de la Californie Kamala Harris, dont la campagne peinait jusque là à décoller. Deux autres candidats semblent capables de rejoindre le groupe des « favoris » : le sénateur du New Jersey Corey Booker et le Texan Beto O’Rourke.

Capture d’écran CBS montrant les vingt candidats qualifiés pour les premiers débats

Les deux soirées de débats ont bouleversé cette configuration initiale, comme nous allons le voir.

Un mot sur la forme

Les téléspectateurs ont certainement eu le tournis en assistant à deux débats menés tambour battant, où chaque candidat n’a pu s’exprimer qu’un peu moins de dix minutes sur une douzaine de sujets différents, via des interventions limitées à soixante secondes.

Le résultat fut souvent chaotique, ce qui devrait limiter l’influence des diverses prestations sur l’opinion des électeurs. Cependant, le récit médiatique qui se dégage des débats va immanquablement peser sur la couverture de la campagne, et influencer commentateurs, soutiens politiques et donateurs dans leur choix de mettre en avant un candidat plutôt qu’un autre.

Cela étant dit, voici les principaux enseignements à retenir.

La gauche s’impose idéologiquement

Malgré la formulation essentiellement réactionnaire des questions et l’écrasante supériorité numérique des candidats centristes, la « gauchisation » du parti démocrate saute aux yeux.

Les deux débats ont démarré par les thèmes mis en avant par Bernie Sanders en 2016. L’assurance maladie universelle « Medicare for all », l’annulation de la dette étudiante, la gratuité de l’université publique, l’augmentation du salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure et la nécessité de taxer les hauts revenus figuraient au cœur de la première heure de chaque soirée.

Bernie Sanders – Photo Phil Roeder/Flickr

Mais ce basculement ne se limite pas aux questions économiques. Julian Castro, le maire de San Antonio, a su imposer son ambitieuse proposition de décriminalisation de l’immigration illégale à de nombreux autres candidats. Tous se sont par ailleurs prononcés en faveur d’une prise en charge des sans-papiers par l’assurance maladie.

En termes de politique internationale, bien que ce soit Bernie Sanders et Tulsi Gabbard qui l’aient exprimé le plus clairement, l’opposition à l’interventionnisme en général et à la confrontation militaire avec l’Iran en particulier était frappante.

Enfin, l’urgence climatique fut citée comme principale préoccupation par une dizaine de candidats, et la défense du droit à l’avortement et des minorités prit une place remarquée. La gauche américaine peut se satisfaire d’être en passe de remporter la bataille des idées. À l’inverse, les multinationales et les lobbies, jugés coupables de tous les maux, ont passé deux mauvaises soirées.

« Medicare for all » cristallise les divisions

Au cours des deux soirées, les vingt candidats ont dû se prononcer sur cette même question : « Une majorité des gens qui nous regardent ce soir reçoivent leur assurance maladie par leur employeur. Qui ici abolirait les assurances privées pour les remplacer par un système géré par le gouvernement ? Levez la main ». (On appréciera au passage le cadrage réactionnaire de la question).

Le premier soir, seule Elizabeth Warren et le maire de New York Bill de Blasio se sont exécutés. Le second, Kamala Harris a prêté main-forte à Bernie Sanders.

Jusqu’à présent, Warren avait entretenu le flou sur cette question cruciale, s’attirant les foudres de la gauche radicale. Quant à Kamala Harris, elle vient de revenir sur sa position, affirmant « qu’il y aura bien une place pour le privé » dans sa version de « Medicare for all », la proposition phare du candidat Bernie Sanders.

Cette question fracture le parti démocrate, et pour cause.

Pour assurer à tous les Américains une couverture santé digne de ce nom, Bernie Sanders propose d’étendre à toute la population le très populaire programme public « Medicare », pour l’instant réservé aux seniors. Les économies d’échelle permettraient d’en améliorer la qualité afin de fournir une couverture supérieure à celle offerte par les meilleurs régimes privés. Surtout, « Medicare pour tous » représente un message simple et populaire capable de contrer Donald Trump sur son propre terrain.

Mais si cette option garantit une couverture santé à tous les Américains, elle nécessite d’en finir avec les assurances privées, et obligera les 150 millions de travailleurs qui reçoivent leur couverture via leur employeur à changer de système.

D’où une alternative mise en avant par les centristes en général et Pete Buttigieg en particulier : « Medicare for who wants it » (Medicare pour ceux qui le souhaitent).

L’avantage de cette seconde option est qu’elle épargne les toutes puissantes assurances privées, tout en les mettant en concurrence avec l’option publique. Elle serait donc plus « pragmatique », « réaliste », et politiquement moins risquée puisqu’elle laisserait à chaque citoyen « le choix ». Mais elle serait également plus fragile, moins performante en termes de qualité de couverture, et plus cher par tête de pipe. C’est la copie conforme de la proposition sur laquelle Barack Obama avait fait campagne en 2008, et qui avait accouché d’une souris désormais pratiquement démantelée par les conservateurs : la célèbre « Obamacare ».

Les arguments en faveur de l’option de Bernie Sanders sont nombreux : plus on assure de personnes sous un système unique, plus les économies sont importantes et la qualité des prestations au rendez-vous. Les employeurs américains économiseront de l’argent et des efforts administratifs, et les employés profiteront d’un système stable qui leur laisse la liberté de choisir leur médecin. L’idée selon laquelle les Américains sont attachés à leur assurance privée ne tient pas la route. Outre les frais exorbitants qu’elles engendrent (en franchise, reste à payer et mensualité supplémentaire), elles rendent les bénéficiaires dépendants de leur emploi. Loin d’avoir « le choix », l’employé se voit imposer un nombre limité de praticiens par l’assureur, et les termes de l’assurance par son employeur qui les renégocie annuellement auprès des diverses compagnies d’assurances.

Compte tenu du format de ce débat, ces arguments ont été très peu développés. Les téléspectateurs savent qui défend quoi, mais sans savoir exactement pourquoi.

Quatre gagnants et deux perdants

À en croire la première batterie de sondages publiés depuis les deux soirées et l’évolution du récit médiatique, les débats auront durablement bouleversé la campagne. En particulier, Joe Biden redescend de son piédestal, tandis que Kamala Harris émerge comme une très sérieuse candidate. D’autres s’en sont plus ou moins bien sortis.

Elizabeth Warren, à gauche toute

 La sénatrice du Massachusetts a dominé le premier débat. Au-delà de la simple posture rhétorique, elle a su articuler une vision susceptible de rassurer la gauche la plus radicale. Son soutien à Medicare for all s’est accompagné d’une argumentation bien placée, Warren fustigeant les profits indécents des compagnies d’assurance tout en ancrant sa conviction dans son histoire personnelle : de par son métier, elle a été témoin de nombreuses faillites financières de familles pourtant assurées, mais incapables de payer les franchises exorbitantes. Des mots qui résonneront aux oreilles de nombreux Américains qui, comme votre serviteur, subissent la rapacité des compagnies d’assurances.

Warren, photo Gage – Flickr

Elle a également proposé une méthode convaincante pour imposer ces changements radicaux. Reprenant le message de Bernie Sanders, elle a souligné l’importance de créer et d’entretenir un mouvement de masse capable de soutenir ces réformes. Autrement dit, le fossé qui la séparait du sénateur socialiste s’est fortement réduit.

Reste à savoir si elle possède les qualités oratoires et le charisme requis pour affronter Donald Trump.

Julian Castro contre Beto O’Rourke, le duel des Texans

Seul candidat « latino », Julian Castro est l’autre vainqueur de la première soirée. En dominant Beto O’Rourke sur les questions migratoires au cours d’un échange mémorable, il a durablement marqué les esprits. Sa proposition fut débattue lors de la seconde soirée, preuve de sa capacité à peser idéologiquement sur son parti. Son calme et sa prestance contrastaient avec l’hésitation de Beto et la tension qui animait de nombreux autres candidats, renforçant son image d’adversaire capable de faire trembler Donald Trump. Reste qu’il pointait à seulement 1 % des intentions de vote avant ce débat. La route sera longue, mais son nom circule déjà comme potentiel colistier du futur vainqueur, signe qu’il a livré une solide prestation.

Inversement, Beto O’Rourke, ancienne coqueluche des médias, pourrait ne pas se relever de cette soirée.

Kamala Harris, candidate idéale face à Donald Trump ?

La campagne de Kamala Harris stagnait, malgré les nombreux atouts de la sénatrice. Après une prestation exemplaire, elle vient de prendre une sérieuse option sur la nomination, tout en enfonçant le favori Joe Biden.

Dès sa première intervention, madame Harris se distingue de ses adversaires en refusant le cadrage de la question.

« Séanteur Harris, les démocrates proposent de nombreuses réformes ambitieuses (…), n’ont-ils pas la responsabilité d’expliquer aux électeurs comment ils comptent les financer ? »

« J’ai bien entendu votre question, mais avant d’y répondre, je voudrais vous demander pourquoi cette question n’a pas été posée aux républicains et à Donald Trump lorsqu’ils ont voté une baisse d’impôt gigantesque pour les plus riches ? »

Plus tard, elle s’impose avec brio dans les échanges les plus chaotiques. Alors que Biden, Sanders et Buttigieg s’entrecoupaient, Harris intervient avec autorité : « les Américains ne veulent pas d’une dispute de diner de famille, ils veulent savoir comment on va mettre de la nourriture sur la table ». Si la phrase et l’intervention avaient surement été préparées, elle lui a valu les applaudissements nourris du public et lui a permis de récupérer la parole.

Kamala Harris, photo Gage Skidmore – Flickr

Madame Harris profite ensuite d’une question d’un journaliste, qui rappelle que Barack Obama a déporté le nombre record de 3 millions d’immigrés lorsque Joe Biden était lui même vice-président, pour marquer son désaccord avec cette politique.

« Je me suis opposée à mon président sur cette politique, car elle ciblait des immigrants qui n’avaient commis aucun crime ».

Il faut comprendre que pour les électeurs démocrates, Barack Obama est une figure sacrée. Impossible de le critiquer, au risque de vous aliéner le vote des Afro-Américains, qui représentent un quart de l’électorat démocrate. Joe Biden est populaire auprès de cette population pour cette simple raison : on se souvient de lui avant tout comme le vice-président d’Obama.

Kamala Harris peut se permettre cette audace du fait de ses origines ethniques, et ainsi dénoncer les erreurs de la présidence d’Obama, et par extension, de Joe Biden.

Mais c’est en attaquant le vice-président directement qu’elle a définitivement marqué les esprits. Saisissant l’opportunité d’une discussion sur les inégalités raciales et les violences policières, elle interjecte : « en tant que seule Afro-Américaine sur ce plateau je voudrais dire un mot ».

La modératrice lui accorde trente secondes. Harris prend une profonde aspiration, et débute une séquence qui fera date :

« Au sujet du racisme, je suis d’accord que c’est un problème qui n’est pas traité de manière suffisamment honnête et juste. Je ne connais pas un seul homme noir qui n’a pas un jour été victime de racisme ou de discrimination. Dans notre enfance ma sœur et moi étions confrontées à un voisin qui disait à ses enfants qu’ils ne pouvaient pas jouer avec nous, car nous étions noirs. Et je veux aussi dire que, dans cette campagne, nous avons entendu des choses, et je vais donner ce conseil à monsieur Biden… Je ne pense pas que vous soyez un raciste, et je suis d’accord avec vous lorsque vous cherchez à établir des compromis, mais je crois également, et c’est personnel, en réalité cela m’a blessée, de vous entendre défendre la réputation de deux sénateurs qui ont construit leur carrière sur la défense de la ségrégation dans ce pays, et ce n’était pas seulement cela, mais vous avez aussi travaillé avec eux pour vous opposer aux bus scolaires pour les noirs, et vous savez, il y avait une petite fille en Californie qui faisait partie de la seconde promotion à intégrer une école publique, et elle prenait ces bus scolaires tous les jours, et cette petite fille, c’était moi. Alors je vous dis que sur cette question, on ne peut pas se contenter d’un débat intellectuel, il faut prendre cela au sérieux et agir rapidement ».

Cette attaque constitue un véritable cas d’école. Portée  avec calme, courtoisie et émotion, elle semble authentique, personnelle et pertinente, bien que certainement préparée. La modératrice n’a pas osé interrompre l’ancienne procureur générale de Californie lancée dans cet éblouissant réquisitoire contre Joe Biden.

Le vice-président d’Obama aurait pu s’en sortir sans trop de dégât, mais le fait est que Biden a longtemps tenu des positions politiques racistes, est un mauvais politicien, et se trouve clairement en décalage avec la sensibilité de notre époque. Il s’enfonce en répondant par la négative avant de se réfugier derrière des arguments ségrégationnistes. Kamala Harris n’a plus qu’à l’achever en beauté (cf. l’extrait vidéo ci-contre).

Pour Biden, la mauvaise soirée ne fait que commencer. Harris, elle, vient de marquer des points cruciaux.

Premièrement, elle va enfin pouvoir s’imposer comme la candidate naturelle de l’électorat afro-américain, ce qu’elle n’était pas parvenue à faire jusque là. Son orientation à gauche, mais pas trop, la place dans une position unique pour rassembler le parti derrière elle. Parce qu’elle est relativement jeune, de couleur et une femme, elle évite les écueils de Sanders et Biden (jugés trop vieux, trop blanc et trop masculin pour certains). Rappelant qu’elle fut la procureur générale de l’État de Californie, c’est-à-dire « la responsable du système judiciaire de l’État le plus peuplé du pays » elle assoit sa crédibilité. Et avec cette prestation, elle prouve qu’elle peut dominer Donald Trump dans un débat et faire ce que tous les électeurs démocrates demandent avant toute chose de leur champion : battre l’actuel occupant de la Maison-Blanche.

Depuis cette soirée, elle a pris une dizaine de points supplémentaires dans les sondages, aux dépens de Joe Biden.

La soirée cauchemardesque de Joe Biden

Joe Biden représente la promesse d’un désastre électoral en devenir, l’exacte répétition de la campagne d’Hillary Clinton. Son seul atout ? Il n’est pas Donald Trump. Et pourtant :

Trump est vieux ? Biden a cinq ans de plus. Trump est raciste ? Biden a défendu la ségrégation dans les années 70 et mis en place le système d’incarcération de masse des Afro-Américains dans les années 90. Trump ruine le commerce mondial ? Biden a participé à la mise en place des accords de libre-échange dans les années 2000. Trump traite les immigrés de façon inhumaine ? Biden en a déporté 3 millions avec Obama et militarisé la frontière. Trump est accusé d’agressions sexuelles ? Biden aussi. Trump menace la paix mondiale ? Biden a défendu bec et ongles l’invasion de l’Irak.

Credit Marcn – Flickr

Comme madame Clinton, « oncle Joe » courtise les riches donateurs, leur promettant qu’avec lui « rien ne changera ». S’il reste en tête des sondages, les observateurs semblent conscients du danger qu’il représente pour le camp démocrate.

Dès le début du débat, les journalistes lui ont renvoyé ses déclarations aux riches donateurs à la figure. Plus tard, ils lui rappellent son bilan sur la question migratoire et la guerre en Irak. Kamala Harris a exposé son passé ségrégationniste et son incapacité à débattre proprement. Un candidat lui a reproché les baisses d’impôts qu’il avait offertes à Georges Bush junior, et Bernie Sanders n’a pas manqué de le tacler au sujet de l’Irak.

Cela ne sera probablement pas suffisant pour enterrer la candidature de ce personnage anachronique, mais devrait sérieusement entamer son statut de favori.

Mayor Pete renforce sa stature.

Là où Biden fut incapable de reconnaître ses erreurs passées ou s’excuser, Pete Buttigieg, au centre d’une polémique depuis qu’un Afro-Américain a été abattu par un policier blanc dans sa ville, a su reconnaître sa part de responsabilité. De manière générale, il a témoigné tout au long du débat d’une grande maitrise de l’art oratoire.

Credit : Lorie Shaull – Flickr

Malheureusement, ce talent fut parfois mis au service de la mauvaise cause, puisqu’il aura délivré un argumentaire travaillé pour défendre sa vision de l’assurance maladie « Medicare for who wants it ». Un néolibéral pure souche, mais bien servi par une aisance rhétorique doublée d’un profile atypique.

Quid de Bernie Sanders et des autres ?

Tulsi Gabbard a suscité la curiosité des électeurs après ses prises de position remarquées contre l’interventionnisme militaire, Kristin Gillibrand et Corey Booker ont livré de bonnes performances, Bill de Blasio émerge grâce à ses prises de position plus à gauche que Warren lors du premier débat, mais aucun de ces candidats ne semble en mesure de se dégager un espace politique propre.

Sanders, contrairement aux autres, était attendu au tournant.

Sa position n’était pas aisée, les journalistes l’attaquant directement à trois reprises, puis indirectement en interrogeant un autre candidat, avant de mettre en cause sa proposition d’assurance maladie universelle tout au long des deux soirées afin d’encourager les autres participants à dénigrer sa position.

Sanders n’est pas un franc-tireur. Il refuse généralement la confrontation directe, préférant élever le débat et répéter ses arguments clés. Mais cela l’a conduit à paraître souvent déconnecté, soit en ne répondant pas directement aux questions, soit en cherchant à prendre la parole pour ensuite asséner une de ces diatribes contre les puissances de l’argent. Cette méthode contrastait radicalement avec Madame Clinton en 2016, mais sonne parfois comme un vieux disque rayé en 2019.

Pris entre plusieurs feux, il s’est souvent retrouvé sur la défensive. Pourtant, en termes de substance, il demeure de loin le plus incisif.

Que ce soit sur les questions de politique étrangère ou économique, il reste le seul candidat à réellement proposer une vision structurelle cohérente. Tout au long du débat, il a tenté d’expliquer le rôle des puissances de l’argent, des institutions et réfuter la formulation des questions.

Sa conclusion pourrait être celle de cet article :

« Je pense que les gens qui nous regardent ce soir pensent que nous sommes des gens bien intentionnés, avec de belles idées. Mais comment se fait-il que rien ne change ? (…) Voici la réponse : rien ne changera, sauf si on a le courage de s’attaquer à Wall Street, aux lobbies des assurances maladie privées, de l’industrie de l’armement et de l’industrie pétrolière ».

Conclusion

Du point de vue du format, le débat se résume à un véritable cirque qui réduit à un spectacle de divertissement ce qui devrait constituer un débat démocratique détaillé. Dans ce genre d’exercice, ce ne sont pas nécessairement les meilleures idées qui triomphent, mais ceux qui peuvent sortir du lot en provoquant des « coups d’éclat », ou en articulant un message percutant en une poignée de secondes.

Cette première soirée a permis à Kamala Harris d’émerger comme une candidate très sérieuse, tout en écornant sévèrement l’image du favori Joe Biden.

Les sondages reflètent cette nouvelle réalité et alimentent le récit médiatique qui traite cette campagne du simple point de vue de la « course de chevaux ». On ne peut que se réjouir de la perte de vitesse de Joe Biden, mais pour ce qui est de la substance, la gauche américaine reste sur sa faim. Le lendemain de sa brillante performance, Kamala Harris modérait son soutien à « Medicare for all », avant de rejoindre un diner de levée de fonds organisé par la banque Well Fargo, spécialiste du crédit à la consommation exploitant les classes populaires. Pour 2500 dollars, les participants pouvaient s’offrir un selfie avec la nouvelle étoile montante du parti démocrate.

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